Valérie Boyer : "Le gouvernement nous doit plus d’informations sur le nombre d’attaques au couteau dans le pays"<!-- --> | Atlantico.fr
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Quels sont les principaux chantiers à entreprendre pour que les attaques au couteau diminuent ?
Quels sont les principaux chantiers à entreprendre pour que les attaques au couteau diminuent ?
©Thomas SAMSON / AFP

Hausse des agressions

Les attaques à l’arme blanche se multiplient en France. Depuis plusieurs années, Valérie Boyer, sénatrice LR des Bouches-du-Rhône, interpelle le gouvernement sur la recrudescence de ce phénomène. Quelles sont les solutions et les mesures à adopter pour endiguer ce fléau ?

Valérie Boyer

Valérie Boyer

Valérie Boyer est sénatrice LR des Bouches-du-Rhône et conseillère municipale de Marseille.

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Atlantico : Depuis 2020, vous interpellez le Gouvernement sur la recrudescence des attaques au couteau dans notre pays à travers des questions écrites. Alors que les médias se font l'écho d'une recrudescence d'attaques, la situation s’est-elle dégradée depuis votre première alerte ? Avons-nous les moyens de le savoir ?

Valérie Boyer : En l’état actuel des choses, je ne peux qu’observer les faits relayés par la presse, notamment la presse quotidienne régionale à la rubrique « faits divers ».

À Angers, dans la nuit du 15 au 16 juillet, trois jeunes ont été tués au couteau. Après être intervenus pour défendre une jeune fille victime d'agression sexuelle, ces trois jeunes, dont un était mineur, ont été tués par un réfugié soudanais armé d'un couteau de boucher.

La veille, un sans-abri était tué au couteau à Amiens, par deux Tunisiens en situation irrégulière.

Pour la journée du 14 juillet 2022, à Amiens, un homme de 23 ans a été tué d’un coup de couteau au thorax par un SDF de 25 ans. Selon la presse, il s’agirait d’une querelle autour d’un portable entre deux Tunisiens en situation irrégulière.

Dans la Drôme, un homme de 37 ans a également été tué en pleine rue de trois coups de couteau.

À Metz, un homme de 22 ans a été mortellement touché, à la suite d’une rixe. Le 15 juillet, la police devait intervenir pour une agression similaire à Toulouse (Haute-Garonne).

Le 11 juillet à Montpellier, une femme de 46 ans, qui marchait en compagnie de sa sœur, a été poignardée. L’agresseur serait un Érythréen en situation irrégulière sur le territoire.

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Et comment ne pas évoquer la journée du 10 mai à Marseille, où Alban Gervaise, ce médecin militaire a été égorgé « au nom de Dieu » (pour reprendre les mots des autorités) devant ses enfants de 3 et 7 ans, à la sortie de l’école, dans une indifférence presque générale et le silence assourdissant du Gouvernement ?

La police et la gendarmerie ont du mal à apporter aujourd’hui des données précises. En effet, seuls les vols avec des armes blanches sont comptabilisés de manière spécifique  dans le fichier « état 4001 » ou lorsqu’il y a la certitude que nous sommes face à une attaque terroriste.

Ce que nous savons remonte à la dernière étude de novembre 2019 de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). De plus, elle repose sur les données de l’INSEE publiées entre l’année 2015 à 2017, sur les « violences physiques hors ménage ». Nous y apprenions qu’en moyenne, chaque année, le nombre de victimes d’agressions à l’arme blanche était de 44 000 (sur 118 000 faits de violences avec armes). C’est 120 victimes par jour pour des données déjà anciennes.

Depuis nous n’avons aucune statistique, ni d’analyses, mais certaines autorités, notamment le préfet de l’Hérault, évoquent dans un article du « Figaro » du 17 juillet 2022 : « un phénomène qui s’aggrave ». C’est ce que je constate également sur mon territoire dans les Bouches-du-Rhône, notamment à Marseille où, selon la presse (car nous n’avons pas d’autres sources d’information), déjà neuf personnes sont décédées des suites d’attaques à l’arme blanche.

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Vous avez alerté plusieurs fois le gouvernement sur le sujet par des questions écrites, restées sans réponse, est-ce le signe que le gouvernement ne s'occupe pas de ce sujet ?

Il est vrai que mes premières interpellations écrites remontent à 2020 mais j’alerte l’Etat depuis bien plus longtemps.

Comme évoqué précédemment, les dernières données avaient été publiées par l’ONDRP. En effet, cet organisme avait pour mission de produire et de diffuser des statistiques sur la criminalité et la délinquance.

Pourtant le Gouvernement a décidé en octobre 2019, de le supprimer, à compter de 2021. Alors que nous avions des données fiables car établies par un organisme indépendant, nous ne savons toujours pas pourquoi cet observatoire a été supprimé, ni les mesures que le Ministre de l’Intérieur compte prendre pour garantir la continuité et la transparence des chiffres sur la délinquance.

Le Ministère de l’Intérieur qui a répondu à la presse sans prendre la peine de me répondre depuis deux ans, considère également que « la taille de l'échantillon de l'enquête sur les attaques à l’arme blanche ne permet pas de produire de statistiques annuelles suffisamment robustes pour décrire ce phénomène ». Malheureusement 120 attaques à l’arme blanche par jour me semblent, hélas, un échantillon important. Lorsque j’interpelle le Ministre de l’Intérieur, mes questions sont renvoyées au Garde des Sceaux et inversement.

