Xavier Bertrand, l’homme qui voulait se servir de Marine Le Pen comme marchepied pour la primaire des Républicains<!-- --> | Atlantico.fr
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Xavier Bertrand affrontera Marine Le Pen, lors des régionales dans le Nord
Xavier Bertrand affrontera Marine Le Pen, lors des régionales dans le Nord
©Reuters

Bienvenue chez les Ch'tis

La candidature de Marine Le Pen aux élections régionales dans le Nord était attendue par son principal concurrent, Xavier Bertrand. Celui-ci espère bien se servir de ce duel médiatique pour asseoir sa candidature face aux autres candidats de la droite, lesquels ont pris beaucoup d'avance

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Il a troqué les 4 colonnes de l’Assemblée pour les terrils de Bruay, la côte de bœuf de chez Françoise -le restaurant préféré des députés- pour un petit salé ou une andouille de Cambrai. Depuis quelques mois, Xavier Bertrand a décidé de mettre son avenir national entre parenthèses. Il a pourtant longtemps joué le bras de fer avec Nicolas Sarkozy, refusant, malgré les demandes insistantes de l’ancien chef de l’État, de le rencontrer pendant de longs mois après la défaite. Lorsqu’il y consent, c’est en terrain neutre, dans un restaurant où chacun payera sa part. Tout un symbole. Mais alors que commence tout juste la bataille pour la primaire, le voilà qui se carapate. Abandonne Paris pour les corons. Aurait-il renoncé à son rêve élyséen ?

Il a longtemps hésité avant de se lancer dans la bataille des régionales. Quitter Paris, s’éloigner de la rue de Vaugirard à un moment stratégique où se négocie chaque détail du futur scrutin, lui semblait risqué. Il a beaucoup consulté, se demandant si cette campagne n’allait pas lui coûter sa candidature à la primaire. "Que nenni", lui ont affirmé certains de ses proches. "Si Marine Le Pen se présente et si tu la bats, tu seras un héros, si tu ne la bats pas tout le monde reconnaîtra que tu es allé au combat avec courage", ont-ils ajouté en substance. Ils ont convaincu l’ancien ministre de s’engager. Mais encore fallait-il qu’en face de lui se présente la présidente du FN. Qu’il n’affronte pas un illustre inconnu. Certes, il aurait emporté haut la main cette grande région qui rassemblera le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, mais sans gloire et sans panache et donc sans les retombées médiatiques espérées. Depuis hier, le pari de Xavier Bertrand est donc gagné. Marine Le Pen est candidate et il va pouvoir l’affronter comme dans une avant-première de 2017 version ch'ti. A un détail prêt, cette fois, les sondages donnent la candidate frontiste gagnante au second tour. Ce qui rend le duel encore plus piquant car l’ancien ministre ne manque pas d’arguments.

"D’abord il a envie, elle non. Elle se présente par obligation", explique son entourage qui ajoute : "la question, c’est le déclin dans ces régions où tous les indices sont pourris : santé, logement. Or le déclin causé par la gauche, le FN le rendrait durable". Et pour enrayer la chute, voilà donc Xavier Bertrand un temps reconverti en gaulliste social, "un nouveau Séguin", affirme son entourage. Impossible, en effet, de trop attaquer les aides sociales dans une région où beaucoup de gens en vivent. Le créneau n'est, d'ailleurs, pas occupé au niveau national. François Fillon l'ayant abandonné pour un axe plus libéral, voilà une niche toute trouvée en cas de candidature à la primaire.

"Xavier Bertrand est le seul capable de l'emporter sur Marine Le Pen et de gouverner la région, la gauche n'étant pas en situation de battre celle qui se réjouissait de l'élection de Tsipras en Grèce et dont on voit aujourd'hui ce que coûte la démagogie", affirme un expert électoral proche de lui. Le voilà donc lancé dans la bataille, taillant la route. Gérald Darmanin, qui est aussi proche de Nicolas Sarkozy, joue les directeurs de campagne et David Douillet fait la tournée des petits chefs d’entreprises de TPE-PME qui, selon un proche de l’ancien ministre, "votent FN parce que Sarko les a déçu". Un combat de longue haleine qui éloigne dangereusement le député  de l'Aisne du pavé parisien. D’ailleurs ses troupes reconnaissent qu’il n’a toujours levé aucune fond pour la future campagne de 2016. "On est focussé sur les régionales, la primaire viendra après", affirme-t-on.

"C’est vrai, il est concentré sur le Nord-Picardie, mais dans le même temps tout le territoire se maille de soutien, affirme une autre proche qui ajoute : beaucoup de gens qui ont fait un passage chez Bruno Le Maire viennent aujourd’hui chez nous".  Xavier Bertrand compte aussi sur ses relais au sein des instances des Républicains et notamment au bureau politique où siège Gérald Darmanin, David Douillet, Laurence Sailliet ou bien Sophie Gaugain. Mais alors qu’Alain Juppé, Bruno Le Maire, François Fillon et, bien sûr, Nicolas Sarkozy sont déjà en campagne et tentent de se démarquer les uns des autres, Xavier Bertrand ne s’exprime que rarement sur des thèmes nationaux. Certes son think tank, la Manufacture, travaille mais l’homme à la tête ailleurs. Le regard fixé entre Arras et Roubaix. A tel point que certains de ses soutiens commencent à penser que s’il est élu, il en restera là, ne se présentera pas à la primaire et jouira de son costume de président d’une future super-région qui fera de lui une sorte de gouverneur à la française. D’autant que le chantier qui l’attend, notamment la fusion des deux régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie s’annonce lourd à gérer.

D’autres, les plus proches, affirment qu'il ne se défilera pas et pensent que son statut de tombeur de Marine Le Pen lui permettra de rattraper son retard.  "Le début de la campagne des primaires va remettre les compteurs à zéro. Ils vont tous partir avec les mêmes chances, les gens vont écouter tout le monde de la même manière", affirme un membre du bureau politique des Républicains proche de l’ancien ministre. Ce dernier imagine, pour sa part et secrètement, qu’avoir affronté la future candidate à la présidentielle va même lui donner une longueur d’avance. Ce sont ses arguments à lui, son programme à lui, sa personnalité qui auront fait flancher Marine Le Pen, qui auront convaincu les électeurs de soutenir la droite. Il aime à penser que les sympathisants de droite ne l’oublieront pas en novembre 2016 lorsqu'il faudra choisir le candidat de la droite à la présidentielle et se diront : "Xavier Bertrand l'a éliminée dans le Nord, sans doute pourra-t-il réaliser l’exploit à Paris".

Le problème, c’est que ses troupes s’émoussent. Certaines font déjà des yeux doux à Nicolas Sarkozy qui a, pour l’heure, le pouvoir suprême d’attribuer des postes et même de commencer à réfléchir aux investitures pour les législatives. Il ne se prive pas d’ailleurs de soutenir les uns et les autres dans les circonscriptions qu'ils convoitent. Reste que, si Xavier Bertrand, après une victoire au mois de décembre, remontait dans les sondages, ses troupes hésitantes auraient tôt fait de le rallier à nouveau.

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