300 milliards de dollars d’aides publiques implicites en zone euro : pourquoi 5 ans après la crise, les banques sont plus que jamais "too big to fail"<!-- --> | Atlantico.fr
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"Le système bancaire s'est partout concentré, avec moins de groupes, tout en offrant plus de crédit dans toutes les économies."
"Le système bancaire s'est partout concentré, avec moins de groupes, tout en offrant plus de crédit dans toutes les économies."
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Too big to fail

Un rapport du Fonds Monétaire International vient de révéler le chiffre que représentent les garanties des Etats pour subvenir aux besoins des gros groupes bancaires, ces fameuses banques "too big to fail". Verdict : 300 milliards de dollars uniquement en zone euro. Ces banques sont-elles une véritable menace pour la stabilité du système financier ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : D'abord, pourquoi une telle évolution du système bancaire – qui est quand même surprenante ?

Jean-Paul Betbèze : Tout simplement parce que le système bancaire s'est partout concentré, avec moins de groupes, tout en offrant plus de crédit dans toutes les économies. Après la crise, les banques les plus faibles ont disparu, ont été achetées ou ont été restructurées. Donc les banques sont aujourd'hui plus grosses et concentrées qu'avant, dans une économie qui a repris sa croissance ! C'est pourquoi la question se pose de leur solidité et des risques que porte et que gère l’ensemble du système bancaire et financier mondial.

Mais pourquoi donc les Etats soutiennent-ils ces grands groupes bancaires ? 

La réponse est : parce qu’ils n’ont pas le choix. Ces grands groupes existent dans chaque grand pays. Ils y soutiennent les entreprises les plus grandes. Ils attirent des capitaux et des talents pour former de grandes places financières, qui participent à la croissance du pays. Pensons à la City qui pèse plus de 12 % de l’économie britannique. Et il faut savoir, en même temps, qu’ils menacent la solidité même de ces économies en cas de crise. Ce sont les fameux « groupes systémiques ». C’est bien pourquoi les grands groupes bancaires sont précieux et qu’il faut les surveiller.

 Comment ? On est sûr que ceci marchera ?

Pour surveiller les groupes bancaires, les mesures sont nombreuses et plus ou moins radicales. Les plus radicales visent à séparer, dans les activités bancaires, celles qui sont les plus risquées (les activités « pour compte propre ») des autres (les dépôts des particuliers). Ainsi, les phénomènes de propagation n’ont pas lieu. C’est le choix anglais. Mais la « séparation » est plus faible aux Etats-Unis, en France et en Allemagne, pour des raisons spécifiques et explicables. Une autre mesure consiste à demander aux banques de détenir plus de fonds propres, ce qui limite leur capacité à faire du crédit et fournit des capitaux pour éponger leurs pertes. Une autre série de mesures consiste à demander aux banques de garder des liquidités. Ajoutons que, de plus en plus, on demande aux banques d’ajouter à leurs fonds propres des endettements spéciaux qui, en cas de coup dur, deviendront des fonds propres et, dans les cas les plus tendus, il est prévu que les plus gros dépôts pourraient être en partie confisqués (Chypre). Enfin, toutes les banques doivent désormais écrire leur « testament », autrement dit la façon dont elles céderaient des actifs « au cas où ».

Il n’y a donc pas de remède miracle ?

Non. On sait qu’il faut prévenir et guérir. Prévenir, c’est réduire en fait la part des banques dans le financement de l’économie en demandant aux entreprises d’aller sur les marchés. Prévenir, c’est aussi réduire le lien entre banque d’affaires et banque de dépôts. Prévenir, c’est demander aux banques d’avoir plus de liquidités, de fonds propres et quasi-fonds propres. Prévenir, c’est enfin surveiller les banques et les soumettre à des tests pour mesurer leur solidité. Guérir, c’est le « testament » (voir plus haut) et c’est « l’union bancaire », autrement dit un fonds alimenté par toutes les banques de la zone euro pour payer des pertes éventuelles, ce qui assure que chacun a tout intérêt à surveiller l’autre.

D'autres solutions existent-elles pour permettre à ces banques de fonctionner sans ces garanties ?

Non, les banques sont régulées et le seront de plus en plus. En même temps, il faut demander aux marchés de voir ce qui se passe et de réagir. Les systèmes de financement sont de plus en plus complexes et interconnectés, avec des acteurs de plus en plus gros. On voit ainsi, aux Etats-Unis, des demandes faites par les autorités à des grandes banques non américaines de détenir, aux Etats-Unis mêmes, des fonds propres spécifiques. On le voit, l’idée est que le crédit doit être plus freiné et plus cher, ce qui implique de surveiller aussi le shadow banking, autrement dit le financement non bancaire des économies.

Au fond, quand on est près d’une centrale nucléaire ou d’un barrage, on est exposé à des risques et on a de l’énergie. L’un et l’autre. Des crises peuvent toujours survenir. Il faut donc surveiller et prévenir, toujours, sans jamais se laisser convaincre que le risque a baissé devant les progrès de la science financière ou mathématique. Les risques sont toujours là, de plus en plus, à la mesure même de la progression de nos richesses. Et le système bancaire européen a mieux résisté que celui des Etats-Unis : il faut le renforcer encore.

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