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Condamnation d'un office HLM pour fichage ethnique : ce dont on se prive pourtant à le refuser systématiquement
©Reuters

Hypocrisie française

Un des plus gros bailleurs sociaux d'Ile-de-France, Logirep, a été condamné vendredi 2 mai à 20 000 euros d'amende par le tribunal correctionnel de Nanterre car il fichait ses locataires selon des critères ethniques.

Atlantico : Dans le cadre de vos expériences professionnelles, avez-vous rencontré des situations de conflits opposant différentes communautés ?

Jean Martin : J'ai d'abord travaillé en Ile-de-France pour une association qui mettait des logements sociaux à disposition de personnes en grande difficulté. Il y avait une réelle obsession à "faire de la mixité". Cette mixité n'est pas toujours une réussite, mais il est impossible de le dire car ce ne serait pas "politiquement correct". Les bailleurs sociaux acceptaient des familles qui venaient d'un peu partout, d'Afrique du Nord et d'Afrique subsaharienne. Les bâtiments - initialement occupés par des ouvriers - se vidaient car les habitants qui venaient d'Afrique noire, n'avaient pas un comportement approprié. Ils n'hésitaient pas à jeter les poubelles dans les escaliers.

Je me sentais, dans certains endroits, isolé. Il n'y avait pas de pompiers, pas de police, les portes d'entrée étaient défoncées, il y avait des frigos et des machines à laver à l'extérieur. Quand on empruntait les escaliers, il fallait s'excuser et dire ou nous allions. J’avais aussi un rôle de conciliateur, j'étais sur le terrain pour trouver des solutions. Il y avait des vrais problèmes avec certaines ethnies. Une veuve habitait en rez-de-chaussée et se plaignait de ses voisins qui, lorsqu’ils avaient fini de manger du lapin ou du poulet, jetaient les os par les fenêtres. Ils jetaient aussi des couches, des protections féminines... Nous avons essayé de trouver des solutions avec les patrons des HLM. Mais cela ne leur a pas plu qu'on évoque le sujet car ils n'ont pas de solutions.

Quelles sont les communautés concernées ?

Jean Martin : Il est difficile de faire cohabiter des gens d'Afrique du Nord avec des personnes d'Afrique noire. Car ils n'ont pas la même conception de la vie en communauté, parfois ils ne se supportent pas. Pour peu que l'on introduise des gens du voyage, c'est le chaos. Il n'y a aucune consigne de la part des gérants pour l'attribution des logements, les gens essayent de trouver des solutions. Les relations avec les Français dit "de souche" étaient également très compliquées. Je n’irais pas jusqu’à dire que ces zones sont des zones de non-droit, mais les Maghrébins restent les maîtres du territoire. Evidemment, tous ne se comportent pas de la même manière et certains se plaignent des agissements de membres de leur propre communauté. En France, nous n'avons pas su gérer ça. Politiquement, ce n'est pas accepté. Si on met ces problèmes sur la table, on est accusé d’extrémisme. Le problème existe mais tout le monde se tait.

Comment ces problèmes sont-ils pris en compte par les pouvoirs publics ?

Jean Martin : J'évoquais plus haut, le cas de cette veuve vivant en rez-de-chaussée. Le chaos régnait devant sa fenêtre. Les gens mettaient leur voiture sur la pelouse et faisaient tourner le moteur. Nous sommes allés sur place. Les trois quarts des personnes venaient d'Afrique du Nord et on ne pouvait pas leur faire entendre raison. La mairie a essayé de trouver des solutions en organisant les espaces verts. Il s'agit bien d'un problème de cohabitation avec des personnes qui viennent de pays différents. Je n'ai pas d'a priori, il s’agit d’un constat. Ce que je reproche à l'ensemble de la politique de l'Etat est que l’on ne veut pas voir le problème. Et quand on l'aborde, on finit par dire que c’est nous qui n’acceptons pas les différences.

Si la question du fichage ethnique pose un problème de principe, quel est l'intérêt de les mettre en place ? 

Moustafa Traoré : Je crois que cette question est rarement posée aux bonnes personnes. Les gens les plus favorables aux statistiques ethniques appartiennent souvent à une minorité, et pensent que c'est un moyen de combattre les inégalités et les discriminations. En Grande-Bretagne, on remarque que ce sont très souvent les membres des minorités qui demandent à être inclus dans ces statistiques. Outre-Manche, ce type de fichier date de 1991, les religions ont été ajoutées plus tard, en 2001. Au fil du temps, on a amélioré ces fichiers pour que les personnes se sentent reconnues. Actuellement, les immigrés Africains plaident pour ajouter plus de précisions à leur catégorie, en fonction du pays ou de la région d'origine par exemple. Dans les années 1970, on parlait en Angleterre de noirs et de blancs. Et ce sont les indo-pakistanais - étiquetés comme noirs - qui ont demandé la création d'une nouvelle rubrique. 

Du reste, ces fichiers ethniques est à double tranchant. D'un côté, ils peuvent être utilisés pour recenser les différentes minorités, repérer les zones où elles sont peu présentes et mieux comprendre pourquoi. D'un autre côté, par le passé, ils ont aussi été utilisés par la police pour répertorier et classer des suspects. Sur ce point, tout dépend de la politique mise en place par le gouvernement. En Angleterre, ces fichiers sont très clairement utilisés pour combattre les inégalités. 

En Grande-Bretagne, ces statistiques sont-elles utilisées à d'autres fins ?

Moustafa Traoré : La Grande-Bretagne accorde le droit de vote aux ressortissants de certains pays, qui sont les citoyens du Commonwealth : un Nigérian ou un Indien peuvent donc voter, mais pas un Coréen ou un Sénégalais. Pour les politiques, il est donc essentiel de savoir qui sont les électeurs et d'où ils viennent. 

Plus spécifiquement, comment sont-elles utilisées dans l'attribution de logements sociaux ?

Moustafa Traoré : Les personnes qui font une demande de logement social peuvent émettre des choix. Ensuite, la priorité d'accès se fait selon plusieurs critères (nombre d'enfants etc.). Lorsqu'on vous propose un logement, vous pouvez le refuser et être de nouveau mis sur liste d'attente. C'est le client qui décide. L'histoire le montre avec la communauté indo-pakistanaise : bien souvent, les membres d'une minorité souhaitent habiter à côté d'autres membres de leur communauté (pour se rapprocher de sa famille ou pour habiter à côté d'un lieu de culte déjà mis en place etc.). De ce fait, à partir du moment où les personnes choisissent leur logement, il n'y a pas de problèmes de cohabitations entre les différentes communautés.

Au Royaume-Uni, la question du vivre ensemble est un sujet central, sur lequel travaillent de nombreuses universités. Outre-Manche, on se focalise surtout sur ce qu'on a en commun (la foi par exemple).

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