Sursaut de l'indice de la production industrielle française : le comeback de la production tricolore est-il réel ou en trompe-l'œil ? <!-- --> | Atlantico.fr
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L’aéronautique civile (+3 % en 2013, +2 % prévus en 2014) tire l'économie française.
L’aéronautique civile (+3 % en 2013, +2 % prévus en 2014) tire l'économie française.
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Vers un avenir radieux ?

Avec un indice manufacturier PMI qui vient se placer à 52.1 points au mois de mars, la production française retrouve un peu le sourire, même s'il est encore trop tôt pour se réjouir totalement.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico : L'indice PMI manufacturier de la zone euro s'est établi en mars  au-dessus du seuil de 50 points, à 53, plus précisément. La France se positionne à 52,1, soit son meilleur indice depuis 33 mois. Faut-il y voir un véritable retour de la production française ? Pourquoi ?

Jean-Pierre Corniou : Le redémarrage industriel de l’Europe répond à tant d’espérances des gouvernants que tous les indicateurs qui laissent entendre que le printemps de la production industrielle est enfin revenu sont accompagnés d’un concert de clameurs parfois bien prématurées. Il faut donc accueillir ces  - bons - chiffres avec prudence et modestie car les données ne convergent pas et on ne peut tirer des tendances de l’observation de quelques mois. L’indice PMI publié par la société Markit, établi sur la base d’un questionnaire envoyé à un panel d’entreprises (400 environ)  doit être corroboré par d’autres données venues d’Eurostat et de l’INSEE.  En effet cette reprise est fragile et d’ailleurs février marque un léger repli par rapport à janvier qui avait atteint l’indice 54. L’indice PMI a été très bas fin 2013 en France avec un niveau de 47, après 22 mois consécutifs de baisse. Néanmoins la production augmente début 2014 dans les quatre principales économies de la zone euro, France, Allemagne, Italie et Espagne et c’est un signal positif.

Les composants structurels de l’économie européenne n’ont toutefois pas changé. Malgré ces signaux faibles d’espoir, l’industrie européenne est encore convalescente, en dehors de l’Allemagne. En Allemagne, cet indice PMI s’établit à 54,8 en février après huit mois d’amélioration. La valorisation de l’euro continue à rendre la compétitivité des économies du Sud très insuffisante pour répondre à la demande mondiale et donc tirer l’emploi vers le haut. Mais il faut accueillir avec plaisir le fait que 2014 commence beaucoup mieux que 2013, créant une dynamique qui tire tous les secteurs.

Quels sont les secteurs d'activité à l'origine de l'amélioration de l'indice PMI manufacturier français ? De quelles circonstances ont-ils bénéficié ?

Les exportations de la France ont baissé de 0,2 % en 2013. Nous restons donc dans une situation étale et il est peu probable que 2014 connaisse un rebond spectaculaire. Les secteurs qui tirent l’économie française restent l’aéronautique civile (+3 % en 2013, +2 % prévus en 2014), l’équipement automobile, avec la belle performance des équipementiers français sur les nouveaux marchés, les composants électroniques, les équipements électriques... La sidérurgie a fait un bon démarrage. La production de l’industrie manufacturière a progressé de 0,7 % en janvier 2014. L’automobile française a bien démarré l’année avec des véhicules de classe intermédiaire comme la Peugeot 308, élue voiture de l’année en Europe en mars 2014, ou la 2008 fabriquée en France. Le Renault Captur est produit à Valladolid, mais son succès profite économiquement à Renault et à ses équipementiers.

Quels éléments pourraient constituer un frein à la reprise de la production française durant les mois à venir ?

Dans une économie convalescente, les signaux du marché peuvent très rapidement faire osciller les décideurs et les consommateurs de l’espoir à l’inquiétude. Nous sommes sur une ligne de crête très fragile. Il faut ainsi souligner que les prix à la consommation n’ont augmenté que de 0,8 % sur un an. Les menaces de déflation sont réelles et donc la capacité à dégager des marges par la bonne tenue des prix en Europe est très faible. Les prévisions de 2014 en zone euro dépendent de la capacité de l’Espagne et de l’Italie à consommer et investir à nouveau, ce qui n’est pas acquis, et du retour à la confiance en France,  l’Allemagne devant maintenir un taux de croissance élevé autour de 1,6 %. Mais hors Europe, les perspectives sont médiocres, notamment au Brésil et en Russie. Dépendre des seules exportations hors Europe est d’autant plus fragile que l’euro reste surévalué. Les prix de l’énergie pourraient également continuer à croître et les risques sur le coût du pétrole et du gaz suite aux tensions avec la Russie ne sont pas éliminés.

Par ailleurs, les mesures de contraction de la demande publique, qui correspond à 25% du PIB, qui accompagneront les réductions budgétaires auront sans aucun doute une incidence négative sur de nombreux secteurs, comme les travaux publics (-3% en 2013, -4% en 2014), d’autant plus que le lancement de nouveaux projets a été interrompu et que les nouvelles équipes municipales ne pourront pas relancer leurs projets rapidement. Le secteur de la défense devrait également souffrir de la rigueur dans les budgets publics.

Enfin le poids du chômage sur cinq millions de personnes est considérable et les ménages ne peuvent sans inquiétude envisager des dépenses longues comme le logement ou la demande de biens d’équipement. La prudence et l’épargne de précaution resteront donc le comportement dominant en 2014.

On observe sur la même période un ralentissement dans les pays qui présentaient les meilleures performances en février (Allemagne, Pays-Bas, Autriche) et une amélioration en Espagne et en Italie. Comment expliquer ces deux tendances ? Où la France se positionne-elle ?

Il faut analyser ces données avec prudence. Les économies du Sud ont été beaucoup plus sévèrement endommagées par la crise que les économies du Nord. Il est dès lors normal que la croissance apparente soit plus élevée car les niveaux de production étaient tombés très bas. Néanmoins sur l’année 2013 si le PIB de la zone euro a baissé de 0,4 % selon Eurostat, le quatrième trimestre  a été en croissance de 0,3 % notamment grâce à une bonne performance des Pays-Bas (+ 0,7 %) et de l’Allemagne (+0,4 %). Le taux de chômage reste très bas dans les pays du Sud avec surtout un chômage des jeunes qui dépasse 40 %. Aussi, en moyenne, l’économie européenne ne devrait pas dépasser une croissance de 1 % du PIB contre 2,8 % aux Etats-Unis.

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