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Zéro Covid ou confinement : l’Asie (démocratique) dont on ne veut pas, l’Asie (autoritaire) dont on s’inspire
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Stratégies

Environ un an après le début de la diffusion du coronavirus à travers le monde, il est possible de tirer des premières leçons politiques de cette crise qui a vu un bon nombre de pays occidentaux copier le modèle totalitaire chinois.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Voici un an environ que l’épidémie de COVID 19 a commencé à se diffuser à travers le monde. Les premiers bilans comparatifs entre les pays ont paru. Il ne s’agit pas ici de répéter ce qui est maintenant un constat partagé: certaines zones du monde, telle l’Asie Pacifique et l’Océanie ou bien l’Afrique, s’en tirent mieux que le continent américain ou bien l’Europe. Les pays les plus développés économiquement ont en général été plus touchés que les autres. On remarque, enfin, que les pays de petite taille s’en tirent le plus souvent mieux que leurs grands voisins. Cela vaut au sein de l’Union Européenne mais aussi en Asie, où les Vietnamiens et les Taïwanais s’en tirent mieux que le grand voisin chinois. Je voudrais, en complément des bilans connus, ajouter quelques pistes de réflexion plus politiques. 

1. Il est frappant de constater que la Chine est désormais systématiquement tenue hors des bilans. Aucun scientifique dans le monde n’accorde foi aux statistiques chinoises. Il existe donc un contraste de plus en plus marqué entre la manière dont un certain nombre d’experts auto-proclamés et de responsables politiques (en particulier aux Etats-Unis et en Europe ) ont entamés des panégyriques de la « réponse chinoise » à l’épidémie, au printemps 2020, et la réalité, dont on discerne aujourd’hui les contours: l’épidémie a démarré en Chine continentale dès l’automne 2019; le néo-totalitarisme de Xi Jiping a empêché une remontée rapide et efficace de l’information; lorsque les autorités ont enfin pris conscience de la diffusion de l’épidémie, elles ont continué à mentir au monde, refusant de fermer leurs frontières et de restreindre les entrées et les sorties pour ne pas nuire à l’image d’une grande puissance compétente; quand il n’a plus été possible de cacher l’épidémie, le Parti Communiste Chinois a déclenché une gigantesque opération de propagande internationale pour expliquer que la méthode de confinement total utilisé à Wuhan et dans la région était la seule efficace. En réalité, ce confinement total était destiné à empêcher les observateurs étrangers. Le seul vrai succès de la Chine contre le COVID 19 - mis à part la qualité de la médecine chinoise - c’est la capacité du pays à empêcher le monde extérieur de savoir combien il y a eu de morts de l’épidémie à travers le pays. 

2. A l’échelle de la Chine, le nombre de morts du COVID 19 est sans doute le plus élevé au monde. On se gardera cependant de le pousser trop haut. En effet, c’est une autre caractéristique de ce qui vient de se passer dans le monde. Pandémie, pour le COVID 19 veut dire aussi PANique mondiale face à une épiDEMIE qui a fait un peu plus de 2 millions de victimes sur 7 milliards d’habitants, soit une mortalité de 3 pour dix mille, un chiffre qui est moins élevé que certaines épidémies de grippe. Même si l’on jugeait que la Chine communiste rapproche les statistiques de 3 millions de morts; et si l’on tient compte du fait qu’il y aura une surmortalité liée à la crise économique en cours, cela ne fait que renforcer le constat. On se demande dans quelle mesure les dirigeants du monde seraient capables de faire face à une épidémie beaucoup plus grave vu comme ils ont été, souvent, tétanisés face à cette pandémie de basse intensité. Si l’on cherche à comprendre ce qui a pu servir de miroir déformant, on doit pointer le poids pris par les grandes instances de discussions internationales: OMS, Union Européenne, Forum de Davos etc. Nous sommes face à un véritable problème: les contribuables du monde entier financent des forums de discussion dont la principale caractéristique est d’idéologiser les questions, de proposer des solutions loin du terrain et, surtout de vouloir imposer un modèle unique. En l’occurrence, vu la présence active de la Chine dans toutes les instances de discussion supranationales (même son influence sur l’UE est devenue disproportionnée), la propagande communiste chinoise sur le Coronavirus y a reçu un soutien démultiplié - qui n’existait pas à ce point, il y a cinquante ans, quand l’URSS tachait, elle aussi, d’influencer les esprits. Il est d’ailleurs frappant de voir le contraste entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, très rétives à l’influence chinoise et dont les succès contre le pandémie sont sans aucun doute liés au refus d’adopter « le modèle chinois »; tandis que les Démocrates aux Etats-Unis, très vulnérables à l’influence communiste chinoise, ont les plus mauvais résultats dans leurs Etats et ont tout fait pour empêcher la coordination nationale mise en place par le Président Trump. 

3. La crise mondiale provoquée par le COVID 19 représente l’échec de tous les rêves de « gouvernance mondiale » et incite à faire à nouveau confiance aux nations. Taïwan montre l’avenir de la Chine continentale, appelée à devenir une démocratie. Le Général de Gaulle aurait aimé constater comme la Corée du Sud, le Japon, le Vietnam, ont pris leurs responsabilités, pour ne pas être contaminées outre mesure par leur grand et envahissant voisin. Il se serait réjoui de voir que la Grande-Bretagne est capable de faire vacciner sa population massivement en quelques semaines quand les 27, qui ont confié la commande des vaccins au « machin » de Bruxelles, cafouillent totalement. L’Union Européenne aime bien regarder vers la Chine, alors qu’elle devrait regarder vers l’efficacité des petits pays asiatiques, surtout quand ils sont démocratiques. Nous découvrons que le numérique, qui peut être la pire des choses - quand il sert au contrôle total d’une population par le pouvoir communiste néo-totalitaire de Pékin - peut être aussi la meilleure, lorsqu’il renforce la capacité d’une société à se prendre en main au niveau local et individuel. Bien entendu, une utilisation intelligente du numérique n’est pas la seule solution. Comme beaucoup de Français, je conçois que l’on soit rétif au traçage et à l’utilisation d’une application pour repérer les clusters. On remarquera cependant un paradoxe à refuser des confinements ciblés fondés sur un repérage numérique et accepter un confinement total de la population quand Emmanuel Macron copie le modèle italien qui copiait lui-même le modèle chinois. Cela dit, il y avait bien une possible voie française vers une lutte efficace contre l’épidémie: elle consistait à laisser les médecins exercer leur métier et prescrire librement ce qu’ils jugeaient le plus efficace; à laisser le niveau local et régional coordonner les commandes de matériel; à donner à l’Etat une mission simple mais indispensable: coordonner la répartition des malades entre les établissements hospitaliers: jusqu’à aujourd’hui, on se focalise sur l’engorgement dans certains centres hospitaliers sans parler des lits qui sont vides ailleurs. 

L’avenir du monde, cette crise l’a montrée, est en faveur des petites entités politiques: nations, régions, villes, qui ont, grâce au numérique, la possibilité de résoudre la plupart des questions au plus près du terrain, de manière réaliste. C’est bien la leçon que nous donnent les démocraties asiatiques. A la fin, nation et démocratie l’emporteront car elles responsabilisent leurs citoyens. Alors que les Etats-continents ont un fort défi à relever: celui de l’adaptation à un monde où l’information est surabondante mais ne peut être utilisée efficacement que localement; et ne doit surtout pas être standardisée dans la mauvaise direction par des instances supranationales ou des collecteurs et gestionnaires de données massives  plus intéressés par leur pouvoir d’influence que par le bien commun. 

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