L’article 49.3 sous le regard du droit international<!-- --> | Atlantico.fr
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Oivier Dussopt et Elisabeth Borne à l'issue du Conseil des ministres.
Oivier Dussopt et Elisabeth Borne à l'issue du Conseil des ministres.
©Ludovic MARIN / AFP

Chroniques parlementaires

La commission de Venise du Conseil de l’Europe a émis des doutes sur l’utilisation de l’article 49.3 en France et sur la possibilité pour le gouvernement de « forcer l’adoption d’un projet de loi sans vote ».

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Chaque pays a sa constitution, qui règle à sa manière l’organisation du pouvoir, et les relations entre les organes de décision. C’est même un attribut essentiel de souveraineté. Pour autant, ce droit n’est pas complètement absolu et déconnecté de ce qui se passe ailleurs. Le niveau européen entame un peu cette autonomie, par deux biais, celui du droit de l’Union européenne, que je laisse de côté, et par celui, beaucoup plus méconnu, du conseil de l’Europe, qui nous intéresse aujourd’hui.

Ce Conseil de l’Europe, qui siège à Strasbourg, est une organisation internationale née en 1949, et complètement indépendante de l’Union européenne. Elle regroupe 46 Etats (donc un peu plus large que l’Europe au sens strict de la géographie, la Turquie ou l’Arménie en faisant partie) et s’intéresse à la préservation des droits de l’Homme, de la Démocratie et de l’Etat de droit. C’est elle qui abrite la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi des commissions spécialisées, comme la Commission de Venise, qui traite des questions de droit constitutionnel (donc de droit parlementaire).

Il se trouve que cette Commission de Venise vient de rendre un avis sur le fameux article 49.3, celui qui a permis de passer en force sur la réforme des retraites. Et cet avis est plutôt mitigé, soulignant qu’il tutoie, par endroits, les limites de ce qui est acceptable en matière de respect des droits du Parlement dans une démocratie digne de ce nom.

L’avis pose d’abord les principes que doivent respecter les délibérations législatives, pour rester dans le cadre de l'État de droit, avant de voir les effets de certaines dispositions exceptionnelles (comme l’article 49.3) en se demandant si on est dans la norme ou dans l’exception. On attend encore l’étude de droit comparé, mais les premières conclusions montrent qu’on n’a pas d’équivalent en Europe d’un mécanisme aussi intrusif dans le travail législatif en faveur de l’exécutif.

L’avis est également intéressant, car il questionne, de manière technique et dépassionnée, le mécanisme sur son existence même, mais aussi sur ses mécanismes, avec trois pistes pour essayer de l’adoucir un peu. Le premier message, en filigrane, est de le réserver uniquement aux textes budgétaires. Plus explicitement, la commission de Venise suggère de ne pas l’activer au tout début de l’examen d’un texte, mais de laisser un maximum de temps aux débats politiques, afin que les oppositions puissent s’exprimer. Il suggère aussi d’éviter d’utiliser ce 49.3 en combinaison avec d’autres dispositions permettant le passage en force, comme cela s’est fait lors de la réforme des retraites. Là-dessus, le conseil constitutionnel avait tiqué également, même s’il avait finalement fermé les yeux.

Ce rapport, rédigé par des experts, qui ont largement échangé avec les autorités françaises (et notamment le secrétariat général du gouvernement) n’engage pour l’instant que la Commission de Venise. Il ne s’impose absolument pas à la France. Pour autant, le message n’est pas uniquement technique, c’est aussi un signal politique, envoyé par une organisation internationale indépendante, sur le fait que la France s’est approchée de la ligne jaune de l’Etat de droit.

Un avertissement discret et rédigé en termes diplomatiques, mais un avertissement quand même.

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