La route des alertes à la pollution pavée de bonnes intentions : comment les errements de la transition énergétique ont aggravé la situation<!-- --> | Atlantico.fr
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Eoliennes de Boulogne-sur-mer : Les énergies renouvelables qui font la une depuis quelques années, solaire et éolien en tête, ne sont pas rentables comparées aux énergies fossiles ou à l’énergie nucléaire.
Eoliennes de Boulogne-sur-mer : Les énergies renouvelables qui font la une depuis quelques années, solaire et éolien en tête, ne sont pas rentables comparées aux énergies fossiles ou à l’énergie nucléaire.
©Reuters

On ne respire plus !

Alors que l'on assiste à des pics de pollution dans les grandes villes, quelle analyse peut-on faire des politiques de transitions énergétiques mises en place par les gouvernements successifs ?

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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Atlantico : Quel bilan peut-on faire, sur le plan de la pollution, des politiques menées pour favoriser la transition énergétique ? Globalement, ont-elles contribué à la réduire ou ont-elles, au contraire, eu tendance à l'augmenter ?

Florent Detroy : Le terme de pollution est vaste, et inclut aussi bien les émissions de CO2 que de méthane ou de particules fines. Si l’on reste focalisé sur le CO2, des efforts importants ont été faits, et la France, comme la plupart des pays européens, est en passe d’atteindre ses objectifs de réductions de 20% d’émissions à l’horizon 2020. En 2012 la France a fait baisser ses émissions de 0,8%. D’autres pays ont fait mieux. La baisse a été de quasiment 12% en Belgique, et de 9,4% au Danemark. Selon le Global Carbon Project, les émissions de CO2 ont globalement reculé de 1,3% dans l’Union en 2012.

Parmi ces politiques, lesquelles se sont révélées les plus nocives ? Quel prix paie-t-on pour les postures idéologiques sur le nucléaire ?

En France le passage à 50% d’électricité nucléaire d’ici 2025 a été le fruit d’un accord passé entre le PS et les écologistes. Or la dangerosité du nucléaire n’a rien d’idéologique pour les verts. Surtout, la France ne paie pas pour ce choix, du moins pour l’instant. Aucune décision n’a été prise pour Fessenheim et à propos de l’arrêt de plusieurs réacteurs à l’horizon de 2025. Il faut attendre la loi de programmation de la transition énergétique. Mais la France ne semble pas prendre la voie de l’Allemagne, dont les émissions de CO2 grimpent depuis que le charbon remplace une partie de l’énergie nucléaire, tout simplement parce que nous n’avons pas de charbon. Nous pourrions en importer, notamment des Etats-Unis, où les prix se sont effondrés devant le boom du gaz de schiste, mais nous n’avons pas non plus de centrales à charbon. Selon l’économiste Alain Grandjean, la France pourrait à peu près s’en tirer en portant la part de ses énergies renouvelables à un peu plus de 25%.

Si l'Europe met tout en place pour décarboner sa production, n'est-elle pas vouée à augmenter son empreinte carbone au travers de ses importations ? La France ne souhaite ainsi pas exploiter aujourd'hui le gaz de schiste, mais ne sera-t-elle pas, à un moment donné, amenée à en importer et donc à se salir les mains elle-aussi ?

Dans le cas de l’Allemagne, ce n’est pas la décision des 3X20 qui a conduit à une hausse de la consommation de charbon, mais l’accélération de la sortie du nucléaire. Pour faire simple, c’est un évènement imprévisible, le drame de Fukushima, qui a conduit à cette situation. Mais les autres pays qui n’ont pas agi dans la précipitation continuent de réduire leurs émissions de CO2. Sur le gaz de schiste, la production à venir en Pologne, en Angleterre ou encore en Algérie pourrait amener la France à en profiter. Après la loi de programmation sur la transition devrait respecter la baisse de 30% de la consommation d’énergie fossile d’ici 2030, donc ces importations ne seront que transitoires. D’ailleurs je rappelle que le gaz ne représente que 20% du mix énergétique de l’Hexagone.

Les énergies renouvelables favorisées par ces politiques se sont-elles révélées à la hauteur des investissements qu'elles ont engloutis ?

Les énergies renouvelables qui font la une depuis quelques années, solaire et éolien en tête, ne sont pas rentables comparées aux énergies fossiles ou à l’énergie nucléaire. L’énergie solaire notamment a été jugée par la Cour des comptes encore très couteuse l’année dernière. Le cout total a été estimé à 14,3 Md€ sur la période 2005-2011. Mais il faut souligner que la filière éolienne est sur le point de devenir compétitive. Si la France est encore sur les rails pour atteindre son propre objectif de production de 23% d’énergie renouvelable d’ici 2020, la Cour des Comptes a annoncé que l’effort financier pourrait plus que doubler d’ici l’échéance. Les ENR se sont révélées à la hauteur sur le plan environnemental, mais très décevantes sur le plan de l’emploi et très couteuses.

Alors que les pics de pollution que nous observons aujourd'hui dans les grandes villes sont dus principalement à une météo estivale sans vent, n'est-il pas paradoxal de miser sur l'augmentation de l'éolien dans notre mix énergétique ?

L’énergie éolienne est une énergie aléatoire, évidemment, mais il paraît à peu près établi qu’il est plus efficace de dresser une éolienne sur les cotes bretonnes plutôt que dans le bassin parisien.

Comment en est-on arrivé à privilégier des politiques contre-productives ? Quelle responsabilité les différentes subventions portent-elles dans ce phénomène ? Ont-elles perturbé la mise en place d'un mix énergétique efficace ?

C’est tout l’intérêt du bilan de la Cour des Comptes de l’année dernière, et de différentes études publiées ces derniers mois en Europe. Après 6 ans de politique environnementale (je pars de la fixation des 3X20 de 2008), le constat qui apparaît est que l’Europe n’a pas su créer des géants de l’énergie verte dans tous les secteurs. Un des défauts majeurs soulignés l’année dernière est l’échec patent de certaines filières, comme le solaire, et l’inadaptation de certaines subventions. Je pense notamment aux appels d’offres. La France a peut être intérêt désormais à se concentrer sur les technologies les plus efficaces.

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