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La menace qui pèse sur la liberté d'expression des militaires
©Reuters

En colère

Onze officiers généraux ont signé une tribune en exclusivité sur Boulevard Voltaire."Le pouvoir politique semble oublier que l’autorisation préalable à l’expression des militaires a été supprimée il y a plus de dix ans", fustigent-ils.

Onze officiers généraux ont signé le lundi 15 septembre une tribune en exclusivité sur Boulevard Voltaire. Celle-ci a été publiée ce lundi 18 septembre. Selon les auteurs de la missive, la récente démission du chef d’état-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers "a mis en évidence le fossé qui s’est progressivement installé entre le politique et le militaire" et a "révélé et confirmé avec force la menace qui pèse dorénavant sur l’expression des militaires". Ainsi, ils estiment que des autorités politiques "ne supportent manifestement pas que la haute hiérarchie militaire lance des signaux d’alerte qu’elles considèrent comme des critiques de l’action de l’État et qu’elles jugent contraires au devoir de réserve". Ce comportement de l'exécutif inquiète le monde militaire.

Des généraux sanctionnés

Ils justifient le comportement du général Pierre de Villiers par le fait que le chef d'État-Major des armées français (CEMA) doit "informer les représentants de la nation sur les capacités réelles des forces armées et sur la nécessité d’une cohérence des moyens alloués avec les missions assignées". Ils n'hésitent pas à charger l’autorité politique laquelle, selon eux, "utilise depuis trop longtemps les budgets des forces armées comme une variable d’ajustement pour combler ses manquements en matière de gestion des comptes publics".

Ils comparent ensuite la situation vécue par l'ex-chef d'État-Major à celle de plusieurs généraux à commencer par le numéro trois de la gendarmerie, le général Bertrand Soubelet. Auditionné en 2014 par la commission de l'Assemblée nationale, il avait déclaré "que la politique pénale était en décalage avec les infractions relevées et il soulignait, en conséquence, les difficultés rencontrées au quotidien par les unités de la gendarmerie dans la lutte contre la délinquance". Résultat : "mutation dans un placard, c’est-à-dire une véritable censure valant finalement sanction", déplorent les généraux dans leur tribune, rappelant notamment la sanction du général Vincent Desportes en 2010. En cause, son interview au Monde dans laquelle il avait manifesté son désaccord sur la politique menée par les États-Unis, et par voie de conséquence par la France, en Afghanistan. "L’autorité politique affichait ainsi sa volonté de mettre un couvercle sur l’expression des militaires, et notamment des généraux", fustigent les auteurs de la missive.

Les généraux n'oublient pas de rappeler "l’arrestation mouvementée du général Christian Piquemal à Calais, le 6 février 2016, au cours d’une manifestation organisée dans le cadre des Journées européennes contre l’islamisation et l’invasion migratoire ?". "Plusieurs autres généraux en 2e section étaient directement menacés de sanction par courrier officiel, au mois de mars 2016, après avoir pris" sa défense, "ou après avoir signé collectivement une lettre ouverte" à François Hollande "lui rappelant ses devoirs à l’égard de la nation, ou après avoir fait état de leurs critiques sur la gestion de la crise de Calais par le gouvernement et en alertant sur ses conséquences".

"Les tentatives du pouvoir pour priver les généraux de parole ne sont pas pertinentes"

"C’est finalement l’expression des militaires et en particulier des généraux qui est aujourd’hui menacée et que le politique tente d’étouffer", fustigent les généraux. Selon eux, le gouvernement est gêné par le fait que "le citoyen puisse être informé sur ses insuffisances et surtout sur les risques qu’elles font peser sur la nation". "L’expression des généraux (…) est devenue aujourd’hui indispensable. Ils savent de quoi ils parlent. Alors, pourquoi les chefs militaires ne pourraient-ils pas s’exprimer sur des sujets liés à la défense, à la sécurité de la nation, aux intérêts de la France dans le monde alors que d’autres moins qualifiés le font ? Pourquoi les généraux de 2e section ne pourraient-ils pas s’exprimer sur ces mêmes sujets et, n’étant plus en activité, plus librement sur beaucoup d’autres comme l’immigration ou l’éducation, qui engagent l’avenir du pays, sans être menacés de sanctions parce que leurs propos, différents du discours officiel, dérangent ?", se demandent-ils, indiquant que "leur droit d’expression doit être pleinement reconnu". "Le pouvoir politique semble oublier que l’autorisation préalable à l’expression des militaires a été supprimée il y a plus de dix ans", ajoutent-ils.

"Les tentatives répétées du pouvoir pour priver les généraux de parole (…) ne sont pas pertinentes au moins pour deux raisons", indiquent-ils. La première : "elles créent non seulement un malaise en contribuant à distendre la confiance entre le politique et le militaire mais également un doute sur la compétence ou la clairvoyance du pouvoir politique s’agissant de la première des missions régaliennes dont il est responsable". La seconde : "se référer en permanence au sacro-saint devoir de réserve n’a pas de sens dans la mesure où ni le secret militaire ni la neutralité politique ne sont mis en cause", précisent les généraux, estimant qu'il faut encourager "l’expression des militaires, et en particulier des généraux".  "Le moment semble donc venu pour conduire une véritable révolution des esprits pour que soit reconnu à ceux qui risquent ou ont risqué leur vie pour la défense de la France et de la nation un devoir d’expression au même titre que leur devoir de réserve. Il est, en effet, légitime qu’ils puissent contribuer au débat en usant de leur liberté d’expression", concluent les auteurs de la tribune.

Lu sur Boulevard Voltaire

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