Vaccin contre le Covid : comment refaire de la France un environnement propice à la recherche <!-- --> | Atlantico.fr
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L'Etat français est-il capable de créer les conditions optimales de la recherche ?
L'Etat français est-il capable de créer les conditions optimales de la recherche ?
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Investissements

La France a longtemps été l'un des grands pays de la recherche médicale. Depuis plusieurs années, son industrie pharmaceutique est pourtant en perte de vitesse. La France a les cartes en main pour rattraper son retard.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Pour l'heure, grâce à la globalisation nous pouvons choisir le meilleur vaccin pour la Covid-19, le meilleur antiviral, le meilleur antiviral respiratoire et l'anticorps monoclonal le plus efficace. Je concède que nous nous servons peu des antiviraux mais chacun prend son risque. Si les patients ne demandent pas un traitement et que certains médecins ne prescrivent pas du Paxlovid il n’est plus possible de faire plus. La Covid-19 est devenue une maladie virale curable.

Nous aurons bientôt un vaccin à double ARN messager et ensuite peut être un vaccin nasal. La leçon à retenir, si nous voulons que la France embarque dans la biotechnologie, c’est que la recette est connue et certains pays européens l’appliquent. Si nous voulons plus d'État, d’administration, de régulation, de taxes et aucune prise de risque nous n’y arriverons pas. Les Français doivent pouvoir choisir. La médecine, la science et l'innovation biotechnologique doivent être indépendantes de l'État. L'État doit s’occuper fermement du contrôle des diplômes et du respect de l'enseignement continu pour les soignants. Il doit vérifier que les labos de recherche sont conformes aux normes extraordinaires qui sont en vigueur. Il doit maintenir prêtes à fonctionner les structures de santé publique activables en cas d’urgence. Il doit enfin configurer sa politique fiscale pour que les inventeurs restent en France avec leur actif social. C’est tout et c’est déjà beaucoup. On s’en est aperçu pendant la Covid-19.

LE VACCIN A ARN MESSAGER, UN EXPLOIT THERAPEUTIQUE SANS PRECEDENT  

La découverte, la mise au point et la production des vaccins à ARN messager est un exploit sans précédent qui a permis de sauver des millions de vie avec une efficience et une sécurité vaccinales inégalées. Il faut mettre des images sur les millilitres de vaccin que nous recevons lors de l’injection. Il faut expliquer ce que la biologie moléculaire est devenue, une thérapeutique vaccinale précise qui a bloqué une pandémie, sauvé entre 15 et 19 millions de vie pendant la première année de la vaccination. Quelle est cette avancée?

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L'efficacité est le degré auquel un vaccin prévient la maladie, les décès et la transmission, dans des circonstances idéales et contrôlées c’est à dire en comparant dans un essai clinique un groupe vacciné à un groupe placebo choisi au hasard (RCT). L'efficience, quant à elle, fait référence à ses performances dans le monde réel telles qu’observées dans différentes populations.


C’est une thérapeutique précise. L’ARN messager du vaccin Pfizer/BioNTech est décrit dans le haut de la Figure N°1. La séquence des bases au-dessous. Un concentré de décennies de recherches dans plusieurs domaines. Cette thérapeutique est basée sur plusieurs innovations.

Figure N°1: En haut : Éléments de conception dans l’ARNm thérapeutique, qu’il s’agisse de vaccins contre les maladies infectieuses ou bien contre le cancer. En bas : Séquence du vaccin ARNm COVID-19 tozinameran (BNT162b2) de Pfizer/BioNTech. Vert : 5′-cap. Jaune : séquences 5′- et 3′-UTR. Bleu : Séquence codante de la glycoprotéine Spike du SARS-CoV-2. Rouge : queue poly(A) segmentée. La conception rapide de ces vaccins a été célébrée à juste titre. Cependant, il est important de rejeter le récit selon lequel ce processus a été précipité, ce qui peut inviter au scepticisme. Chacun des éléments ci-dessus était un choix hautement intentionnel qui, dans de nombreux cas, reflète des décennies de recherche fondamentale dans le domaine de la biologie de l'ARN.

