Une bonne partie des Russes vivent mieux depuis la guerre en Ukraine et voilà pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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"La plupart des Russes ne se considèrent pas comme des sujets dans l’Histoire, donc ils estiment qu’ils ne peuvent pas être des acteurs importants et empêcher ce qu’il advient", selon Galia Ackerman.
"La plupart des Russes ne se considèrent pas comme des sujets dans l’Histoire, donc ils estiment qu’ils ne peuvent pas être des acteurs importants et empêcher ce qu’il advient", selon Galia Ackerman.
©Alexander NEMENOV / AFP

Ascension sociale

La guerre devient une sorte de business pour beaucoup de gens et aussi un moyen d’ascension sociale.

Galia Ackerman

Galia Ackerman

Galia Ackerman est docteure en histoire et chercheuse associée à l'université de Caen, Galia Ackerman est spécialiste de l'Ukraine et de l'idéologie de la Russie post-soviétique. Elle a été journaliste à RFI et à la revue Politique internationale. Elle est notamment l'auteure, aux éditions Premier Parallèle, de Traverser Tchernobyl (2016, rééd augmentée 2022). Elle a cofondé la revue Desk-Russie. Elle a également dirigé le numéro 77 de La Règle du jeu consacré à l'Ukraine (octobre 2022). 

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Atlantico : Dans quelle mesure la guerre offre une ascension sociale aux Russes les plus modestes ?

Galia Ackerman : La guerre devient une sorte de business pour beaucoup de gens et aussi un moyen d’ascension sociale. Les Russes, dans les régions pauvres, vont avoir une solde en allant à la guerre correspondant à dix fois le salaire moyen dans ces régions.

S’ils meurent au combat, leur famille reçoit des compensations assez énormes. Beaucoup de familles sont ainsi ravies quand leur père, leur époux ou leur fils va à la guerre. S’il revient vivant, c’est très bien car il va être considéré comme un héros. S’il meurt, ces familles peuvent sortir réellement de la misère et avoir un niveau de vie amélioré.

Ceci est couplé à deux autres facteurs :

-       La vie humaine n’a jamais eu beaucoup de valeur en Russie. Le président Poutine avait dit il y a plusieurs mois devant des mères éplorées que leurs fils étaient morts pour la bonne cause. Il a formulé quelque chose d’assez évident pour beaucoup de Russes. La vie est une sorte de loterie et il faut en accepter l’augure.

-       La société donne beaucoup de valeur à la mort au combat. Le patriarche Kirill a dit à plusieurs reprises qu’il ne faut pas avoir peur de la mort parce que ceux qui meurent au combat iront au paradis et tous leurs péchés seront lavés. L’idée est que n’importe quel criminel peut devenir un héros, notamment au moment de l’enterrement où il est enterré avec les honneurs militaires.

 A contrario, les classes plus aisées y perdent...

Il y a un million de Russes appartenant à la classe moyenne qui sont partis, disons des gens cultivés, instruits, spécialistes de l’informatique, ingénieurs, etc. Ils sont partis en Europe de l’Est, en Arménie, en Géorgie ou encore au Kazakhstan. Eux n’ont pas préparé à l’avance leur départ et ne peuvent pas sortir leur argent des banques russes, ce qui rend leur vie bien difficile. Et puis il y a ceux qui sont restés : ils ne peuvent pas utiliser leur argent comme ils le veulent, envoyer leurs enfants à l’étranger. Quant aux jeunes adultes, ils peuvent difficilement s’inscrire dans les universités occidentales. En Russie, les marchandises provenant de l’Occident sont devenues inaccessibles ou très chères. Les livres étrangers y sont de moins en moins traduits, les artistes étrangers ne s'y produisent plus. Il y a un appauvrissement de la vie culturelle. 

Comment peut-on imaginer le futur des Russes à l'aune de la guerre ?

Il n’y a pas que le côté matériel qui façonne les esprits du peuple russe, mais aussi vingt ans de propagande, de bourrage de crâne de la part du pouvoir, avec une nostalgie très forte de la période soviétique. Certains soutiennent clairement la guerre et d’autres disent que la guerre est mauvaise mais que des Russes sont au front, donc il serait difficile d’aller contre cette guerre sans quoi ils seraient considérés comme de mauvais patriotes.

La plupart des Russes ne se considèrent pas comme des sujets dans l’Histoire, donc ils estiment qu’ils ne peuvent pas être des acteurs importants et empêcher ce qu’il advient. 

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