Géopolitico-scanner
Ces signaux faibles et ces tumultes qui révèlent le monde qui émerge
Chaque jour, l'actualité nous apporte son lot d'informations ; précieuses ? Importantes ? Qui sait - mais souvent, peu ou mal perçues, voire ignorées.
Xavier Raufer
Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date: La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers.
Chaque jour, l'actualité nous apporte son lot d'informations ; précieuses ? Importantes ? Qui sait - mais souvent, peu ou mal perçues, voire ignorées. Ces phénomènes, comme dit la philosophie, peuvent être des "signaux faibles", perdus dans le "bruit de fond" médiatique. Ou bien encore des "ruptures d'ambiance" : tel objet ou entité était là hier ; aujourd'hui, il a disparu : tiens ? Pourquoi ? Dans les deux cas, sitôt repéré : alerte.
Pour compliquer encore les choses, ces apparitions/dissipations peuvent advenir brutalement, ou à l'inverse, en mode sournois. Mais toujours est-il que l'art de la pré-vision consiste d'abord à savoir capter ces signes ; ensuite, à les interpréter. Dans « Ainsi parlait Zarathoustra », Nietzsche le préconisait déjà : "Veillez et écoutez, solitaires. De l'avenir viennent des souffles aux secrets battements d'ailes." Aujourd'hui, dans l'orientation géopolitique, à quels signes faut-il être attentif ? En voici trois.
(Rupture d'ambiance) Tiens, mais où est donc passé "Wagner" ?
Dans notre "société de l'information", savoir disparaître est l'art majeur. Or suivons la manœuvre-Wagner en cours. Un moment, cette société militaire "privée" (SMP) et outil du pouvoir russe, sombre dans l'agitation (au sommet). Récupérée sans faiblesse et confiée à des chefs jugés fiables au Kremlin, Wagner disparaît de la scène médiatique (mais pas du terrain). Hier, la communication de cette armée "privée" était omniprésente - aujourd'hui, la voilà silencieuse, plus un mot nulle part. Mais pourquoi ... ? Cherchons à comprendre.
Dans la même période, des cadres aguerris de l'armée ukrainienne désertent par groupes : pourquoi mourir pour des nèfles ? Où se replient-ils ? Comme d'usage au Canada, dans la région de Vancouver. Là ils contactent des amis restés en Ukraine, eux aussi cadres militaires confirmés, et évoquent avec eux l'avenir... Comme de juteux contrats en Afrique, aux Moyen-Orient (pour commencer).
Ainsi émerge le Wagner de demain - trois coups en avance, comme aux échecs. Pourquoi est-ce grave ? Demain, en cas de crise, "Global Nato" risque fort de trouver, face à ses troupes, des Ukrainiens recrutés par Wagner, entrainés au combat et au maniement des armes-OTAN... par l'OTAN elle-même, en Ukraine.
(Dissipation brutale) Superpuissance, diplomatie et Moyen Orient
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, Washington était chez lui au Moyen-Orient. C'est fini : la récente visite de quatre jours au Moyen-Orient d'Antony Blinken, ministre américain des Affaires étrangères (Secretary of State) a même viré au désastre :
- Netanyahou refuse froidement tout ce qu'il le supplie d'accepter (cessez-le-feu... livraison de fuel à Gaza, etc.).
- En Égypte et en Jordanie, toute diplomatie omise, il se fait agonir, comme le complice d'un génocide.
- Blinken fait un saut à Bagdad : dans la foulée, le premier ministre irakien file à Téhéran, cajoler Khamenei.
- Pire encore chez les Turcs où l'accueil qu'il reçoit est carrément insultant. Ça commence mal : Il atterrit de nuit, mais les lumières de l'aéroport sont éteintes. La suite n'est pas plus reluisante : première dans l'histoire des deux pays, ce n'est pas son collègue turc des Affaires étrangères qui l'accueille à l'aéroport, mais un sous-fifre. Sur un immeuble voisin du ministère turc des Affaires étrangères, trône un grand portrait d'"Abu Ubaydah", chef de la milice armée du Hamas. Rencontrant enfin son collègue turc, Blinken veut lui donner l'accolade - l'autre recule. Enfin, pas de communiqué commun. Ambiance...
(Dissipation souterraine) San Francisco, dans l'enfer de la drogue
Pendant que Washington gaspille en vain des milliards par centaines en Ukraine, San Francisco, qui fut la perle de la Côte Ouest et du Pacifique, sombre dans le chaos, en mode bas-empire. De janvier à septembre 2023 : 620 surdoses fatales connues (540, aux mêmes mois de 2020). Old Navy, Nordstrom, Whole Food, Office Depot, Hilton : les marques célèbres, le grand commerce, les principaux hôtels, fuient la ville. Dans le seul secteur de l'immobilier, San Francisco perd 200 millions de dollars par an.
Et la drogue ? Dans un quartier de la ville, de juin à septembre, la police saisit 50 kilos de fentanyl (héroïne de synthèse) - de quoi provoquer VINGT MILLIONS de surdose mortelles. Mais comment réagit la maire "progressiste" du lieu ? En 2024, le budget de sa police... baissera de 18%. Petite prévision pour la France : on a des maires du même acabit, notamment à Lyon, Grenoble et Bordeaux. Attention à la suite.
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