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Il faut immédiatement noter la modification qui semble essentielle dans la structure de l’ARN messager vaccinal, le remplacement de l’Uridine par la pseudo-Uridine (Figure N°2). Ainsi l’ARN messenger produit une réponse vaccinale plus immunogène, moins inflammatoire et pourvoyeuse de plus d’anticorps neutralisants.

Figure N°2: Reconnaissance cellulaire et conséquences cliniques de l'utilisation d'ARNm non modifié et modifié dans les vaccins.

Comme le montre le panneau A, l'ARN messager (ARNm) non modifié introduit dans la cellule engage les récepteurs de reconnaissance de formes endosomales et cytosoliques pour induire la mort cellulaire ou une réponse inflammatoire. De plus, la reconnaissance de l'ARNm non modifié par la protéine kinase R arrête la synthèse des protéines et réduit l'expression de l'antigène. Les vaccins contenant de l'ARNm non modifié présentent une réactogénicité accrue, une fenêtre thérapeutique étroite et une immunogénicité réduite. Comme le montre le panneau B, l'ARNm qui a été modifié par l'ajout de pseudouridine (cf l’article précédent:)n'engage pas les récepteurs de reconnaissance de formes intracellulaires et cytosoliques et montre une inflammation et une mort cellulaire réduites. L'incapacité de l'ARNm modifié à activer la protéine kinase R entraîne une expression continue de la protéine et une forte immunogénicité. En clinique, les vaccins contenant de l'ARNm modifié présentent moins de réactogénicité, une fenêtre thérapeutique plus large et une immunogénicité améliorée, par rapport aux vaccins contenant de l'ARNm non modifié. (IRF: facteur régulateur de l'interféron, NF: facteur nucléaire, RIG-I: protéine du gène I inductible par l'acide rétinoïque et TLR: récepteur de type péage).

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Le futur de l’ARN messager en thérapeutique humaine est probablement très riche au moins dans deux domaines, la vaccinologie et l’immunothérapie du cancer. La technologie de production de cet acide nucléique pourrait connaître des transformations disruptives qui diminueront le coût et permettront de délivrer une médecine de précision personnalisée. En 2017 Craig Venter et son équipe ont publié une innovation technologique qui permet de produire des molécules biologiques à partir d’un codage digital sans intervention humaine. Plus précisément, des matrices d'ADN, des molécules d'ARN, des protéines et des particules virales ont été produites de manière automatisée à partir de séquences d'ADN transmises numériquement sans travail humain. Les étapes suivantes sont déjà en train de se produire il s’agit de la biologie de synthèse d’êtres vivants à partir d’un métavers numérique.

L'ETAT FRANCAIS EST-IL CAPABLE DE CREER LES CONDITIONS OPTIMALES DE LA RECHERCHE SANS LA STERILISER ?

Quel est le diagnostic?

L’évolution des résultats de la recherche en France c'est-à-dire notre capacité à innover est en progression d’après le Global Innovation Index, en 2017 - 15ème et en 2021 - 11ème (Figure N°3). Il est intéressant de s’attacher à analyser plus en détails ce résultat. Classée à la 11ème place, la France est devancée par la Suisse, la Suède, les USA, le RU, la république de Corée, la Finlande, les Pays Bas, Singapour, le Danemark et l’Allemagne. En ce qui concerne les détails de ce résultat on peut remarquer que les classements les plus péjoratifs sont observés dans les domaines où, en France, l’état a un poids disproportionné:

-Éducation: toute la chaîne est concernée, ce phénomène est inquiétant car il traduit une détérioration.

-Attractivité des investissements étrangers: la fiscalité des dividendes mais aussi des ventes d’actifs est en cause.

