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Les Hispaniques vont-ils décider du prochain président américain ?
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Trans Amérique Express

Selon le recensement de 2010, il y a plus de 50 millions d’hispaniques aux Etats-Unis, soit 16% de la population. Cette communauté constitue donc un vivier considérable d'électeurs pour Barack Obama et Mitt Romney qui vient de remporter la primaire républicaine au Texas.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Les hispaniques détiennent une des clés de la Maison Blanche. La première minorité américaine, en plein boom démographique depuis quinze ans, peut faire basculer le scrutin dans plusieurs états déterminants et au plan national.

Ce mardi 29 mai, en remportant la primaire du Texas, avec 71% des voix, Mitt Romney a dépassé le seuil fatidique des 1144 délégués, nécessaires pour s’adjuger la nomination républicaine. L’événement est symbolique. Depuis le retrait des autres candidats cette nomination lui était acquise.

Du coup, malgré ses 155 délégués, le « Lone Star State », surnom du Texas, a voté dans une relative indifférence. Pourtant le Texas est l’Etat américain le plus vaste, après l’Alaska, et le plus peuplé et le plus riche, après la Californie. Il abrite deux des cinq plus grandes agglomérations américaines, Dallas-Fort Worth et Houston. Surtout, frontière avec le Mexique oblige, il concentre sur son sol une très importante communauté hispanique, près de 38% de sa population.

Les « hispaniques », ou « latinos », forment la communauté la plus courtisée de la saison électorale. Pour son dynamisme démographique et économique. Et parce ce que sa répartition géographique en fait un des arbitres de l’élection. 

En début d’année, Jeb Bush, frère cadet de l’ancien président et ex-gouverneur républicain de Floride, avait remarqué dans un éditorial au New York Times, que « dans quinze état clés (« swing states » en anglais), la communauté hispanique est plus importante que la marge susceptible de donner la victoire à l’un ou l’autre camp ». Conclusion le prochain locataire de la Maison Blanche pourrait être déterminé par la capacité des Républicains ou des Démocrates à se rallier cette communauté.

Les démocrates sont arrivés à la même conclusion… dès 2008. Durant la campagne, Obama avait dépensé cinq fois plus d’argent auprès des médias hispanophones. Ce qui lui avait permis de remporter 67% du vote hispanique, et des Etats importants comme la Floride, le Colorado, le Nouveau Mexique ou le Nvada, qui avaient voté républicain quatre ans plus tôt.

A présent qu’un nouveau scrutin approche, Obama ne manque pas une occasion de courtiser ce vote et caresser dans le sens du poil les représentants hispaniques. Après la « White House Hispanic Policy Conference » (première du genre) en juillet 2011, s’est tenu au mois de mars le « White House Hispanic Community Action Summit », également premier du genre. Sans parler des « Sommets régionaux » où la Maison Blanche, est allée, en grande pompe, à la rencontre de cette communauté… 

Au-delà de simples visées électoralistes, il y va de l’avenir des Etats-Unis. Car, à croire les projections démographiques, les hispaniques vont y tenir une place de plus en plus importante. 

Selon le recensement de 2010, il y a plus de 50 millions d’hispaniques aux Etats-Unis, soit 16% de la population. Clandestins inclus, leurs rangs dépassent les 60 millions. Ils représentent 50% de l’augmentation de population de la décennie écoulée, soit treize millions de personnes. En quinze ans leur nombre a progressé de 43%, contre seulement 1% pour la population blanche non-hispanique. Leurs rangs augmentent du fait de l’immigration et d’une forte natalité. Un hispanique sur trois a moins de 18 ans. C’est une communauté jeune. En 2050, ils pourraient être 130 millions soit 30% de la population d’alors.

