Un million de personnes formées à réagir en cas d’attentat terroriste au Royaume-Uni : pourquoi la France serait bien en peine d’en faire autant<!-- --> | Atlantico.fr
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Une simulation d'attaque terroriste a eu lieu à Paris le 20 avril, mais uniquement avec les forces de l'ordre.
Une simulation d'attaque terroriste a eu lieu à Paris le 20 avril, mais uniquement avec les forces de l'ordre.
©Reuters

Formation musclée

Le gouvernement britannique souhaite lancer un projet de formation pour permettre à plus d'un million de personnes par an de mieux réagir face à des attaques terroristes. Ce projet d'exercice en situation réelle est avant tout destiné aux personnes travaillant dans des endroits très fréquentés.

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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Atlantico : Pourriez-vous nous expliquer en quoi consisterait une telle formation ? Quels seraient les objectifs visés en termes de mise en situation réelle ?

François Géré : Le principe de cette formation repose sur une coopération entre la police et les entreprises. Les activités et les sites à haut risque (centrales nucléaires, usines chimiques, réservoirs d’alimentation en eau des centres urbains, ce que l’on appelle les infrastructures critiques) font l’objet d’une surveillance spéciale assurée par l’Etat. Ici, il s’agit d’entreprises dont l’activité concerne d’importants flux de population, où des masses de gens se concentrent : grands magasins, stades sportifs, salles de concert, etc., qui déjà ont renforcé les systèmes de sécurité et les contrôles. A celles qui en feraient la demande, il est proposé un programme de formation des employés destiné à apprendre la meilleure conduite à tenir en cas d’attaque terroriste. C’est bien plus efficace que les grandes simulations d’une journée dont les enseignements sont vite oubliés.

Les employés de l’entreprise concernée connaissent le terrain mieux que les terroristes et les forces de police qui viennent au secours mais sans disposer d’informations détaillées. Par exemple, lors de l’attaque du grand hôtel de Bombay, en 2008, les forces de sécurité ignoraient tout de la topographie des lieux et ont perdu de précieuses heures à localiser les terroristes et les otages. On enseigne donc à un personnel familier des lieux les comportements à adopter et les erreurs à éviter afin de réduire le plus possible la malfaisance de l’attaque, de réduire le nombre des victimes et d'évacuer dans les meilleures conditions les survivants et les blessés.

Combien coûterait cette formation ?

L’objectif d’un million de personnes est ambitieux mais il n’est ni irréaliste, ni financièrement hors de portée. Pour les instructeurs, il s’agit d’une formation assez légère visant à donner des rudiments généraux aux personnels concernés, à charge pour eux de les adapter aux conditions particulières de leur lieu de travail. Pour le propriétaire, l’investissement se limite aux heures de formations dispensées à ses employés, soit quelques journées réparties dans l’année.

Est-il possible de mettre en œuvre un projet similaire en France ? Si non, pourquoi ? Si oui, comment ?

La réussite éventuelle de cette formation correspond à une mentalité propre à la population, à une culture citoyenne profondément enracinée au Royaume-Uni. Il est de tradition que chaque communauté dans son quartier prenne en charge une part de la sécurité en surveillant le voisinage et en échangeant spontanément avec la police sur des faits jugés insolites. Il existe en Grande Bretagne une ancienne tradition dite de résilience (le mot n’a été introduit en France qu’en 2008). On peut la faire remonter aux bombardements nazis de la Seconde Guerre Mondiale sur les grandes villes britanniques. Il s’agit de la capacité à "encaisser" une attaque de manière à en limiter les dommages physiques et à résister moralement à l’ébranlement psychologique. A travers ce programme de formation, on cherche à responsabiliser les personnels à l’égard du public qu’ils accueillent, qu’ils se sentent responsables de sa sécurité. C’est un peu comme sur un navire ou un avion où l’équipage a pour première mission, en cas d’incident grave, d’assurer l’évacuation en bon ordre des passagers en faisant passer en seconde priorité sa propre sécurité.

En France, la coopération entre la population et la police ne bénéficie pas d’une tradition de confiance similaire. De même, l’association employeur-employés au service de la sécurité des lieux et du public qui les fréquente est moins assurée. On note toutefois à l’égard du terrorisme une nette évolution des mentalités. Les campagnes sur la sécurité "ensemble", sur une observation solidaire d’éventuelles anomalies ont porté leurs fruits ces quinze dernières années. Les attentats de 2015 ont évidemment renforcé cette tendance. Dans ces conditions, l’initiative britannique pourrait s’appliquer en France avec succès.

Y a-t-il d'autres choses à mettre en place en France pour aider la population à combattre le terrorisme ?

Le risque terroriste est là durablement, avec des degrés d’intensité variables mais difficilement prévisibles. Il faut en convaincre la population française sans tomber dans le piège d’un "sécuritarisme" qui ne serait pas forcément efficace. La meilleure des mesures serait d’inculquer le sens de la responsabilité, de la solidarité et de la coopération avec les services en charge de la sécurité. C’est donc une pédagogie qui commence à l’école pour les enfants mais aussi pour leurs enseignants qui doivent, eux aussi, faire l’objet de programmes de formation. A une menace de longue durée, il faut répondre par des mesures modestes, peu spectaculaires, qui habituent en profondeur à des comportements adaptés en réduisant la peur et la surprise.

Propos recueillis par Thomas Gorriz

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