-Facilité d’accès au crédit: c’est à la fois la prise de risque par les banques et aussi les aspects fiscaux.

-Formation de capital: la formation brute de capital fixe est l'agrégat qui mesure, en comptabilité nationale, l'investissement en capital fixe des différents agents économiques résidents.

Figure N°3: le Global Innovation Index, un classement détaillé utile pour comprendre l’écosystème de l’innovation dans chaque pays.

En revanche, les investissements étrangers connaissent une évolution très chaotique (Figure n°4). Deux modifications au mécanisme de filtrage des ventes d’entreprise sensible ont été annoncées le 29 avril 2019:

-Inclusion des biotechnologies dans la liste des technologies critiques soumises au screening avant accord d el’état pour d’éventuelles cessions.

-Abaissement du seuil de 25% à 10% déclenchant le screening pour les sociétés cotées sensibles.

Il reste à évaluer les conséquences de ces décisions.

Figure N°4: Investissements étrangers directs en % du PIB

Ainsi la réponse à la question posée est nuancée. L’état est en train de se rendre compte que l’importance de l’innovation en biologie doit être comprise au sens d’une activité économique complète. Il ne suffit pas d’avoir des idées novatrices, de trouver des solutions nouvelles, il faut en faire une filière industrielle. Il y a des risques élevés chaque fois que le financement concerne une innovation et en France la part de l’investissement privé est trop faible. Il est nécesssaire que l'État améliore l’écosystème pour ce qui relève de la loi, de la fiscalité, de l’apprentissage et de l’enseignement.

La technocratie semble négliger les solutions de marché 

Une note du Conseil d’analyse économique, « Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français ? », pointe une série de dysfonctionnements dans le domaine pharmaceutique, qui auraient fait perdre à cette industrie des places dans la course internationale à l’innovation. Des initiatives récentes comme la Loi pour la recherche et le 4ème volet du Programme investissement avenir (PIA) prétendent répondre à un seul aspect de ces dysfonctionnements: un hypothétique déficit de financement de la recherche. En réalité, tous les autres aspects sont insuffisamment analysés et traités.

Des assertions sans preuve

Ce rapport est très curieux. Dès l’introduction les auteurs parlent d’un échec Français. Ils décrivent une réalité changeante : “Dans le même temps, l’organisation de l’innovation pharmaceutique et son financement ont aussi évolué, faisant émerger aux côtés des grandes entreprises établies, des start-ups et des petites entreprises et faisant essentiellement reposer l’innovation sur la recherche académique et les spin-offs universitaires.”. Au lieu de poser la question de savoir pourquoi ce changement n’a pas été “surfé” par nos institutions de recherche et nos Universités , les auteurs poursuivent: “Dans ce nouveau paysage, la France accuse un retard important, notamment du fait de l’insuffisance des financements publics alloués à la recherche et à l’écosystème d’innovations. Nous recommandons une augmentation des fonds publics alloués à la recherche fondamentale et la poursuite des efforts visant à renforcer les collaborations entre les universités et les jeunes entreprises.”. Autrement dit, au lieu de formuler l’hypothèse et donc de la tester selon laquelle ce serait un problème de sous et non d’organisation et de compétition les auteurs affirment sans preuve qu’il faut augmenter les fonds alloués à la recherche et uniquement des fonds d’origine publique.

