Les points du projet de réforme pénale potentiellement explosifs pour la cohabitation Valls-Taubira<!-- --> | Atlantico.fr
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Pénitencier de Reau.
Pénitencier de Reau.
©Reuters

"Amour vache"

Le couple Valls-Taubira avait déjà des points de désaccord à propos de la réforme pénale avant la promotion du premier. Ceux-ci existent toujours et menacent l'unité du gouvernement. La ministre de la Justice entend en effet défendre et maintenir son projet tel quel.

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Atlantico : L'été passé, alors que Manuel Valls logeait encore place Beauvau, il s'est vertement opposé à Christiane Taubira et sa réforme pénale. Aujourd'hui, la Garde des Sceaux assure la maintenir contre vents et marées. Se dirige-t-on vers une nouvelle polémique ou peut-on supposer qu'un accord a été trouvé ?

Alexandre Giuglaris : C'est la question essentielle à laquelle nous n'avons pas tout à fait la réponse. En effet, après bien des atermoiements et des reports légitimes, cette réforme devrait être discutée à l'Assemblée nationale en juin.

Cependant, les couacs ne devraient pas tarder à ressurgir si chacun des deux protagonistes a gardé ses convictions. Manuel Valls avait écrit une lettre de critiques virulentes sur la reforme pénale à François Hollande l'été dernier. Aujourd'hui Christiane Taubira est en pleine surenchère laxiste et invite les parlementaires à redonner de la "cohérence" au texte c'est à dire revenir sur les rares mesures de bon sens obtenues par Manuel Valls lorsqu'il était à l'Intérieur. Lequel des deux ment, va se renier ou aller au clash, c'est ce que nous verrons très rapidement.

Plus largement, quels sont les points susceptibles de susciter des désaccords entre la Justice et Matignon ?

Ils sont nombreux. Manuel Valls avait obtenu que le quantum de peine de prison ferme donnant droit à un aménagement de peine passe de deux ans à un an et de un an à six mois pour les récidivistes. Christiane Taubira indiquait à ce moment-là que cela revenait sur le laxisme de la droite.

Or aujourd'hui, elle veut combattre ce point pour redonner cette soi-disant cohérence au texte. Elle demande aussi que les députés élargissent les cas permettant de prononcer une contrainte pénale, c'est à dire d'éviter la prison. Dans le projet actuel, les peines encourues jusqu'à 5 ans de prison sont concernées. Elle demande que l'on élargisse cela pour les peines encourues jusqu'à 10 ans de prison ! Et on parle de cohérence... alors qu'il s'agit de peines concernant des agressions sexuelles aggravées, le proxénétisme ou les violences graves contre les forces de police par exemple... Je doute qu'un ancien ministre de l'Intérieur laisse faire cela...

Christiane Taubira annonce qu'elle ne lâchera rien, peu importe la promotion dont Manuel Valls a fait l'objet. Comment pourrait-elle la maintenir contre la volonté du Premier ministre ? Qu'est-ce que cela implique pour le bon fonctionnement de la Justice dans les années à venir ?

C'est difficile à dire. On dit que c'est une femme de conviction. Manuel Valls a construit sa popularité sur sa fermeté. C'est ce qu'attendent les Français. Les délires laxistes de quelques uns ne doivent pas venir alimenter le ras-le-bol général des Français. À-t-on déjà oublié que le dernier baromètre du Cevipof indiquait que 40 % des Français pensent que la démocratie ne permet pas de maintenir l'ordre !

Aujourd'hui il faut entendre les cris de détresse de l'opinion publique. Il faut rapprocher la justice des citoyens en tenant compte de leur demande de protection et de fermeté pénale.

Que doit-on déduire du fait qu'en dépit des oppositions de Manuel Valls et Christiane Taubira, celle-ci soit encore au gouvernement ? Ne s'agit-il pas d'une preuve qu'au fond, rien n'a changé ?

Le changement, ce n'est pas maintenant visiblement... Rien n'a changé au ministère de la justice. C'est la le plus inquiétant. Christiane Taubira continue de gouverner avec un groupe extrêmement réduit. Cela mécontente une très grande partie des professionnels du monde judiciaire. Souhaitons qu'elle continue de parler avec talent mais qu'elle ne réforme pas la justice pénale. L'enjeu dans notre société en crise est trop important.

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