Pourquoi la dévaluation n'est pas la solution miracle à tous les maux de la zone euro<!-- --> | Atlantico.fr
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L’euro a baissé de 8% depuis ses plus hauts par rapport au dollar en quelques mois.
L’euro a baissé de 8% depuis ses plus hauts par rapport au dollar en quelques mois.
©Reuters

Atlantico bourse

L’euro a baissé de 8% depuis ses plus hauts par rapport au dollar en quelques mois, ce qui donne une bouffée d’air économique appréciable. Néanmoins, l’impact positif d'une dévaluation massive serait réel mais plus limité que beaucoup l’espère.

Alain Pitous

Alain Pitous

Alain Pitous, Directeur Général Adjoint Associé de Talence Gestion (@alainpitous).

Talence Gestion est une société de gestion de portefeuille indépendante spécialisée dans la gestion sous mandat pour les particuliers et la gestion de fonds commun de placement en actions.

Précédemment, il a été pendant 5 ans (2009-2014) Deputy CIO d’Amundi (850 Milliards d’Euro sous gestion) et gérant du fonds Amundi Patrimoine de 2012 à juillet 2014.

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Panne de croissance, chômage et endettement excessif… à tous ces maux, une des solutions miracles consisterait à dévaluer pour créer un choc de compétitivité : sortir de l’euro, recréer le franc et le dévaluer de 20% par exemple.

Le problème de cette solution est assez simple à comprendre : la création du franc et sa dévaluation immédiate arriveraient après la disparition ou la sortie de l’euro. Or cela provoquerait un désastre sur les marchés : explosion du marché obligataire (donc hausse des taux), effondrement de la valeur des actions du fait des sorties des investisseurs internationaux, ruée des particuliers pour sortir des capitaux de leur banque et récupérer des devises, arrêt de l’investissement des entreprises françaises et internationales en France, incapacité de l’Etat de faire face à ses engagements sociaux, arrêt de l’économie, perte massive de pouvoir d’achat.

Restons dans le cas où c’est simplement l’euro qui est "dévalué". Notons d’abord que l’euro a baissé de 8% depuis ses plus hauts par rapport au dollar en quelques mois, ce qui nous donne déjà une bouffée d’air économique appréciable.

L’impact positif est réel mais plus limité que beaucoup l’espère.

Un euro à 1,24 contre le dollar profite à nos entreprises exportatrices qui peuvent regonfler leurs marges et rentrer dans un cercle vertueux d’investissements et d’embauches.

Hélas, la désindustrialisation de la France limite l’impact positif sur l’ensemble de l’économie française. En effet, la France compte finalement peu d’entreprises exportatrices et la compétitivité de la France ayant baissé dans beaucoup de domaine, une baisse des prix de quelques pourcent ne suffit pas à améliorer véritablement la situation. La baisse mesurée vécue actuellement est donc salutaire mais n’exonérera pas la France de profondes évolutions pour réellement sortir du marasme actuel.

La BCE doit elle tenter de mettre en œuvre des mesures "à la japonaise" pour faire baisser l’euro plus fortement ?

Les Japonais ont mis en œuvre des injections massives de liquidités qui ont pour but de faire baisser le yen et relancer l’économie. Mise en œuvre depuis 2012, cette politique n’a pas pour le moment porté ses fruits : les effets négatifs de la dévaluation du yen sont apparus rapidement. Les consommateurs japonais dont les gains salariaux ont été absorbés par le renchérissement des importations et par des hausses de taxes ont finalement vu leur pouvoir d’achat baisser ! L’inverse de ce qui était recherché.

Inutile de dire que cet exemple n’est pas suffisamment probant pour que la BCE s’aventure dans une politique du même genre.

Tout au plus peut-on envisager une poursuite de la politique menée actuellement.

En fait, la méthode "allemande" est mise en œuvre : comme dans les années 70 en Allemagne, c’est la stabilité de l’euro qui est privilégiée. Si on en juge par les résultats à l’époque, cette politique a été pertinente, l’Allemagne a nettement mieux traversé les chocs pétroliers que la France et ses multiples dévaluations.

De plus, les "guerres des changes" par les incertitudes qu’elles génèrent conduisent à des tensions sur le plan économique et freinent les investissements. La BCE ne s’engagera pas sur cette voie.

Le problème français ne sera donc pas résolu par un choc de dévaluation seul mais aussi par des efforts et des réformes visant à rétablir la compétitivité globale de l’économie française.

Enfin, n’oublions pas que pour l’épargnant, une dévaluation massive est une catastrophe. Sans aller jusqu’à un retour au Franc qui conduirait à une baisse de 30 à 40% de l’épargne constituée, une baisse massive de l’euro conduirait à une perte de pouvoir d’achat équivalente de l’ensemble de l’épargne des Européens… et comme les Français sont de grands épargnants, ils seraient les plus pénalisés.

Finalement, la politique menée actuellement par la BCE est à la fois la plus réaliste et la plus raisonnable pour l’économie et l’épargne des Européens.

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