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Valse des millions et fraude fiscal : le vrai match Messi-Ronaldo se joue surtout en dehors du terrain (et les résultats sont bien opaques)
©Gabriel BOUYS

Bonnes feuilles

Jamais dans l’histoire deux joueurs de ce niveau n’avaient évolué à la même époque, faisant exploser tous les records, rivalisant sans cesse pour faire valoir leur incroyable talent. Ce livre mesure leur impact respectif sur l’histoire du football et permet de comprendre qui de CR7 ou de Leo est le meilleur joueur du monde. Extrait de "Messi vs Ronaldo, qui est le meilleur ?" d'Alexandre Seban, aux éditions Solar (1/2).

Alexandre Seban

Alexandre Seban

Alexandre Seban est journaliste sportif, spécialiste du football. 

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Pour Cristiano Ronaldo – mais aussi pour Lionel Messi ne nous voilons pas la face –, obtenir plus que le concurrent légendaire est presque obsessionnel. Si le Portugais a toujours cherché l’augmentation pour dominer l’autre, le petit Argentin a dû y penser aussi (même si on a l’impression qu’il est moins obnubilé par son rival). Arrivé au FC Barcelone très jeune, son premier salaire lui rapportait 60 000 euros par mois, ce qui est quasi unique pour un talent potentiel. Il faut dire que la Pulga faisait déjà gagner toutes les catégories juniors du club. La suite de son aventure salariale a été bien résumée par le site internet sportune.fr dans un article de décembre 2017 :

Le phénomène s’est amplifié en 2005, il n’est encore qu’une pépite qui ne demande qu’à exploser. Il n’a encore rien gagné mais le Barça y croit durement et signe avec lui pour cinq ans, payés 3 millions d’euros la saison. Sa clause libératoire est alors fixée à 150 millions d’euros. L’Argentin n’ira pas jusqu’au terme, pour étendre une nouvelle fois son contrat, par deux fois consécutives : en 2007, pour un salaire porté à 7 millions d’euros, puis en 2008, pour 8,5 millions d’euros l’exercice. Proportionnellement à son salaire, la clause libératoire du joueur est relevée à 250 millions d’euros. Tout s’accélère encore, à l’issue de la saison 2008-2009, celle de tous les records du Barça de Guardiola, vainqueur du triplé championnat-Ligue des champions-Coupe d’Espagne. Messi est au top, il reçoit un nouveau bail de très longue durée, jusqu’en 2016 et franchit, pour la première fois, la barre des 10 millions d’euros la saison (10,50 M€). Puis 5 millions de plus, à 15,5 millions d’euros en 2012 pour l’extension la plus significative de sa carrière alors déjà bien chargée en titres et distinctions personnelles. […] À ce stade, Messi est lié aux Catalans jusqu’en 2018. […] Entre-temps, le quintuple Ballon d’Or a validé un nouveau contrat, actant une augmentation de son salaire de 15,5 à 22,8 millions d’euros, en gardant la même échéance, fixée à la fin de l’exercice 2017-2018.

Enfin, au dernier trimestre 2017, tout sourire, Leo et son président, Josep Maria Bartomeu, signaient un nouveau contrat pour un montant qui avoisinait, primes comprises, les 40 millions d’euros net d’impôts. Un record.

Mais en réalité le roi Leo n’a pas reçu une simple revalorisation. En janvier 2018, le site Mediapart, via les Football Leaks, a révélé l’histoire secrète des négociations du big boss avec son club depuis 2013. Et la famille Messi a su tirer profit du talent extraordinaire et reconnu du fiston pour faire monter les enchères. Cette année-là, le clan Messi cherche à faire évoluer à la hausse le salaire de celui qui est devenu le meilleur joueur du monde pour la quatrième fois en 2013. N’en déplaise à Cristiano, les dirigeants de son club du Real Madrid souhaitaient attirer coûte que coûte l’enfant prodige de Rosario. En fait, l’avocat des Messi s’est entretenu avec le Real pour discuter d’une proposition, pharaonique pour l’époque, de 23 millions d’euros de salaire. On l’a dit plus haut, CR7 n’a réussi à obtenir « que » 17 millions en 2013. On est loin des 23 promis à la Pulga. Pis, Lionel Messi aurait lui touché 20 millions de plus par an en guise de prime et n’aurait pas lâché 1 % de ses droits d’image rompant ainsi avec la tradition du Real, qui a d’ailleurs obligé Cristiano à en céder 40 %. Enfin, le Real était prêt à débourser les 250 millions de la clause libératoire du joueur. En somme, pour Messi tout était permis. Et même faire partir Cristiano en cas de signature du célèbre numéro 10. Le talent, vous dis-je, le talent…

Et ce n’est pas terminé. Car on avait laissé Messi à ses 40 M€ fin 2017. Une erreur, nous disent les Football Leaks. En réalité, la négociation fut plus serrée et démesurée. C’est carrément 100 M€ brut de salaire qu’aurait obtenu El Enano du Barça. Un article du journal L’Équipe, daté de janvier 2018, nous explique ceci :

Dans le détail, les Football Leaks révèlent que Messi touche un revenu fixe de 71 M€ brut par an (dont 15 % en droits à l’image). S’ajoutent une prime à la signature (63,50 M€) et un « bonus de loyauté » s’il ne part pas avant la fin de son contrat (70 M€). Au total, la barre des 100 M€ annuels est dépassée : 104 M€ […]. De nombreux bonus sont intégrés à la rémunération, dans des propositions en rapport avec le statut de la star. Exemple : s’il joue 60 % des matches du club dans l’année, 1,90 M€ tombe dans son escarcelle. Une victoire en Ligue des champions lui rapporterait 12 M€ de plus. Mis au bout de son salaire, tous ces bonus peuvent représenter des revenus annuels totaux de 122 M€.

