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Complexe occidental : comment l'Europe a appris au monde à la détester
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Bonnes feuilles

Les Occidentaux et en premier lieu les Français, doivent répondre, selon Alexandre Del Valle, au plus grave défi qui se pose à eux : le virus de la haine de soi collective, miroir de la détestation dont ils sont l’objet de la part des totalitarismes modernes. Extrait de "Le complexe occidental - Petit traité de déculpabilisation", aux éditions du Toucan (1/2).

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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L’homme européen trouva un ennemi à sa mesure : lui-même

L’idée centrale de cet essai repose sur la conviction que la pire menace pour les sociétés occidentales réside dans le syndrome de la culpabilisation généralisée. Véritable pathologie sociale, l’idéologie de la haine de soi et de la dépression collective qui en découle est bien plus dangereuse pour l’Occident que tout autre type de péril – intérieur ou extérieur - car elle aboutit à lui faire perdre progressivement ses défenses immunitaires. L’autoflagellation qui pousse à blâmer systématiquement son propre camp, présenté comme coupable et mauvais par nature, puis à défendre le camp adverse, paré de toutes les vertus ou présenté comme victime, s’apparente à une véritable guerre psychologique livrée contre sa propre collectivité. Or la stratégie et la géopolitique enseignent qu’une nation doit au contraire délivrer une image valorisante et positive d’elle-même afin de mobiliser ses troupes - notamment face à des adversaires potentiels - et d’assurer la cohésion. De ce point de vue, l’action du pessimiste professionnel, qui consiste à décourager les siens en leur expliquant que leur civilisation n’a plus d’avenir et que leur nation est vaincue d’avance, constitue également une forme de « guerre de représentation » livrée contre son propre groupe, puisqu’elle augmente les chances de victoire de l’ennemi. L’histoire des conflits nous enseigne ainsi qu’« à armes égales, c’est le mental qui fait la différence… ».

Parallèlement, la perte générale de sens et la déconstruction des valeurs fondatrices alimentent, dans nos sociétés culpabilisées et privées de vision d’avenir, une véritable anxiété collective. Ce constat a d’ailleurs conduit le géopolitologue Dominique Moïsi à définir l’Europe comme le « continent de la peur »....

A la fois découragées par les pessimistes professionnels et inhibées par les nouveaux inquisiteurs du politiquement correct, les vieilles sociétés européennes semblent en effet avoir peur de tout : peur de la mort, bien sûr, peur de la vieillesse, peur de l’avenir, perçu comme forcément noir ; peur du travail, redouté comme un fardeau inacceptable dans la société des loisirs et de l’Etat-Providence, peur des nations non-occidentales en face desquelles il conviendrait de capituler par anticipation pour conjurer un redoutable « choc des civilisations » ; et peur de toute sorte de menaces géopolitiques, économiques voire même climatiques. D’où le succès des sectes et des mouvements les plus radicaux, qui remplissent, avec leurs certitudes théocratiques, le vide moral de nos sociétés désenchantées. D’où aussi la popularité des discours de certains idéologues libertariens-écolos qui vont jusqu’à prôner la décroissance économique et même la dénatalité des Occidentaux, lesquels « mériteraient » de disparaître pour avoir « détruit la Planète »...

Ce type de radicalisme écologique misanthrope - qui omet de préciser que les plus gros pollueurs sont aujourd’hui les pays émergents - et dont les idées gagnent peu à peu le grand public, est un énième symptôme de la dépression collective de l’Occident. La plus grande source de danger pour les sociétés européennes ne provient pas de menaces extérieures, si réelles soient-elles - qu’il s’agisse de la concurrence déloyale sino-asiatique, des intentions anti-hégémoniques des puissances émergentes, de l’immigration incontrôlée ou même du totalitarisme islamiste - mais de l’idéologie de la haine de soi et du désespoir. 

A contrario, les nations décomplexées qui affichent des valeurs et une identité fortes peuvent trouver dans l’estime d’elles-mêmes et dans leur confiance en l’avenir l’énergie et la volonté nécessaires pour vaincre toute sorte de péril. Les pays occidentaux ne pourront relever les défis cruciaux du nouveau monde multipolaire et de la globalisation que s’ils soignent leur dépression et suivent une thérapie globale de déculpabilisation, clef de l’estime de soi et du respect de l’autre.

A l’aune de ces constats, le présent ouvrage a pour objectif premier de décrypter le processus de désinformation qui a présidé à l’idéologie de la culpabilisation, - communément appelée terrorisme intellectuel (Jean Sevillia) -, fruit d’une action subversive multiforme que les sottes théories du complot ne peuvent expliquer dans leur complexité. Le décryptage de ce processus subversif passe par la « désoccultation "des principaux « mythes fondateurs » du politiquement correct et des « empires idéologiques» qui les actionnent.