Le terme « hispanique » donne toutefois une unité de façade à cette communauté où les particularismes sont nombreux. Les hispaniques se définissent d’ailleurs rarement comme tel. Ils préfèrent s’identifier à leur pays d’origine et se décrire comme « mexicain-américain », ou « cubain-américain » ou encore « colombien-américain ». Le véritable dénominateur commun étant l’espagnol comme langue maternelle.

La moitié des hispaniques réside dans trois Etats : la Californie, le Texas et la Floride. Là ils représentent entre 20% et 33% de l’électorat. Les autres Etats à forte présence hispanique sont le Nouveau Mexique ( 42% de l’électorat), l’Arizona, le Nevada, le Colorado, New York ou le New Jersey.

Récemment toutefois on les a vus apparaître dans des Etats, où ils n’étaient pas jusqu’à présent. En Caroline du Nord, par exemple, leurs rangs ont progressé de 110% en 10 ans. En 2008 Obama avait remporté cet état avec moins de quinze mille voix d’avance. Depuis, le nombre d’hispaniques inscrits sur les listes électorales a doublé, de 68 000 à 130 000. Ils peuvent à eux seuls faire la différence le 6 novembre prochain.

Traditionnellement les hispaniques votent plutôt démocrate. Six sur dix d’entre eux s’identifient à ce parti, et quatre au parti républicain. Issus d’une immigration récente, ils sont en général plus pauvres, moins éduqués et moins qualifiés que la moyenne des foyers américains. Le revenu moyen par foyer est de 30% inférieur à celui des foyers « blancs ». Le taux de pauvreté est deux fois plus élevé. Quatre sur dix ne terminent pas leurs études secondaires, contre un sur dix chez les « blancs ». Et plus d’un tiers n’ont pas d’assurance santé. Ils sont donc plus sensibles au discours « social » des démocrates.

Mais là encore, la généralisation est trompeuse. En Floride, les Cubains qui forment l’essentiel de cette communauté, sont marqués par l’anti-castrisme et l’anticommunisme. Ils s’identifient à une forte majorité aux Républicains.

Ardents défenseurs du rêve américain (comme l’immense majorité des immigrants venant aux Etats-Unis pour des motifs économiques) les Hispaniques sont animés par un très fort désir de réussite et une foi dans la « valeur du travail » (« work ethic » en anglais). La PME familiale est un outil économique essentiel à leur ascension social. Ils sont sensibles au climat des affaires et la santé de l’économie influe sur leur vote. Ce qui les rapproche des républicains.

Les hispaniques sont majoritairement catholiques, et donc plutôt conservateurs sur les sujets de société, avortement, mariage gay, etc. Quand le président Obama avait nommé la juge Sonia Sotomayor à la Cour Suprême des Etats-Unis, faisant d’elle la première femme hispanique à occuper un tel siège, elle n’avait reçu qu’un soutien timide de la communauté hispanique. Beaucoup jugeaient ses opinions trop à gauche.

En clair leur suffrage n’est acquis ni pour Obama, ni pour Romney.

Il demeure que leur représentation politique est largement inférieure à leur poids démographique. Sur les cents sénateurs américains, deux seulement sont hispaniques, un républicain, Marco Rubio de Floride, un démocrate, Bob Menendez du New Jersey. A la Chambre des représentants, on dénombre 24 hispaniques sur 435 membres. Au sein des Etats, cette représentation augmente en fonction des zones de concentration ethnique, mais reste faible.

Il en va de même de leur participation au processus électoral. A l’échelle nationale les Hispaniques ne représentent que 7% des votants. Soit 6,6 millions de personnes en 2010. Un chiffre inférieur de plus de la moitié à ce qu’il pourrait être.

C’est d’ailleurs ce qui explique qu’on les courtise tant. Il y a huit millions de voix à aller chercher. Encore plus demain quand les jeunes auront atteint l’âge de voter.

D’ores et déjà il existe vingt-quatre Etats où les hispaniques représentent 5% ou plus de la population en âge de voter. Soit plus que l’écart de voix qui séparent habituellement les candidats à la présidentielle.

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