Le benchmark européen

​​Dans un plaidoyer pour développer les fonds de recherche privés, J.L. Kraus constate que les fondations privées de recherche biomédicale n’ont pas en France la place qu’elles ont aux USA ou au RU. C’est exact et cela relève surtout du politique car il faut à ces fondations privées un cadre fiscal qui permet d’atteindre la taille critique en termes de capital. Chez nos voisins Britanniques le Wellcome Trust est un exemple de cette recherche biomédicale alimentée par des donations privées ou d’entreprises. Ces fondations contribuent à faire des choix avisés dans l’allocation des ressources. La France compte soixante-sept universités et quatre grands organismes de recherche, CNRS, Inserm, INRA, CEA et quelques autres agences de recherche plus petites. La recherche publique et académique française dans le secteur de la chimie comprend environ entre cent-cinquante et deux cents équipes de recherche. Le financement de la recherche dans ces structures est massivement public. Il faut diversifier d’abord parce que c’est un des moyens les plus sûrs de financer les innovations disruptives

S’agissant de la collaboration université-jeunes entreprises le rapport plaide pour des spin off. C’est méconnaitre l’extrême complexité de ces scissions qui sont en fait des naissances à partir d’un incubateur académique. En dépit des évolutions, le statut des Universités est plus proche d’une administration que d’une entreprise à but non commercial. Les difficultés sont essenteillement à ce niveau.

Figure N°5 Spin off ou scission d’entreprise. La question c’est que l’entreprise mère doit être solide ou au moins avoir un fort potentiel à placer dans une des sociétés filles sans se saborder… S’agissant d’une Université mère c’est plus compliqué en raison du statut des universités en France.

Les RCTs (essais cliniques randomisés) sont incontournables mais pourtant trop peu nombreux par rapport aux essais observationnels

La suite est marquée d’une grande approximation: “Nous recommandons également de réserver les financements publics aux essais cliniques avec des normes élevées de preuve scientifique.”. Auto-centrés sur les financements publics les auteurs veulent régenter les essais cliniques en inventant le concept très technocratique de “normes élevées de preuve scientifique”. Cela s’appelle ne pas appeler un chat un chat. Ce qui pose problème en France c’est que les essais cliniques randomisés en double aveugle sont peu nombreux et que les articles à leur sujet paraissent dans des journaux d’impact de moyenne gamme. Il y a des raisons structurelles et culturelles. Mais ne pas nommer ce gaspillage de moyens qui conduit à faire de la science au rabais avec des études observationnelles ou de comparaison de cohortes est un problème pour ce rapport. Par exemple, dans la Covid-19 nous avons été incapables de déterminer l'efficacité des médicaments proposés pour traiter les différentes formes cliniques de la maladie. Par exemple, ce qui est sérieux et inquiétant ce n’est pas que l’hydroxychloroquine ait été prescrite sans preuve, c’est que les CHU et les CHG de grande taille n’ait pas réussi à réaliser et publier un RCT impeccable pour établir hors de tout doute raisonnable que l’hydroxychloroquine ne réduisait ni la mortalité ni les formes graves de la Covid-19. C’est finalement les Britanniques et le NHS qui le firent. Disons le donc clairement il faut embarquer dans des essais cliniques capables de trancher les questions de causalité c’est à dire des RCTs ou des essais de randomisation mendélienne. Contrairement aux affirmations de certains, y compris dans le milieu académique les RCTs ne sont pas une perte de temps, ne sont pas longs à réaliser, ne sont pas éthiquement discutables, c’est le contraire. Mais ce qui dérange c’est qu’ils mettent un terme à cette médecine d’opinion qui a fait flores en France avant et pendant la pandémie. Cet onbstacle culturel est facile à lever. La omination à vie représente le blocage culturel en empêchant le renouvellement des individus et leur rotation y compris le recrutement d’autres européens.

La litanie du manque de moyens: un déni de réalité?

Développer un médicament coûte très cher en raison des enjeux: recherche expérimentale longue, essais cliniques très coûteux, réglementations extrêmement fortes, risque élevé d'échec. En revanche il existe des gains potentiels importants, grâce aux assurances maladie la prise en charge totale ou partielle assure un marché important qui peut faire naître un blockbuster, la réussite d’un médicament valorise la marque et d’autres molécules peuvent être mises au point grâce au cash flow y compris dans d’autres domaines.

