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Victoire de Virginia Raggi à Rome : le populisme est-il devenu le seul moyen de ravir les métropoles à la gauche ?
©Reuters

Idée reçue

Alors que Virginia Raggi, candidate du Mouvement 5 Etoiles, a été élue maire de Rome, ce résultat électoral met de nouveau sous les projecteurs la montée indéniable des formations populistes en Europe. Un phénomène qui ne touche pas seulement les campagnes mais également les grandes villes, traditionnellement plus enclines à voter à gauche.

Raul  Magni Berton

Raul Magni Berton

Raul Magni Berton est professeur de sciences politiques. Il a enseigné à Paris, Montréal et Bordeaux et enseigne depuis 2009 à l’Institut d’Études politiques de Grenoble. Spécialiste de politique comparée, il travaille sur les régimes, les élections et l’opinion publique, surtout dans les pays européens. Il a publié plusieurs livres et articles dont Démocraties libérales (Economica, 2012) et Que pensent les penseurs ? (PUG, 2015).

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Atlantico : Ce lundi, Virginia Raggi, candidate de la formation populiste du Mouvement 5 Etoiles, a été élue maire de Rome. Alors que la sociologie des grandes villes (individus actifs, plutôt jeunes, intégrés dans la mondialisation) peut être considérée comme davantage favorable à la gauche traditionnellement, le recours à un discours plus "populiste" pourrait-il permettre à la droite de lui reprendre des grandes villes ?

Raul Magni-Berton : La définition du terme "populiste", à proprement parler, n'est elle-même pas claire. Pour certains, cela signifie "anti-élite" et, dans ce cas, ne peuvent tenir un tel discours que les outsiders de la politique, comme précisément Virginia Raggi à Rome. La droite traditionnelle ne peut tenir un discours anti-élite (sauf à se critiquer elle-même), en revanche le Front national et l'extrême gauche le font abondamment, et avec succès. Par ailleurs, si "populiste" signifie plus classiquement le fait de penser exprimer la "volonté du peuple", le Mouvement 5 étoiles est loin d'être populiste.  

Une autre partie de votre question porte sur les grandes villes. Il est vrai que, traditionnellement, les grandes villes sont plutôt de gauche. Cependant, elle sont aussi le lieu privilégié des premières victoires des nouveaux partis. A Rome et à Turin, le Mouvement 5 étoiles a gagné, tout comme les Espagnols de Podemos à Madrid. En Allemagne, le parti Pirate a fait son meilleur score à Berlin. Les villes françaises votent plus verts ou Front de gauche que les campagnes. En réalité, les partis traditionnels ont mis du temps, mais ils sont désormais bien implantés dans les campagnes, avec des sièges, des fédérations locales et une présence forte des partis. De leur côté, les nouveaux mouvements cherchent leurs succès là où il y a plus de monde à conquérir, donc en ville.  

Pour conclure, un discours plus ou moins "populiste" est assez secondaire. Le succès de Virginia Raggi à Rome est surtout celui d'un parti nouveau, anti-élite, qui a investi les centres urbains. Il reste inimitable, en France, sauf pour un mouvement de ce type qui n'est pas encore né. 

Dans son histoire, la gauche a souvent fait des grandes villes des bastions électoraux. Au regard de la défaite de Nathalie Kosciusko-Morizet à la tête de la ville de Paris, n'est-il pas illusoire, pour la droite, de penser pouvoir reprendre des grandes villes sur la base d'un discours modéré ? La transgression est-elle inévitable pour assurer un succès ?

Il est vrai que, dans le temps, l'électorat de gauche était ouvrier et athée (plutôt dans les villes) et l'électorat de droite davantage catholique et paysan (plutôt dans les campagnes). Mais cela n'est, depuis longtemps, plus aussi vrai. Depuis 1980, des villes comme Paris, Marseille ou Lyon ont été plus souvent dirigées par la droite que par la gauche. 

Par ailleurs, la gauche a souvent gagné ces villes avec un discours modéré, qui n'effraye pas les nombreux groupes de la population qui craignent des changements brutaux. 

Je ne crois donc pas que le secret réside dans un discours moins modéré, mais plutôt sur un échec des politiques de la gauche, comme cela est arrivé pour la droite il y a quelques années. 

Lors des dernières élections municipales, la participation a été moins importante à Paris que sur le reste du territoire, avec un écart de 5 points. La reconquête des grandes villes par la droite passe-t-elle par la remobilisation d'un électorat abstentionniste ? Un discours "populiste" est-il adapté à un tel dessein ?

Beaucoup de victoires électorales passent par la mobilisation de l'électorat. Mais dans le cas précis des élections municipales, cette entreprises est assez difficile à mener. Les municipalités ont de moins en moins de pouvoir au profit des métropoles, et les électeurs le savent fort bien. Dans les élections de moindre importance, les gens votent peu. L'élection du maire est devenue moins importante qu'avant, et il faut donc s'attendre à une baisse de la participation électorale. 

Un discours "populiste", dans le sens cette fois-ci de discours qui surestime les compétences du maire, peut servir. Mais le problème est qu'il faut fournir alors une histoire à laquelle les citoyens puissent croire, ce qui n'est pas facile.

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