Cet ouvrage propose dans un second temps une thérapie de réarmement moral. Et dans un troisième temps, prenant acte de l’émergence d’un monde multipolaire caractérisé par une demande de « désoccidentalisation du monde », il invite les nations occidentales à substituer à leurs prétentions universalistes, à certains égards suicidaires et contre-productives, un recentrage stratégique et identitaire autour de leurs propres intérêts géo-civilisationnels (chapitre IV).  

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L’Europe a appris au monde comment la détester…

Cette inclination à dénigrer nos sociétés judéo-chrétiennes, dont on attribue souvent à tort la paternité aux leaders de la décolonisation et au radicalisme islamiste, est une invention européenne. Les premiers propagateurs du virus de la haine de soi, qui sévit partout dans le monde depuis les années 1950, ont été et demeurent en effet des penseurs européens, qui ont d’ailleurs formé ou soutenu nombre de dictateurs tiersmondistes, qu’ils soient staliniens ou islamistes (de Pol Pot le génocideur cambodgien, à Hassan al-Tourabi l’ex-idéologue du régime islamiste du Soudan, en passant par l’Ayatollah Khomeyni, artisan de la « révolution islamique iranienne).

Pour ces auteurs européens « progressistes », la perfection intellectuelle consiste à s’auto-flageller et à faire accepter cette attitude masochiste au nom de la noble propension à s’autocritiquer. Il est vrai que c’est tout à son honneur de reconnaître ses « fautes passées », de faire son propre examen et même d’inviter les autres à y participer. Mais cette apparente noblesse d’âme propre aux sociétés occidentales sert trop souvent de justification à une collaboration et à une capitulation devant l’adversaire déclaré, qui lui, ne se remet pas en questions et voit dans notre mauvaise conscience son plus puissant allié. La haine de soi collective est alors un dévoiement pur et simple de la saine autocritique, pervertie en culpabilisation pathologique. Car si l’auto-flagellation occidentale participait d’une sincère recherche de Vérité et de Justice, elle ne s’imposerait pas qu’aux peuples européens, mais aussi toutes les autres nations qui seraient aussi invitées à faire cet examen de conscience. Or il n’en est rien : les nations non-européennes ne sont jamais invitées à reconnaître leurs torts passés ou présents et à se remettre en question, pas même les pays totalitaires islamiques (Pakistan, Arabie saoudite, etc) qui financent le totalitarisme islamiste. Ces pays n’ont d’ailleurs jamais songé à pratiquer en matière de religion l’élémentaire principe de réciprocité que nos dirigeants ne songent d’ailleurs même pas à leur demander… Ils sont autant décomplexés que nos pays sont complexés.

Cette absence totale de symétrie et de réciprocité entre les démocraties occidentales et ces pays est illustrée par la valorisation permanente de l’impérialisme que fut le Califat arabo-musulman dans les discours et enseignements publics et les médias des pays musulmans. Les masses de ces pays sont en effet habituées - dès le plus jeune âge - à se sentir « fières » des conquêtes arabes et islamiques passées et présentes, y compris de la colonisation de l’Espagne, de la Sicile ou des Balkans pendant des siècles (voir chapitre III)… D’où le mythe omniprésent, à la fois cher aux islamistes radicaux et aux pays musulmans, de « l’Andalousie perdue », toujours « pleurée » de Rabat à Médine… Par contraste, l’impérialisme occidental et son festival de croisades, d’esclavagisme et de colonialisme sont, systématiquement fustigés.  

Ainsi, au sein même des Nations Unies, les grands sommets antiracistes et anti-esclavagistes organisés par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU à Durban (2000) et à Genève (2009), n’ont jamais dénoncé que le « sionisme », le colonialisme européen, la traite des Noirs par les Blancs chrétiens et plus généralement le « racisme de l’Occident islamophobe ». En revanche, le racisme anti-chrétien, anti-noir et anti-juif pratiqué hier et aujourd’hui dans les pays musulmans (Arabie Saoudite, Soudan, Nigeria, etc), la persécution officielle des Intouchables chrétiens dans les Etats de l’Union indienne dirigés par les partis hindouistes (BJP, RSS), tout comme le colonialisme et l’esclavagisme arabo-islamiques de jadis, sont passés sous silence. Mais cette sélectivité manichéenne dans l’indignation antiraciste est logique, car on ne peut culpabiliser que celui qui se prête à ce jeu. Le culpabilisateur n’est en effet rien sans la complicité objective de celui qui accepte de culpabiliser et qui se justifie. Les Occidentaux sont en fin de compte les seuls à avoir honte d’eux-mêmes et à ne pas assumer leur histoire. Ils sont les seuls vrais responsables de ce dialogue de dupes. Leur culpabilité est l’engrais le plus fécond de la haine anti-occidentale professée, telle un miroir, par les peuples du Sud décomplexés qui y voient un encouragement à la conquête à rebours et une forme de capitulation ex-ante… Peut-on d’ailleurs en vouloir à ceux qui haïssent l’Occident mais dont les thèses ont été inculquées par nos élites intellectuelles depuis des décennies ?

Extrait de "Le complexe occidental - Petit traité de déculpabilisation", Alexandre Del Valle, aux éditions du Toucan, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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