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Affaire DSK : le facteur "racial"
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Dominique Strauss-Kahn doit se présenter devant le Grand Jury ce vendredi. Les 23 membres qui le composent seront-ils influencés par la couleur de la peau de l'accusé et de la plaignante ? C'est peu probable pour Dominique Inchauspé. DSK pourrait même pâtir de son statut et de sa richesse.

Dominique Inchauspé

Dominique Inchauspé

Dominique Inchauspé pratique le droit pénal à Paris depuis 1983. Il intervient aussi fréquemment à l'étranger. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la justice pénale française et anglo-saxonne, comme 'L'erreur judiciaire' (PUF, 2010) et 'L'innocence judiciaire' (PUF, 2012) et enseigne à l'université. Il écrit aussi des fictions. La dernière a pour titre : Un homme dans l'Empire  (L'âge d'homme, 2013). 

 

 

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Atlantico : Pensez-vous que le facteur "racial" puisse jouer un rôle dans « l’affaire DSK », en tout cas dans le regard des jurés américains ?

Dominique Inchauspé : Précisons d’abord qu’il y a deux jurys : le Grand Jury et le Petty Jury. L’affaire passera tout d’abord devant un Grand Jury. C’est une spécificité américaine. Même l’Angleterre, qui l’a inventé, n’en dispose plus depuis plusieurs siècles. Ce Grand Jury sert à peser le poids des éléments recueillis par le parquet contre le mis en cause pour savoir si celui-ci doit être jugé ou non. Il arrive que le Grand Jury prenne l’initiative d’exiger un complément d’enquête en demandant d’entendre d’autres témoins ; c’est ce qui c’était passé dans l’affaire Clinton. En substance, le Grand Jury a les mêmes pouvoirs qu’un juge d’instruction mais c’est une "juridiction" de 16 à 23 citoyens et ses audiences et ses débats à huis-clos se déroulent sans l’intervention d’un avocat. Si le Grand Jury décide que l’affaire mérite d’être jugée, celle-ci passe alors devant un « Petty Jury », composé de 12 jurés, qui jugera du fond de l’affaire ; sauf si accusation et défense transigent avant par un plea bargaining, auquel cas ne se tiendra qu’une audience avec un seul juge pour accepter (ou non) la peine proposée par le parquet et acceptée par l’accusé.

Le rôle des jurés est donc essentiel et, dans l’affaire DSK, que ce soit au sein du Grand Jury ou du Petty Jury, le facteur racial devrait être important. La "pesanteur" raciale est omniprésente dans les décisions judiciaires des Etats où il existe une tradition de racisme avérée, comme dans le Sud ou l’Est des Etats-Unis : Géorgie, Texas, Missouri ou Mississipi, c’est-à-dire les Etats de l’ancienne Confédération. Le facteur racial y joue en défaveur de la personne de couleur, victime et surtout accusé. Le rapport de l’Université de Columbia de l’année 2000 ("A broken system : error rates in capital cases, 1973-1995") le souligne. Dans les années 1930 en Alabama, trois suspects noirs avaient été fouettés pendus par les pieds et les exemples d’abus sont légion.

Mais, dans l’affaire DSK, j’ai l’impression que nous sommes dans la situation opposée ; c’est-à-dire qu’il pourrait y avoir une empathie des jurés pour la plaignante noire et défavorisée face à un agresseur présumé, blanc et au faîte de sa puissance sociale et financière. En effet, le procès aurait lieu, non lieu dans le Sud profond, mais à New York, grande capitale urbaine et cosmopolite donc ouverte aux idées modernes du moment. Déjà, en France, les décisions des cours de Paris sont plus perméables aux idées sociales avancées quand la province est plus ancrée dans des conceptions plus anciennes. De plus, l’accusé est français et je ne suis pas certain que ce soit un avantage aux Etats-Unis en ce moment si on en juge par les réactions de la presse américaine sur cette affaire.

 Par ailleurs, le New York Police Department et le parquet semblent très agressifs, portés peut-être par leur conviction que ‘we have a case’ contre DSK : c’est l’indice que le riche wasp frenchy pèse peu, pour l’accusation américaine, face à la détresse d’une femme noire de l’Amérique d’en-bas. Les jurés peuvent avoir une réaction comparable.  

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