Sarkoleaks : les trois trahisons de Patrick Buisson (4e extrait)<!-- --> | Atlantico.fr
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La preuve de l'existence des enregistrements aurait rendu Nicolas Sarkozy furieux
La preuve de l'existence des enregistrements aurait rendu Nicolas Sarkozy furieux
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Info Atlantico

Suite à la publication par le Canard Enchaîné du verbatim d'une réunion à l'Elysée le 27 février 2011, Atlantico publie des extraits d'un enregistrement de la matinée du samedi 26 février 2011 réalisé par Patrick Buisson à l'insu de Nicolas Sarkozy et de ses conseillers.

Nous avons été contraints de retirer de notre site l’extrait de l’enregistrement et sa retranscription que nous avons publié le 4 mars dernier, en exécution d’un jugement du Tribunal de Paris du 11 mars 2014. Nous avons relevé appel du jugement, en espérant que la Cour, infirmant cette décision, nous permettra de le remettre alors en ligne.

Première trahison

Comme le révélait Le Point il y a trois semaines - sans preuves à l’époque - , Patrick Buisson, longtemps décrit comme l’éminence grise de Nicolas Sarkozy, a donc bien enregistré, à leur insu, l’ancien président ainsi que ses conseillers à l’Elysée.

Pourquoi aucun doute n’est possible. Tout d’abord maître Gilles-William Goldnadel, l’avocat de Patrick Buisson a reconnu l’authenticité de l’enregistrement mentionné par le Canard Enchaîné le 4 mars. A l’écoute de celui qu’Atlantico s’est procuré, réalisé à un autre moment, on entend Patrick Buisson, seul, insérer un enregistreur dans la poche de sa veste puis rejoindre Nicolas Sarkozy et ses conseillers. L’enregistrement d’une durée de plusieurs heures comprend aussi bien les conversations de Patrick Buisson avec différents conseillers  qu’une réunion stratégique organisée le samedi 26 février 2011 à la Lanterne à Versailles. Il se conclut une fois que Patrick Buisson est à nouveau seul, après avoir salué la dernière personne avec laquelle il se trouvait.

Pourquoi il s’agit bien d’une trahison. Contrairement à ce qu’a tenté de laisser entendre l’avocat de Patrick Buisson après la publication de l’article du Canard Enchaîné, Nicolas Sarkozy n’était absolument pas informé des enregistrements pirates de son conseiller. Atlantico en a obtenu la confirmation auprès de différents membres de l’entourage de l’ancien président. Michel Gaudin en particulier, son actuel directeur de cabinet, nous l’a formellement confirmé et ne juge pas du tout crédible que ces bandes aient été des enregistrements de travail comme Patrick Buisson l’a soutenu au cours de la journée du 4 mars par la voix de son avocat.

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Deuxième trahison

Plutôt que d’avoir confessé ces enregistrements pirates au moment des révélations du Point et d’avoir prévenu Nicolas Sarkozy du fait que certains n’étaient plus en sa possession, Patrick Buisson n’a retrouvé la mémoire qu’au fur et à mesure de la journée du 4 mars, au terme de laquelle il a fini par reconnaître « de très bonne grâce avoir utilisé un dictaphone » et plus grave, avoir malheureusement laissé traîner certains de ces enregistrements et s’en être, selon lui, fait dérober d’autres par une personne X.

Problème, selon des informations d’Atlantico, Patrick Buisson se serait en fait déjà ému dans le passé auprès de membres de son entourage professionnel du fait que des copies de ces enregistrements puissent être entre les mains d’un de ses familiers avec lequel il se trouve dans un conflit privé violent.

Pendant trois semaines, celui qui dénonçait « un mensonge total et ignominieux » et qui annonçait qu’il portait plainte pour diffamation contre Le Point a tout fait pour convaincre Nicolas Sarkozy et l’ensemble de ses interlocuteurs qu’il ne s’agissait que d’un complot politique.