Si au Real on ne souhaite pas plus que cela voir Cristiano y finir sa carrière, à l’inverse, à Barcelone on s’interdit de risquer de voir les exploits de Leo à la télévision sous les couleurs d’un autre club. Il est un enfant du club et rien ne sera jamais trop beau pour lui. D’ailleurs, les socios ne se sont pas (ou pas beaucoup) plaints du contrat digne d’un acteur américain. En revanche, à Madrid, les simagrées du Portugais commenceraient sérieusement à faire grincer des dents. Selon As (quotidien pro-Real) qui a effectué un sondage auprès de plus de 125 000 personnes, 67 % des votants verraient d’un bon œil le départ du quintuple Ballon d’Or. On n’est moins attaché à Cristiano à Madrid qu’à Leo à Barcelone.

Tous deux responsables mais pas coupables de fraude fiscale

Évidemment, les deux stars de la Liga ne se sont pas liguées contre le système fiscal espagnol. Il est pourtant amusant de constater que sur ce terrain-là aussi, la Pulga et CR7 jouent des coudes. Ici, on parle bien de détournement de fonds destinés au bien de la collectivité nationale. Messi a pris un peu d’avance en ce domaine et s’est confronté le premier aux questions des juges ibères. Et en mai 2017, la Cour suprême espagnole a confirmé sa condamnation pour fraude fiscale, comme l’explique très bien l’AFP dans une dépêche parue à l’époque :

Le footballeur argentin et son père ont été condamnés quelques mois auparavant à 21 mois de prison pour une fraude portant sur 4,16 millions d’euros provenant des droits à l’image perçus entre 2007 et 2009 à travers un réseau complexe de sociétés. La peine de prison n’avait pas été exécutée, comme c’est en général le cas en Espagne pour les condamnations inférieures à deux ans, d’autant que les deux hommes n’ont pas de casier judiciaire. La Cour a également confirmé l’amende de 2,1 M€ infligée au footballeur de 29 ans. Elle a en revanche revu à la baisse la peine de prison de son père, à quinze mois contre vingt et un initialement, et son amende à 1,3 M€ contre 1,6 M€, estimant que le remboursement rapide par son fils de la somme due au fisc espagnol constituait une circonstance atténuante. Entre 2007 et 2009, Messi avait signé des contrats avec Adidas, Pepsi ou Danone, mais jamais à titre personnel, utilisant des sociétés-écrans. Le tribunal a considéré qu’il était prouvé que les deux hommes avaient monté un réseau de sociétés-écrans au Royaume-Uni, en Suisse, au Belize et en Uruguay pour percevoir les droits à l’image du footballeur sans les déclarer au fisc. Lors de son procès, le quintuple Ballon d’Or avait affirmé s’être concentré sur le football et tout ignorer des contrats signés et de la manière dont sa fortune était gérée. Comme en première instance, le tribunal n’a pas été convaincu par l’argument, estimant « qu’il n’est pas logique que celui qui gagne des revenus importants ignore qu’il doit payer des impôts dessus ».

Lionel Messi s’en sort avec une amende et une peine de prison qu’il n’effectuera pas.

Pour Cristiano Ronaldo, en revanche, la situation reste encore en suspens. Le fisc lui réclame plus de 14 M€ dissimulés aux impôts à travers plusieurs montages financiers dans des paradis fiscaux, et dans le cadre de cette enquête, il a été entendu par la juge Monica Gomez Ferrer le 31 juillet 2017. Le journal portugais Correio de Manha s’est procuré des extraits de l’entretien entre la star madrilène et la juge, révé- lant notamment la défense avancée par CR7. Comme Messi, Cristiano joue la carte de la bonne foi et assure tomber des nues devant les faits qui lui sont reprochés. Selon l’international portugais, il n’était au courant de rien, n’a pas les compétences pour étudier ou monter tout cela, et avait surtout transmis la consigne à ses conseillers de ne jamais rien faire d’illégal. « Je ne comprends pas grand-chose à tout cela, j’ai quitté l’école en sixième et tout ce que je sais faire, c’est jouer au football. En Angleterre, j’ai tout payé toujours et je vous regarde dans les yeux et vous dis la vérité. J’ai toujours dit aux gens qui travaillent pour moi de ne jamais rien cacher. Si l’on perçoit un bon salaire, on doit payer. J’ai toujours dit à ces personnes-là de ne rien faire de stupide. J’ai payé en 2014 et je leur ai dit que si nous devions payer plus, nous en paierions plus. Je ne veux pas avoir de problèmes, je veux juste me concentrer sur le football », a confié Cristiano Ronaldo, qui a déploré que le fisc espagnol se serve surtout de son nom pour l’ exemple afin de faire peur à ceux qui seraient tentés de cacher leurs revenus. Et au passage, l’attaquant du Real Madrid a bien confié à la juge qu’il « aimerait retourner en Angleterre » en voyant le traitement qui lui était réservé en Espagne.

Extrait de "Messi vs Ronaldo, qui est le meilleur ?" d'Alexandre Seban, aux éditions Solar 

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