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"Qu'est-ce qu'une peau idéale ?" : la peau douce, une illusion sociale
©Pixabay

Bonnes feuilles

Qu'est ce que la peau et à quoi sert-elle ? Comment vieillit-elle ? Que se passe-t-il quand on se gratte, qu'on se tatoue, que l'on bronze ? La peau est le seul organe visible de notre corps. On peut la déguiser, la faire luire, la tatouer, la maquiller ou la faire mentir. Extrait de "Mon ami la peau", de Nicolas Dupin, publié chez JC Lattès. 1/2

Nicolas Dupin

Nicolas Dupin

Nicolas Dupin est professeur de dermatologie à l’Université Paris Descartes et exerce à l’hôpital Cochin. Il conduit des travaux de recherche sur le rôle des micro-organismes dans le développement des maladies dermatologiques et des cancers de la peau. Il est l’auteur de plus de 300 publications scientifiques.
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Peau et beauté

La peau participe aux canons de la beauté. Une étude montre qu’entre les années 1990 et aujourd’hui, les personnes plébiscitées pour leur beauté sont toujours plus précisément des femmes, avec une place deux fois moins importantes pour les hommes. Les femmes plébiscitées sont de plus en plus âgées. Alors que le groupe des 28-34 ans était jusqu’à peu le plus plébiscité pour leur beauté, ce sont maintenant les 35-44 ans avec près de 20 % alors que leur part ne représentait que 4 %, les peaux foncées représentent 30 % contre 12 % pour les peaux claires.

Qu’est-ce qu’une peau idéale ? Voilà une question bien difficile, d’autant plus que la réponse dépend de tellement de paramètres : l’âge, le sexe, l’ethnie, les codes sociaux… En pratique, une peau idéale est une peau qui ne pose pas de problème, qui est agréable à regarder, qui ne souffre pas trop des intempéries et qui vieillit sans faire trop de bruits. Une peau qui ne pose pas de problème est une peau qui ne change pas pour n’importe quel prétexte. Une peau qui peut supporter les changements de température sans trop se manifester, une peau qui ne laisse pas trahir le stress, une peau indifférente au contexte de société. C’est pourtant charmant ces jeunes femmes qui rougissent, chez un homme cela l’est moins vous me direz. Le flush, l’érythème pudique, témoin de la timidité, reflet de votre fragilité est-il un handicap ou au contraire peut aider votre entourage à faire attention ? Certains y verront l’expérience de la fragilité et la manière dont vous pourrez prêter le flanc, d’autres au contraire y décerneront votre façon à vous de communiquer, et d’inscrire en caractère d’imprimerie sur vos joues rougies, attention fragile. Rougir en public, c’est un peu comme le bègue qui répète plusieurs fois les mots. Le bégaiement de la peau, c’est l’érythème pudique. Cette rougeur est le témoin de la dilatation de nos vaisseaux sous l’influence d’une émotion. Pour certains, ce phénomène traduit une peau traîtresse, ce n’est pas un idéal que de se savoir trahi par sa propre peau. La peau ne peut cependant pas rester insensible aux changements intérieurs. La peau est un organe connecté et complexe.

La pâleur a son charme, être pâle peut faire sérieux, faire mec qui bosse, qui réfléchit, qui ne passe pas son temps à se regarder dans la glace. Être pâle, ça fait aussi celui ou celle qui ne part pas en vacances, celui qui ne prend pas beaucoup de temps dehors, hors de chez lui. Ça peut faire malade aussi, la pâleur peut traduire une baisse des globules rouges, ce qu’on nomme une anémie, là tout est pâle, même les lèvres sont pâles. La pâleur ça peut faire chic aussi, être maigre et pâle comme ces mannequins femmes ou hommes, on ne sait plus très bien, comme des tiges, des phasmes, on lit dans leur peau comme un livre ouvert. On voit défiler les veines et les tendons donnent à la peau des reliefs crevassés. Une peau pâle peut pour certains être une peau idéale. Se blanchir la peau est également pour toute une partie de la planète un objectif esthétique de tout premier plan. Les acteurs de théâtre sont souvent maquillés et leur visage pâle n’en n’apparaît que plus marquant au milieu de cette scène mi-obscure. Ce qui donne sa couleur à nos joues ce sont ces petits vaisseaux qui les parcourent. Les pâles n’ont pas beaucoup de ces petits vaisseaux, et sont insensibles aux évènements extérieurs qui pourraient favoriser leur développement. Ils restent pâles si ils boivent, ils restent pâles si ils sont intimidés, ils restent pâles si ils sont exposés au froid, si ils sont réchauffés. C’est incroyable, comme ils peuvent contrôler leur peau, ou comme leur peau paraît alors déconnectée de la réalité. Déconnectée des agressions extérieures et des sentiments intérieurs.

Une peau idéale est une peau qui sait se tenir finalement, qui ne s’effondre pas d’ailleurs. Il y a des personnes dont le visage s’affaisse avec le temps, au contraire, d’autres restent avec une peau tendue, élastique. Oui, c’est cela la peau idéale reste tendue, même si nous ne sommes pas sans accorder du charme à des visages ridés, la peau tendue, c’est quand même la classe non ? Jusqu’à quel âge ai-je eu une peau tendue ? Difficile à dire, difficile de s’en apercevoir sauf peut-être le matin au réveil où tout est chiffonné. Ça fait bien longtemps que j’ai un peu plus de défiance à me regarder le matin dans une glace. Sont passées les années, les rides se sont installées. Les joues ont perdu leur rondeur et se sont affaissées. Les yeux se sont creusés, les lèvres déjà minces se sont amincies, me donnant un air sévère, ce n’est pas moi qui le dit, c’est ma femme. Une peau idéale, imaginez donc, elle ne se détend pas même si on s’en sert. Quelle publicité ! Une peau idéale est aussi une peau lisse, sans qu’on n’aperçoive trop ces petits pores dilatés comme autant de petits puits creusés à la surface de notre peau. Peau lisse, peau pâle, peau tendue, voilà peut-être les qualités essentielles qui confinent à la peau idéale.

Pour certains, une peau idéale est au contraire une peau hâlée, une peau bronzée, une peau qui n’est jamais trop pâle, qui se laisse séduire par les rayons du soleil et qui n’a pas trop besoin de se protéger. Oui, une peau idéale, c’est une peau qui se laisse regarder sans se cacher derrière un maquillage orangé qui donne faussement bonne mine mais qui sent l’artificiel. Une peau est idéale si elle est naturelle en fait, non ? Naturelle au sens nature, sans trafic. Mais comment sait-on si on a une peau idéale. Déjà on peut se référer à ses parents. Comment sont-ils maintenant qu’ils ont vieillis ? Comment ont-ils passé l’adolescence ? Comment on cicatrise dans la famille, comment on réagit au soleil ? Chacun a son programme, mais on peut dire que familialement il y a des tendances. Il y a des tendances peau pâle, des tendances peau hâlée, il y a les familles à acné et les allergiques, il y a ceux qui ont le visage qui tombe et ceux qui se maintiennent. Ceux qui ont la peau ferme et ceux qui l’ont molle.

Extrait de "Mon ami la peau", de Nicolas Dupin, publié chez JC Lattès

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