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Coloc étudiante réservée aux noirs, université d'été interdite aux blancs : le racisme peut-il être légitime "contextuellement" ?
©Reuters

Flippant

En Californie, on trouve des colocs « for blacks only » ; à Reims, on organise des universités d'été interdites aux blancs. C'est au nom de l'antiracisme.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Trois étudiants noirs en coloc qui passent une annonce pour en recruter un quatrième et précisent qu'ils ne veulent surtout pas d'un blanc, c'est du racisme ? Le sens commun dit que oui. Le progressisme « gone mad » dit que ça se discute. Et qu'il est finalement assez légitime, pour des noirs, de préférer habiter avec d'autres noirs.

C'est en tout cas ce que je comprends du débat qui agite Claremont, un réseau de petites facs californiennes où les défenseurs (nombreux, de toutes les couleurs, tous viscéralement « antiracistes ») de ces colocataires très à cheval sur l'homogénéité pigmentaire de leur environnement immédiat expliquent qu'ils cherchent seulement à créer un « safe space » dans lequel ils se sentiraient à l'aise en rentrant des cours.

« Bullshit, leur répondent les deux ou trois voix du campus encore suffisamment universalistes pour se souvenir du sens du terme « discrimination ». Personne ne s'arrêterait cinq minutes pour réfléchir aux « bonnes raisons » qu'auraient trois étudiants blancs de refuser un coloc noir, ou trois étudiants hétéros d'envoyer balader un étudiant gay ».

« Mais non, vous n'y comprenez rien, s'énerve alors, un poil pédantesquement, Urena, l'émettrice de l'annonce : il ne peut s'agir ni de ségrégation, ni de racisme, des termes profondément ancrés dans un processus historique et systémique de violence à l'égard des gens de couleur dont les blancs n'ont jamais fait l'expérience ».

En d'autres termes, le principe fondamental du racisme, c'est à dire le refus de l'autre a priori, sur la base de sa seule couleur de peau, peut devenir acceptable contextuellement. Et l'idée qu'un étudiant blanc qui, justement, n'aurait pas de problème à partager un appart avec des étudiants noirs, se situerait par définition en dehors de ce fameux « processus historique et systémique » et, mieux, le combattrait carrément par son indifférence au taux de mélanine de ses « roommates » ne traverse même pas l'esprit de ces ségrégationnistes à bonne conscience.

Les « white supremacists » qui auraient publié une telle annonce auraient immédiatement été flanqués, à bon droit, à la porte de leur fac. Peut-être même de leur logement. En l'espèce, il y a débat. Ils ont peut-être raison, ils ont peut-être tort. C'est un affaire de point de vue.

Sans aucun doute, on a le droit de partager un appartement avec qui on veut. Un fêtard n'aurait sûrement pas envie de vivre avec un bonnet de nuit. Un type au régime avec un glouton qui remplirait les placards de biscuits. Recruter un coloc, ça se fait au feeling. Pas au préjugé essentialiste et xénophobe, croit-on savoir.

Mais peut-être sommes nous déjà entrés dans cette zone de turbulence orwellienne (« la guerre, c'est la paix », « la vérité, c'est le mensonge », « la liberté, c'est l'esclavage ») où la « discrimination positive » devient effectivement une vision positive de la discrimination. Où l'on organise, au nom de la lutte contre le racisme, et en France, pas en Californie lointaine, des universités d'été interdites aux blancs. Où des féministes qui s'étranglent devant les rayons filles-garçons des magasins de jouets légitiment l'invisibilisation patriarcale des femmes...

Le progressisme, comme pas mal de chose, c'était mieux avant.

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