Bon indicateur de cette volonté de dénégation absolue de l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, les « éléments de langage » très buissonniens repris dans le feuilleton épistolaire de Valeurs Actuelles qui dévoile chaque semaine les dessous de la vie politique. Dans l’article « Une ténébreuse affaire » signée de M. de Rastignac mais dont l’auteur est un proche de Patrick Buisson par ailleurs employé au Figaro sur les pages Figarovox, on lisait ainsi comment l‘entretien entre Nicolas Sarkozy et son ex-conseiller se serait déroulé à la veille des révélations du Point. « Les deux hommes évoquèrent rapidement ce qu’ils appelèrent ce "bruit de vespasiennes" pour s’entretenir ensuite de tout autres sujets. Comme pris en faute, Martial Kropoly (NDLR : Nicolas Sarkozy) expliqua pourquoi il avait choisi de se rendre à la réunion publique d’Eleonore de Conygham (NDLR : Nathalie Kosciusko-Morizet) : "j’ai fait tout cela par amitié" s’excusait-il. » Cerise sur le gâteau des éléments de langage buissonniens, à en croire Valeurs Actuelles, ce ne serait pas Nicolas Sarkozy qui aurait pris ses distances avec son ancienne éminence grise mais Patrick Buisson lui-même : « cette conversation était hantée par l’inquiétude qu’à l’ancien chef de l’Etat de perdre son conseiller. On sentait aussi dans l’atmosphère la lassitude du conseiller, adulé en campagne, oublié entre deux élections. »

Toujours selon « Mr de Rastignac »,  « le lendemain [des révélations du Point], après la parution du funeste écho les deux hommes se sont parlé sur l’étrange cornet. Les cornets furent froids et sévères. La malveillance était parvenue à son but. Le jeudi, alors que Martial Kropoly était parti en voyage au bout du monde, son directeur de cabinet appelait M. de Bièvres (NDLR : Patrick Buisson) pour l’assurer de la confiance et de l’amitié du "président". Mais le conseiller ne dissimulait pas sa colère. "Vous direz à Martial Kropoly, a-t-il répondu, que je suis très choqué de son attitude" »

Selon les informations recueillies par Atlantico auprès de l’entourage de Nicolas Sarkozy, l’échange aurait effectivement été très très froid, l’ancien président ayant, lui, été extrêmement choqué par les révélations du Point.

Trois semaines plus tard, avec l’article du Canard Enchaîné et les bandes d’Atlantico, plus question de dénégation de la part de Patrick Buisson. Après plusieurs versions successives des arguments visant à défendre son client, Me Gilles-William Goldnadel en est venu à affirmer : « C’est bien lui qui a procédé mais il m’a expliqué que cela lui servait de notes. Ce n’était pas une fraude. (…) C’étaient des enregistrements de travail pour préparer les prochaines réunions. D’habitude, il les détruisait. Certaines ne l’ont pas été. Aujourd’hui, on en fait un usage malveillant. Ce n’est pas Patrick Buisson qui les a rendus public. Il n’en a pas fait le moindre usage… Il fera un communiqué pour le dire. Ce n’était pas dans un but pervers ou clandestin. D’ailleurs, il n’était pas le seul à user des enregistrements… » a indiqué l’avocat. Une dernière affirmation que rien n’étaye.

Selon le Point, l’ancien journaliste du périodique d’extrême droite Minute n’en serait pas à son coup d’essai. Patrick Buisson avait été soupçonné d’avoir fait installer des micros dans le bureau d’un des actionnaires du journal.

Troisième trahison

Outre le fait d’avoir enregistré Nicolas Sarkozy à son insu, la loyauté de Patrick Buisson envers l’ancien président est également mise à mal par le contenu même de ces enregistrements pirates. A plusieurs reprises et alors qu’il ne se trouve pas avec le président, Patrick Buisson échange avec d’autres interlocuteurs des propos peu respectueux sur Nicolas Sarkozy et son épouse.

Juste avant la fin de l'enregistrement, Patrick Buisson démontre par ailleurs l’estime dans laquelle il tient Nicolas Sarkozy en soulignant l’influence qu’il a sur le chef de l’Etat, notamment sur les questions d’immigration et d’intégration.

L’ancien journaliste de Minute et actuel président de la chaine Histoire, conclut par un rappel de son ADN politique profond… le royalisme.

***

Suite à la décision du juge des référés du  Tribunal de Grande Instance de Paris de ce 14 mars 2014, nous nous voyons contraints de procéder au retrait des extraits des "enregistrements Buisson" de Nicolas Sarkozy, de ses conseillers et de son entourage réalisés en date du 26 février 2011.

Atlantico a décidé de faire appel de cette décision.