Alors que nous sommes face à un Gouvernement, notamment notre Ministre de l’Intérieur qui a minimisé les débordements du Stade de France, en ayant une conception particulière de la vérité, qui a qualifié les questions des sénateurs de « nauséabondes », a prétendu par la suite qu’il n’avait pas les informations, comment les Français peuvent-ils aujourd’hui avoir confiance ?

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Comment avoir confiance lorsque pendant les élections législatives à Marseille, des soutiens du Président de la République se vantaient, auprès des Marseillais (pour obtenir leurs voix) d’avoir empêché la fermeture d’un commissariat (celui du 11e arrondissement), alors qu’à ma connaissance il n’en a jamais été question ?

Face à un Garde des Sceaux qui déclare en 2020 que « la France n’est pas un coupe-gorge » ?

Comment avoir confiance en un Gouvernement qui ne répond que par le mépris, l’indifférence ou l’insulte ?

Quelles sont les principales actions à mener selon vous ? Et les principaux chantiers à entreprendre ?  Que proposez-vous pour que ces attaques diminuent ?

J’ai demandé une mission d'information au Sénat. En effet, je crois que nous devons obtenir davantage d'informations et avoir des analyses sur ces attaques à l'arme blanche et sur les agresseurs sous forme d'une cartographie détaillée et précise. Il semblerait qu'il faille également étoffer cette cartographie par une monographie, en y ajoutant le profil des agresseurs (âge, nationalité, motifs, antécédents judiciaires et psychologiques…) et des victimes (âge, nationalité, relations avec l'agresseur, circonstances…) afin de pouvoir établir un plan d'actions et éviter que ces attaques se poursuivent et se multiplient.

La représentation nationale doit connaître précisément quelle est la cartographie de cette violence pour en tirer les enseignements. Enfin, nous pourrions pouvoir comparer ces attaques avec les attaques des années précédentes afin d'établir s'il y a bel et bien une augmentation de ce format de violence en France, et dans quelles proportions.

Mais de manière générale, je réitère les propositions que nous portons avec Les Républicains et qui ont toujours été rejetées par le Gouvernement : donner aux forces de l’ordre les moyens de faire leur travail avec un grand plan de réarmement régalien de 25 milliards d’euros sur 5 ans pour moderniser les équipements ; construire 20 000 places de prison supplémentaires en diversifiant les prisons selon le degré de dangerosité des détenus ; renforcer la sécurité dans les écoles en permettant l’intervention des membres de la réserve civile de la police nationale aux abords et au sein des établissements sur demande du proviseur ; suspendre les allocations familiales pour les parents de mineurs délinquants récidivistes ; poursuivre l’effort de rattrapage du budget de la Justice à hauteur de 3 milliards d’euros pour lui donner les moyens de poursuivre et sanctionner tous les délits et les crimes ; instaurer des peines minimales de privation de liberté pour les récidivistes et les individus commettant des violences contre ceux qui nous protègent (les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers, les policiers municipaux ou les agents des douanes) ; supprimer les réductions de peine quasi-automatiques ; durcir la justice des mineurs dès le premier délit et augmenter les places en Centres éducatifs fermés.

Et bien sûr ce que nous réclamons depuis des années sous les quolibets de la gauche et de la Macronie, nous devons expulser tous les étrangers qui représentent une menace pour notre pays et tous les étrangers délinquants. D’ailleurs, selon un sondage de l'Institut CSA du 13 juillet 2022, plus de sept Français sur dix (72 %) souhaitent que les étrangers condamnés en France pour des crimes et délits exécutent leur peine dans leur pays d'origine. Je me félicite de voir que le Ministre de l’Intérieur s’empare aujourd’hui de cette mesure alors qu’il s’y est toujours opposé aux côtés du Garde des Sceaux.

Y-a-t-il, à l'étranger, des modèles dont il pourrait être bon de s'inspirer pour faire face à ces attaques au couteau en France ?

Justement c’est ce que je souhaite savoir grâce à une mission d’information au Sénat. J’ai évoqué avec vous quelques pistes de réformes assez générales mais avant de formuler des recommandations plus précises face à cette hausse probable des attaques à l’arme blanche je souhaite pouvoir auditionner des experts, notamment des criminologues français et étrangers. Je souhaite que nous fassions, comme souvent au Parlement, notamment à la commission des lois du Sénat sous la Présidence de mon collègue François-Noël Buffet, un véritable travail de fond. J’avais par exemple effectué ce travail à l’Assemblée nationale sur le financement du terrorisme. Je sais que certains responsables politiques ne sont pas favorables à la publication de rapports et d’enquêtes, mais ce travail est pour moi essentiel. Il fait partie de la mission de contrôle du Parlement. Nous le devons au Français.

Alors que par le passé, ces attaques au couteau étaient très souvent liées au terrorisme islamique, elles sont désormais relayées à la rubrique des « faits divers ». Nous lisons toujours les mêmes mots : « rixes », « déséquilibrés », « acte isolé » ... Toujours le silence de l’Etat alors que nous sommes face à ce qui pourrait s’apparenter à un véritable phénomène de société. Mais nous avons besoin de l’étudier pour l’objectiver.

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