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Baisse des cotisations patronales : la valse à 1000 temps...
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Le lièvre et la tortue

Le Premier ministre Manuel Valls a annoncé dans son discours de politique générale une diminution d'imposition des entreprises... à l'horizon 2020. Une éternité pour n'importe quel chef d'entreprise.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Les chefs d'entreprise fredonnent sur l'air de Jacques Brel... Certes, ils ont eu chaud au cœur en entendant des mots d'amour qu'ils n'avaient pas entendus depuis, depuis... si longtemps ! Mais il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour, or le Premier ministre n'a pas les moyens de sa déclaration !

Le temps d'un chef d'entreprise est d'évidence moins que jamais le temps de l’État ( sauf pour les dates limites du paiement des impôts, taxes et cotisations ). "2020, c'est le bout du monde, d'ici là ma boîte pourra être introduite en bourse, avoir fusionné, avoir déposé le bilan, s'être délocalisée, avoir été rachetée..." C'est ce que pense n'importe quel chef d'entreprise aux commandes. Si au moins le Premier ministre avait annoncé tout ce qu'il a annoncé pour les six mois à venir, on aurait pu reprendre ( un peu ) confiance, malgré tous les doutes, les silences sur des sujets cruciaux, le financement etc. Mais la bonne volonté y était.

Dans ces conditions, qu'est-ce qui, dans les décisions annoncées, peut remonter le moral d'un chef d'entreprise à taille humaine ? Certainement pas la différence flagrante de traitement entre la date d'effet de la diminution d'imposition des personnes physiques (à horizon 2015) et des entreprises (allant jusqu’en 2020). Le Premier ministre veut "stimuler la croissance avec pragmatisme et volontarisme". Mais que signifie "stimuler la croissance" pour un entrepreneur ? Le moyen le plus rapide et le plus efficace est d’investir dans des moyens de production plus modernes et plus productifs et pour cela, il faut avoir des financements. "Pourquoi dois-je attendre 2020 ? Un amortissement accéléré m’aurait permis d’attendre 2020", déplore-t-on chez ETHIC.

La baisse des cotisations sur les bas salaires ? C’était déjà la cible du CICE ! Pourquoi ne pas avoir visé les salariés qui sont les moteurs de la croissance des entreprises ? Ce qui fait grandir une entreprise, c’est l’encadrement tant intermédiaire que supérieur. Aucun patron n'oublie par ailleurs que pendant que l’on nous annonce quelques mesures de simplification, le Parlement est en train de voter de nouvelles lois, championnes de complexité : Loi Alur, Loi sur la formation, Loi sur la pénibilité !

La grande absente de ce discours roboratif, même s'il est bon d'entendre que le travail est une valeur, c'est l'incitation concrète à la liberté d'entreprendre.

Où retrouve-t-on l'intention de nous libérer des carcans qui nous étouffent au quotidien ? Et du mal de vivre des entreprises de France, pas un mot... Et pourtant, c'est bien ce qui mine les chefs d'entreprise, qui crée un climat délétère et qui pousse à partir.

Quid du temps de travail ? Quid du renforcement des pouvoirs de sanction exorbitants de l'Inspection du travail ? Quid de l'ennemi héréditaire de l'emploi : le code du travail ? Quid de la menace, bombe à retardement de la pénibilité ? 

Quant à la fameuse "justice sociale", elle est en fait mise à mal, car la baisse de la fiscalité des plus modestes (qui, de fait, ne paient pas l'impôt ou ne le payaient pas) va à l'inverse d'une solidarité républicaine.

Parlons argent maintenant. On "Valls" avec les milliards, mais d'où viennent-ils ? Plus de nos poches paraît-il, mais alors d'où ?

Une économie pour l’État de 50 milliards d'euros en trois ans, pour un chef d'entreprise, c'est une plaisanterie ! Personne ne souligne non plus que l'on va emprunter 100 milliards d’euros en 2014 !!! Que nous avons en 2013 emprunté 82 milliards ; que c’est une simple question d’arithmétique... Les annonces d'économies ne sont pas à la hauteur du problème. Ce n’est pas ce plan qui devrait convaincre l’Europe… Rien n’indique que nous mettons les choses à plat pour redresser la France. 

Il y a d'évidence des sujets qui fâchent : personne n’a entendu quelque chose sur la pléthorique fonction publique. Et on sait que le ministre de l'Éducation nationale a toujours ses 60 000 recrutements en vue…

En fait, le ton était juste, convainquant ; nous voulions tant être convaincus et que quelqu'un nous sorte de cette nasse... Mais la vérité est que nous n'avons pas changer de braquet, nous restons dans une forme d'idéologie économique : nous voulons le beurre, l'argent du beurre et le sourire de Manuel Valls.

Or, Il faut réfléchir autrement "think out of the box" disent tous ceux qui ont vraiment réformé. Ce serait donc impossible, parce qu’il faut sans cesse faire de la politique... Alors ? Est-ce que le problème ne vient pas de la classe politique toute entière qui ne permet pas de sortir des sentiers battus quelle que soit la bonne volonté ou les talents d'un homme ? Une classe politique exclusivement issue... d'elle-même et qui se reproduit par génération spontanée d'attachés parlementaires promus ministres au bout de quelques années ou au cran au-dessus d'énarques qui évoluent en vase clos. L'expérience de nos hommes politiques est une expérience... d'homme politique !

Et bien cela ne suffit pas. On recrute en deux jours un gouvernement ou on propose un projet de politique générale en quatre jours ; les chefs d'entreprise n'en reviennent pas, eux qui prennent des chasseurs de tête et mettent six mois pour trouver un cadre supérieur compétent ! Une exception culturelle de plus : notre classe politique a la science infuse et la courbe d'apprentissage ne les concernerait pas ? La preuve : on a déjà perdu deux ans pour repartir à zéro sans reconnaître les erreurs sauf à être désavoué par son camp. Le soufflé va vite retomber car maintenant, concrètement, que se passera-t-il demain ?

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