Notre décision de publier ces extraits était motivée par notre volonté d’établir la réalité de l'existence d'un système d'enregistrements récurrents mis sur pied par Patrick Buisson. Suite à la révélation de l’existence des « écoutes Buisson» par le magazine « Le Point » en date du 12 février, le doute pouvait subsister. Patrick Buisson contestait lui-même formellement leur existence, que ce soit auprès de Nicolas Sarkozy ou en public par la voix de son avocat Me Goldnadel qui évoquait pour sa part un "mensonge total et ignominieux". Nous étant procuré l'un de ces enregistrements au terme d'une enquête débutée il y a plusieurs mois, nous avons considéré qu’en informer nos lecteurs relevait de l'intérêt général puisque M. Buisson avait non seulement pris l'habitude d'enregistrer ses interlocuteurs mais qu'il se vantait auprès d'un petit cercle de proches de tenir X ou X personnalité politique ou médiatique et qu'il s'agissait d'une forme d'assurance vie comme l'a d'ailleurs confirmé publiquement son fils Georges dans Le Point.  

Nous n'avons publié qu'une dizaine de minutes sur un enregistrement de plusieurs heures. Loin de nous préoccuper de la divulgation de l'ensemble des propos enregistrés ce jour là, nous avons choisi de nous concentrer sur les éléments qui, à notre sens, relèvent d'un droit légitime à l'information du public :

  • les considérations politiques et géopolitiques ayant présidé au remaniement ministériel annoncé le 27 février 2011 tout d'abord ;
  • la manière dont M. Buisson envisageait l'indépendance de la justice puisqu'il se préoccupait -hors de la présence de M. Sarkozy- de la nécessité de briefer rapidement le nouveau secrétaire général de l'Elysée afin qu'il apprenne à se "mouiller auprès du parquet" comme selon lui le faisait son prédécesseur ;
  • la réalité et l'ampleur de la trahison de M. Buisson vis à vis de l'ancien Président de la République, de son épouse et de ses conseillers enfin. En divulguant un extrait impliquant Madame Carla Sarkozy, Atlantico a ainsi démontré que Patrick Buisson enregistrait tout, et ce, sans discernement de la nature des propos. En publiant un extrait impliquant Patrick Buisson et un autre conseiller de M. Sarkozy, sortant de la réunion de travail qui venait de se tenir à La lanterne dans le parc de Versailles, Atlantico a aussi établi la déloyauté d'un conseiller pourtant longtemps présenté comme l'éminence grise du Président, puisque après s'être montré cordial et respectueux vis à vis de l'ancien chef de l'Etat et de son épouse, M. Buisson tenait ensuite hors de leur présence des propos beaucoup plus acerbes voire méprisants.

Notre décision de faire appel de la décision du TGI de Paris s'appuie en premier lieu sur le fait que la rédaction d'atlantico considère que les extraits diffusés ne portaient pas atteinte à l'intimité de la vie privée mais qu'il existait un intérêt légitime à les porter à la connaissance du public. Elle s'appuie ensuite sur la nécessité de mener un combat de principe afin que la presse française puisse agir comme nous l’avons fait, dans l’intérêt du public et ce en conformité avec la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme. 

Sur le terrain juridique également, il est étonnant de constater que l'enregistrement dont nous avons diffusé de courts extraits est considéré comme illicite par le TGI de Paris mais qu'il deviendrait licite s'il devenait une pièce versée à une procédure judiciaire. Des poursuites pourraient même être engagées par la justice si l'existence d'un délit voire d'un crime était établie sur ces enregistrements. 

Illicite pour la presse, licite pour la justice? Ironique dans la mesure où l'un des enregistrements évoque clairement l'existence de pressions politiques sur la justice.

S'il est incontestable que le respect de la vie privée est un pilier fondamental d'une démocratie moderne et encore plus avec le développement constant de moyens techniques permettant de piéger les uns ou les autres en les enregistrant à leur insu, il convient aussi de rappeler que la liberté de la presse et le droit à l'information du public pour les sujets d'intérêt général est un autre pilier d'une démocratie saine. 

Atlantico entend bien sûr respecter la décision du TGI de PARIS en retirant les extraits visés par sa décision du 14 mars 2014. Pour autant, il nous semble que l'équilibre entre respect de la vie privée et liberté de la presse n'est pas satisfaisant dans cette décision et qu'un combat juridique s'impose pour défendre la liberté d'informer.

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