Les dépenses de recherche et développement (R&D) en France (Figure N°5)

Ces dépenses ont connu une stagnation tout à fait injustifiable de 2012 à 2017. En effet, dans le même temps, la dépense publique totale et les dépenses sociales ont fortement progressé (Figure N°6). Ce fut un choix très préjudiciable à la compétitivité de la France. Est-ce pour autant l’explication? 

Figure N°5: a) Dépenses publiques de recherche et développement d’après l’OCDE de 2012 à 2021 dans 4 pays. b) Comparaison France/Allemagne. Ce graphique et le tableau mettent en évidence que les résultats des investissements en R&D dépendent de la performance intrinsèque des institutions. Le Royaume Uni a une production scientifique remarquable pour une dépense publique plus faible que la nôtre. En revanche, il est extrêmement préoccupant de voir combien la dépense publique de R&D a été stoppée de 2012 à 2017. Sans modifier la fiscalité des fonds de recherche privés, stopper aussi longtemps la croissance de la dépense publique de R&D est risqué.

Force est de constater que les gouvernements successifs ont fait, depuis des décennies, des choix non productifs en termes de R&D et d’innovation ou bien en termes de tissu industriel. Dans le même temps ces gouvrnements ont vendu aux Français des réformes sur le temps de travail, la protection sociale qui ont renchérit les couts de production à un point tel que nos médicaments ne sont pratiquement plus fabriqués en Europe. L’illusion d’un équilibre entre les productions de haute valeur ajoutée en France et les productions massives en Chine a fonctionné essenteillement pour des raisons politiques et démagogiques. Nous voilà démunis de chaine de production et dépassés par les universités chinoises (5 universités Françaises contre 8 Chinoises dans les cent premières du classement de Shangai…).

Figure N°6 : Il est curieux de préconiser des solutions qui non seulement sont impossibles à réaliser mais surtout sont  l’envers de tout bon sens. Notre dépense publique présente deux caractéristiques, elle est la plus élevée de l’OCDE et de l’UE et elle n’est plus maîtrisée. Il est vital pour la France de se tourner vers l’investissement privé et de maîtriser ses prélèvements obligatoires et sa dépense publique.

LES BASES DE LA RENAISSANCE APRES CETTE MAUVAISE PASSE DE LA PANDEMIE 

Les solutions sont structurelles donc éminemment politiques

La France est au stade des réformes structurelles profondes mais la pusillanimité des politiques a transformé ce chantier en un distributeur “gratuit” de bonbons et sparadraps. Il est vain de résoudre les problèmes structurels avec des subventions . Il faut laisser à la société civile beaucoup plus d’initiatives et de liberté pour tout ce qui n’est pas régalien. C'est-à -dire autonomiser au maximum les institutions et en particulier les universités. Il convient aussi de réfléchir au mode de fonctionnement des institutions comme le CNRS et l’INSERM pour augmenter la compétitivité et les opportunités pour les jeunes chercheurs ayant des preuves d'excellence. Ces choix politqiues il faut les faire maintenant.


Les contraintes du secteur pharmaceutique :

L’expiration de nombreux brevets de médicaments au cours de la prochaine décennie. Les producteurs de médicaments de marque augmenteront probablement leurs dépenses en R&D. Les bénéfices pourraient diminuer s'ils ne parviennent pas à réduire les coûts ou à introduire des produits alternatifs pour augmenter les marges brutes.

L'augmentation des exigences réglementaires pour les essais cliniques et le lancement de médicaments.

Le contrôle des prix en raison de contraintes budgétaires. Cette situation exerce une pression sur les prix de vente et pourrait avoir un impact sur les investissements, étant donné les coûts élevés de développement de nouveaux médicaments.

