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Orléans : Jeanne d'Arc au bûcher 2.0
©AFP

Paris brûle-t-il ?

Il suffit désormais d'une paire de trolls mal embouchés sur Twitter pour déclencher une polémique d'ampleur nationale, y compris sur les sujets les plus consensuels.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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J’avais prévu d’écrire sur « l’affaire Mennel », en décalage avec le flux de polémiques à la gomme qui permettent à des anonymes en slip de s’étriper sur Internet en excipant de leurs hautes valeurs morales, mais « l’affaire Jeanne d’Arc », un poil plus fraîche, me permet de dire pratiquement la même chose en collant à l’actu.

En préalable, je suggérerais qu’à l’exception d’une poignée de résidents du Val-de-Loire, nous étions sans doute peu nombreux dans ce pays à savoir qu’une « fête johannique » était organisée chaque année à Orléans, au cours de laquelle une jeune fille en jupe plissée, serre-tête et chaussures vernies était sélectionnée pour incarner la célèbre pucelle anglophobe à acouphènes.

Nous étions peu nombreux et, faut-il vraiment le préciser, nous nous en fichions surtout comme de notre première tranche de Cauchon

Il aura pourtant suffit qu’une paire de provocateurs racistes fassent semblant de s’offusquer sur Twitter du pedigree de l’impétrante 2018 pour que cette obscure commémoration folklorique fasse les gros titres, forçant les uns et les autres, parfois à contre-emploi, à se passionner pour une question subitement devenue existentielle.

A contre-emploi puisque c’est de gauche que l’on en vient désormais à s'enthousiasmer pour, en vrac, la figure d’une héroïne semi-mythique associée à l’extrême droite depuis que les Le Pen en on fait leur mascotte, l’organisation de célébrations identitaro-religieuses et, last but not least, le désir d’une ado BCBG d’aller parader sur un étalon blanc en agitant un petit drapeau à fleur de lys au lieu d’aller manifester contre la réforme du bac avec l’UNEF...

A contre-emploi à droite également, puisqu’une jeune métisse bénino-polonaise qui pratique l’escrime, chante dans une chorale, se rend à la messe chaque dimanche et travaille bien à l’école, est la meilleure publicité qui soit pour le concept honni de « chance pour la France ». On aura du mal, en effet, à trouver plus harmonieusement « intégrée » que cette petite fille modèle. Même le patron de Fdesouche, Pierre Sautarel, a l’air d’en convenir…

En d’autres termes, à gauche comme à droite (et au centre, ça va sans dire), on est globalement indifférent à cette anecdote infinitésimale, mais l’on est d’accord pour transformer les saillies de trolls ultra-marginaux (qu’on a d’ailleurs du mal à retrouver, noyés qu’ils sont dans un océan d’indignation consensuelle) en une énième occasion de se foutre sur la gueule à grande échelle et à propos de rien.

Jeanne d’Arc (la vraie), lorsqu’elle dégainait son épée, le faisait au moins parce qu’elle pensait avoir entendu Dieu. Ses arrière petits-enfants (les faux, et pour cause) sont moins regardants sur la source de leurs engagements guerriers.

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