La zone euro condamnée à soutenir Angela Merkel et son coéquipier Draghi pour survivre <!-- --> | Atlantico.fr
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La Chancellière allemande Angela Merkel est au centre du dispositif de la zone euro, validant ainsi l'action de la BCE.
La Chancellière allemande Angela Merkel est au centre du dispositif de la zone euro, validant ainsi l'action de la BCE.
©Reuters

Bout du tunnel ?

Angela Merkel attend le jugement de la Cour constitutionnelle allemande sur le pacte budgétaire européen et le fonds de secours permanent. La balle sera ensuite dans le camp des pays endettés s'ils veulent saisir les dispositifs d'aide préparés par la chancelière et par le président de la BCE.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Lire aussi sur ce sujet : Allemagne : la Cour de Karlsruhe est-elle l'institution qui garantit le mieux la démocratie allemande ou une semi-dictature constitutionnelle ?

Angela Merkel tient l’agenda de la sortie de crise, et elle est tenue par lui. D’un côté, elle devait surtout attendre le 12 septembre, date du jugement de la Cour de Karlsruhe sur la constitutionnalité des engagements signés par l’Allemagne sur le pacte budgétaire européen et le fonds de secours permanent (le MES). Il lui fallait alors préparer les esprits au soutien de l’Allemagne à la zone euro dans cette nouvelle phase de sa crise, les « esprits » externes à l’Allemagne et plus encore ses « esprits » compatriotes. D’un autre côté, elle doit tout faire désormais pour étayer sa position, en laissant Mario Draghi poursuivre dans sa démarche, les deux étant complémentaires.

Bien sûr, si, le 12 septembre, la Cour va à l’encontre des décisions signées, la crise sera terrible et très difficile à résorber. Mais personne ne le pense vraiment. Ce que veulent les opposants aux avancées de Mme Merkel dans le soutien de l’Allemagne aux pays en difficulté et, à plus long terme, dans une voie fédérale, c’est toujours plus de vérifications, toujours plus de conditions. Au fond, ils veulent plutôt ralentir le mouvement, au risque d’une crise majeure dans la zone euro si la reprise est insuffisante. Pour eux, l’Allemagne s’engage trop pour des pays qui ne font pas assez d’efforts, et parfois ne respectent pas leur parole. Elle gaspille ainsi l’argent des contribuables allemands, elle met en jeu ses milliards et plus encore la crédibilité de la Buba.

Après le 12 septembre, ce sera la vraie reprise des questions financières au sein de la zone. Et tous les responsables européens le savent, c’est bien pourquoi ils ont tant voyagé avant. Ils savent en effet que Mario Draghi a changé la donne dans la zone euro. D’abord, il a mis, fin juillet, la tourmente financière en mode « pause », comme pour un film, en faisant une promesse conditionnelle. Moi, Mario Draghi (autrement dit la Banque centrale européenne), je ferai « tout ce qu’il faut » (whatever it takes) pour vous aider si vous faites, chacun d’entre vous, ce que vous devez faire (de façon à ce que je sois, moi, dans une position telle que je puisse vous aider). Chacun, c’est vous les Grecs, et j’attends vos engagements et le rapport de la Troïka mi-octobre ; c’est vous les Espagnols, et j’attends votre plan et votre demande d’aide dans trois semaines ; c’est vous les Italiens, avec un programme qui devrait vous permettre de continuer seuls, si et seulement si la bourrasque grecque et espagnole baisse d’intensité, bien sûr. Je vous aiderai si vous m’aidez à vous aider : mais rien n’est possible avant le 12 septembre, et si la suite se passe dans le bon ordre. Mais ils savent aussi, que Mario Draghi a mis la Buba (Bundesbank, la banque centrale allemande) sur la touche, ou plutôt c’est elle-même qui s’y est mise, en s’isolant -seule contre tous.

Angela Merkel est donc au centre du dispositif de la zone euro, validant ainsi l’action de la BCE. Bien sûr, elle ne peut elle-même trop avancer, au risque de fragiliser le jeu qui se construit en zone euro et d’antagoniser les positions – mais elle précise en même temps que la Buba est indépendante. Ce faisant, comme cette même Buba a pris une position très isolée, ceci veut dire qu’Angela est indépendante de la Buba ! Le processus marche dans les deux sens. Angela est forte de sa faiblesse apparente : tous les pays doivent l’aider, pour la renforcer dans sa démarche, autrement ils ne s’en sortent pas eux-mêmes. Elle n’est donc pas contre eux : les intérêts politiques sont en réalité alignés dans la zone euro ; mais elle ne peut le dire sans nuance, sans obtenir de garanties des Etats qu’elle soutient. Paradoxalement, cette configuration est ainsi la meilleure pour faire en sorte que les Espagnols, les Italiens, les Grecs, fassent le maximum d’efforts, puisqu’il ne s’agit pas seulement de convaincre la Chancelière, comme on le croit trop souvent. Le rapport de forces est autrement plus complexe – et aussi plus efficace.

Il y a cependant des limites à ce jeu, car Angela Merkel devra être, bientôt, clairement d’accord avec les milliards d’aides pour l’Espagne et avec un allongement du calendrier de la Grèce dans 3 à 5 semaines environ. En même temps, le jugement de la Cour de Karlsruhe, qu’on prévoit favorable, va donner plus de limites encore dans le soutien allemand, sans étayer la position sceptique, pour ne pas dire opposée, de la Buba. Autrement dit sa voix, devrait changer, après la « solution Draghi » du 6 septembre, après le jugement de la Cour du 12. Au total, les quinze prochains jours pourraient ainsi être la voie la plus étroite, et la plus périlleuse, de toute la construction de la zone euro ces deux dernières années. Mais la meilleure. En effet, c’est aujourd’hui la récession.

Après, si tout se passe « bien », la croissance restera faible et les Européens demeureront inquiets, mais le crise sera évitée. Après - 0,5 % pour 2012, ce serait ainsi + 0.5 % en 2013. L’emploi n’ira donc pas mieux, les tensions internes n’auront pas de raison de baisser, mais pas de monter : l’économie aura quand même basculé du côté positif. Le risque serait, alors, de ne pas forcer l’allure de la construction européenne, tandis que le monde est peu à peu en train d’aller mieux, au risque de faire la zone euro l’homme malade du monde, le seul qui ne s’en sort pas. Pour éviter cet écueil, il faudra donc aller plus fort et plus vite, et Angela ne pourra évidemment être seule. François devra la rejoindre, dans un pays qui aura, lui aussi, accéléré considérablement ses réformes. C’est nous, Français, qu’on regardera alors !

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