Les plans des États-Unis et de l'Union européenne visant à délocaliser la production afin de préserver l'approvisionnement en médicaments, en particulier pour les ingrédients pharmaceutiques actifs. Les barrières commerciales et les réglementations pourraient avoir un impact négatif sur les chaînes d'approvisionnement existantes et augmenter les coûts pour les entreprises et les consommateurs finaux. A contrario les relations internationales se détériorant après l’invasion de l’Ukraine, le bellicisme de l'Iran et la volonté hégémonique de la Chine il est possible que ces processus soient gelés.

La contamination de l'eau et du sol par les résidus pharmaceutiques, un sujet de pression constante sur le secteur qui n’a pas reçu de solution.


L'impératif de production

Il est vain de parler “d’attendre un vaccin”, “d’avoir un vaccin” quand le fond du problème est de le trouver, de prouver son efficacité et de le produire. Nous avons insisté sur les deux premières étapes, parlons de la production.

Figure N°7: Une détérioration tendancielle de notre production exportée.

L'innovation et l'efficacité sont deux clés de tout succès en biologie appliquée, et l'entreprise privée est efficace dans sa capacité à réaliser les deux. Pour la troisième clé, l'entreprise privée est la seule à pouvoir délivrer le produit en temps et en quantité en fonction des contrats de commande. C’est cependant impossible lorsque les contraintes qui pèsent sur la production sont tellement fortes que les engagements contractuels ne peuvent être tenus. Il y a trois pénuries majeures qui ont considérablement perturbé la supply chain. La pénurie de main-d'œuvre, celle des matières premières et celle de l’énergie. Dans ce cadre, sans des mesures proportionnées de libération des contraintes pour les entreprises nous ne pourrons pas produire à la hauteur de la demande notamment dans certaines spécialités pharmaceutiques. Les détails de cette question de l’impératif de production sont exposés dans cette analyse des entreprises pharmaceutiques françaises. Dans ce contexte très ancien l’appel du président de la république  à produire plus de paracétamol devant une usine de médicaments avait une allure tragique. Non qu’il n'eût pas fallu le faire mais parce que l’essentiel est de tenir les promesses. Nous verrons si ce pari sera tenu fin 2023.

CONCLUSION

Si la France n'a toujours pas de vaccin contre la covid-19, en particulier un vaccin ARN messager, ce n'est pas uniquement parce que Sanofi partenaire de CureVac s’est trouvé dans une impasse avec un vaccin à 47 % d'efficacité ("Covid-19 : pourquoi la France n’a toujours pas su développer de vaccin"). Nous avons des difficultés dans une industrie, celle de la pharmacie, où il faut une très grande quantité de capital, une très grande adaptabilité et une réussite dans l'innovation qui suppose une forêt de biotechs. Il est possible de libérer le potentiel de production créatrice du pays par des mesures structurelles qui demandent une vision politique et économique. Cette vision est souvent revendiquée dans les discours mais elle ne peut se nourrir de mots. Il faut des actions décisives sur les Universités, le capital risque et la fiscalité.

Il reste trois erreurs à ne pas commettre:

1/ Stopper ou ralentir les efforts de recherche et développement en raison du contexte inflationniste et de la pénurie d’énergie. Ce n’est pas la décroissance qui va permettre l’innovation mais au contraire la croissance des activités marchandes tout en décarbonnant progressivement les processus. La France étant un faible émetteur de gaz à effets de serre en valeur absolue et par habitant, il est extrêmement dangereux de prôner des politiques jusqu'au boutistes en matière de décarbonation.

2/ Croire que l’innovation peut survivre dans une économie non compétitive en général. L’innovation en particulier en biologie et tout spécialement pour les médicaments a besoin d’un tissu industriel puissant. L’impératif de production est essentiel.

3/ Stériliser l’innovation en maintenant le poids de l'État sur cette filière. Des universités aux biotechs et aux acteurs majeurs de la pharmacie, l'État doit laisser faire les acteurs pour dynamiser la compétition, alimenter le financement du risque par l’argent des investisseurs et détaxer les cessions d’entreprises au profit des inventeurs.

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