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Jurés populaires : ayez confiance !
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Justice française

Les sénateurs ont adopté ce jeudi le projet de loi sur l'introduction de jurés populaires en correctionnelle défendue par Nicolas Sarkozy. Une réforme indispensable pour combler le fossé entre les citoyens et la justice.

Jean-René Lecerf

Jean-René Lecerf

Jean-René Lecerf est sénateur UMP du Nord.

Secrétaire national de l'UMP en charge de la Justice depuis 2009, il est le rapporteur du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

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Atlantico : L’introduction de jurés populaires en correctionnelle est-elle destinée à améliorer le rendu de la justice en France ?

Jean-René Lecerf : La réponse est plutôt positive. La première volonté est je crois d’essayer effectivement de réconcilier les Français avec leur justice. Je crois que c’est un objectif nécessaire pour rétablir des liens de confiance : un sondage demandé par le Conseil supérieur de la magistrature montrait il y a deux ans que la justice était le service public le moins prisé et celui dans lequel les Français avaient le moins confiance, juste devant les élus et la presse. Je pense, de la même façon, que les jurés dans les cours d’assises participent à la confiance dans les cours d’assises, tout comme les citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels pourront participer de la même confiance dans la justice correctionnelle.

De l’intention de la loi à la mise en pratique, il y a souvent un fossé. Cette réforme sera-t-elle facile à mettre en oeuvre ?

Le Sénat a déjà largement modifié le projet initial qui créait d’ailleurs de manière assez curieuse deux catégories de cours d’assises : une cour d’assise light et une cour d’assises hard en quelque sorte. Le projet de loi prévoyait ainsi en première instance de cours d’assises que 90 % des crimes seraient jugés par trois magistrats professionnels et deux citoyens assesseurs, autrement dit, les jurés qui ont toujours été majoritaires depuis la Révolution française seraient devenus minoritaires. Le Sénat a donc refusé cet éclatement de la cour d’assises et rétabli ses pouvoirs et la présence majoritaire des jurés en diminuant quelque peu le nombre des jurés puisqu’ils passent de 9 à 6 en première instance et de 12 à 9 en appel. Pour le reste, il subsiste effectivement des difficultés au niveau des tribunaux correctionnels mais nous n’introduisons des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels que pour un certain nombre de délits, en ce qui concerne notamment les violences aux personnes, les infractions au droit de l’environnement, l’atteinte à la dignité des personnes et l’usurpation d’identité. Il est certain qu’il faudra renforcer les effectifs de juges et de greffiers parce qu’avec des citoyens assesseurs, on jugera beaucoup moins rapidement qu’on ne jugeait entre professionnels du droit.


Tout cela a un coût ?

En effet, surtout les postes supplémentaires de magistrats, mais vous savez, les réformes positives qui améliorent le cours de la justice et qui ne coûtent rien, moi je n’en connais pas.


Dominique Strauss-Kahn a été inculpé ce jeudi par un jury populaire américain (Grand Jury) à New York. Confier le sort d’un homme à des non professionnels est-il juste ?

Si vous regardez avec attention la sévérité ou au contraire l’indulgence des jurys populaires, vous serez très surpris : si vous prenez par exemple les statistiques françaises sur les 10 dernières années vous constatez que les cours d’assises n’ont absolument pas évolué dans leur sévérité, alors que les tribunaux correctionnels, qui eux sont exclusivement composés de magistrats, sanctionnent de manière beaucoup plus importante aujourd’hui qu’ils ne le faisaient il y a 10 ans. On a donc plutôt tendance, au regard des statistiques, à trouver une indulgence supérieure de la part de Monsieur tout le monde, du regard citoyen, que de la part du magistrat spécialisé. La présence de jurés populaires est un héritage de la Révolution française, c’est la preuve par neuf que la justice est rendue par le peuple, peuple français chez nous et peuple américain aux Etats-Unis.


Quelle est votre opinion sur la proposition de motivation des verdicts d’assises contenue dans le projet de loi ?

C’est un peu la quadrature du cercle, car il va falloir concilier le maintien de l’intime conviction avec la motivation. Je ne dis pas que tout cela est quelques fois un peu artificiel, après tout c’est bien le président du tribunal, donc un magistrat professionnel, qui va être amené à élaborer la motivation, or la Commission des lois a prévu que la motivation qu’elle proposerait devrait être signée par le premier juré de façon à ce que la motivation concerne l’ensemble des juges et non pas simplement le président de la cour d’assises. Mais il s’agit bien évidemment d’une rupture avec nos traditions juridiques et il faudra certainement un certain temps pour s’adapter à cette motivation des arrêts d’assises. D’un autre côté, il était tout de même un peu paradoxal de voir les jugements de police ou les jugements correctionnels, par hypothèse moins graves, motivés, et les jugements d’assises par hypothèse plus graves qui ne l’étaient pas.

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