Un échec patent : l’Energiewende, la transition énergétique allemande. Un contrexemple à ne pas suivre<!-- --> | Atlantico.fr
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L’Allemagne a émis 8 fois plus de CO2 par kWh d’électricité produite que la France en 2021.
L’Allemagne a émis 8 fois plus de CO2 par kWh d’électricité produite que la France en 2021.
©Sascha Schuermann / AFP

Environnement

En 2021 l’Allemagne a émis 8 fois plus de CO2 par kWh d’électricité produite que la France.

Gérard Buffière

Gérard Buffière

Gérard Buffière est ex-directeur général d'Imérys, ancien élève de l'Ecole polytechnique, titulaire d'un master of sciences de l'université de Stanford et diplômé de la Harvard Business School. 

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Bernard Kasriel

Bernard Kasriel

Bernard Kasriel est un ancien élève de l’Ecole Polytechnique, ex-directeur général de Lafarge et ex-administrateur de sociétés du CAC 40 et du NYSE

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Fin 2021 l’Allemagne disposait d’une puissance installée éolienne 3,4 fois supérieure à la France, et 4,5 fois pour le solaire.

Fin 2021, en éliminant le nucléaire, l’Allemagne disposait d’une puissance totale installée égale à 3 fois ses besoins de pointe, contre 1,4 fois pour la France.

Comment expliquer ce saisissant contraste entre un parc électrique à forte composante renouvelable et les piètres résultats ?

Après la décision de sortie du nucléaire, l’Allemagne a construit des centrales thermiques au gaz pour remplacer la puissance perdue.

En l’absence, à horizon prévisible, de solution de stockage de masse de l’électricité, tout réseau électrique doit disposer d’une puissance garantie, c’est-à-dire pouvant être appelée quand on en a besoin, au moins égale aux pointes de consommation

Comme les énergies intermittentes et non pilotables (éolien et solaire) ne peuvent fournir de puissance garantie, ce sont les sources pilotables qui l’apportent, en Allemagne essentiellement des centrales thermiques.

Eolien et solaire sont utilisés en remplacement du thermique : lorsqu’il y a du vent et du soleil, les centrales thermiques sont alors ralenties ou arrêtées, réduisant ainsi les émissions de CO2.


En prenant l’exemple de l’éolien : si la puissance éolienne totale installée est égale à la puissance thermique, l’éolien ne pourra remplacer le thermique que lorsque le vent souffle, soit en moyenne, en France et en Allemagne, 23% de cette puissance ( facteur de charge de l’éolien terrestre), à condition d’avoir une totale priorité d’injection sur le réseau.

La décarbonation de la production thermique est ainsi physiquement limitée à 23%.

Pour aller au-delà le seul moyen est d’augmenter la puissance éolienne installée.

Cela n’augmente pas la puissance garantie du réseau, mais cela permet de doubler la production éolienne pendant que le vent souffle, et d’arrêter davantage de centrales thermiques.

Par exemple si l’on doublait encore la puissance éolienne installée, on pourrait théoriquement décarboner 2x23% soit 46% de la production thermique.

(théoriquement car on butera assez vite sur des difficultés de perturbation du réseau dues à l’irrégularité de la production éolienne)

Il en va de même du solaire avec un facteur de charge inférieur à 15%, c’est-à-dire qu’en moyenne il pourra produire 15% de sa puissance nominale, avec comme pour l’éolien de très fortes variations d’une année à l’autre. 

Pour décarboner son électricité essentiellement d’origine thermique pendant que le vent souffle ou que le soleil brille, l’Allemagne a ainsi massivement investi en production éolienne et solaire.

C’est un énorme surcoût, que doivent payer les usagers, auquel s’ajoutent les coûts d’une augmentation considérable des réseaux de transport et de distribution d’électricité, qui doivent être dimensionnés pour les puissances nominales des sources éoliennes et solaires, même si elles ne produisent que quelques semaines dans l’année.

Cette augmentation des réseaux est aussi une extrême nuisance. D’ailleurs devant la résistance de ses citoyens, l’Allemagne est très en retard dans la construction des lignes de transport qui permettraient d’optimiser l’usage de son mix électrique.

En outre malgré un prix de l’électricité allemand plus élevé de 50% que les prix français, le modèle n’est pas soutenable sans subventions.

Alors que l’Allemagne avait progressivement réduit les prix garantis aux producteurs d’éolien et de solaire pour arrêter toute subvention mi-2022, elle a dû  reprendre les subventions et augmenter en 2023 les prix garantis de 25%, car les appels d’offre à nouveaux projets ne trouvaient plus preneurs. 

Enfin lorsque l’éolien, en particulier, produit beaucoup, l’Allemagne se trouve avec de fortes surcapacités instantanées qu’elle ne peut injecter dans son réseau. Elle doit alors les exporter, parfois à des prix négatifs, contribuant à un grand désordre sur les marchés spot européens.

Mais le pire est à venir

Pour décarboner ses énergie, l’Allemagne, comme la France va électrifier le pays.

Elle prévoit ainsi en 2045 une consommation double de la consommation actuelle.

Elle devra pour cela investir en nouvelles centrales au gaz, pour couvrir le nouveau niveau de ses besoins de pointe. Ces nouvelles capacités ne sont pas encore clairement explicitées.

Mais surtout pour atteindre la neutralité carbone en 2045, elle va devoir augmenter encore la surcapacité éolienne et solaire.

Selon plusieurs lois successives l ’Allemagne prévoit ainsi 600GW de capacité intermittente en 2045 soit 5 fois la puissance installée fin 2022 alors que la consommation ne fait que doubler.

Bien entendu, il faudra aussi dimensionner les réseaux de transport en conséquence.

Nous n’avons pas trouvé d’estimation sérieuse des investissements nécessaires ni des prix que devront payer les acteurs économiques allemand. Mais on imagine sans peine que ce sera vertigineux.

Et comment les Allemands accepteront-ils la multiplication d’éoliennes, de panneaux solaires et plus encore de lignes électriques ?

Comment l’usager allemand pourra-t-il sans forte perte de pouvoir d’achat payer sa facture d’une électricité devenue sa source quasi-unique d’énergie ?

Par ailleurs lorsque le vent soufflera fort (ou que le soleil brillera), les sources intermittentes produiront tellement d’électricité qu’il sera totalement impossible de les injecter dans le réseau.

Si les pays voisins, la France en particulier, ont développé le même mix électrique, ces surplus s’amplifieront puisque les régimes de vent sont semblables.

Où pourra-t-on les écouler ? Faudra-t-il arrêter les éoliennes quand il y a du vent ? et débrancher les panneaux solaires quand le soleil brille ? un comble !

Faute à horizon prévisible de solution de stockage massif d’électricité ou de disponibilité en très grandes quantité d’hydrogène vert avec la très complexe logistique nécessaire, l’Allemagne en refusant le nucléaire n’a pas d’autre solution pour décarboner son électricité que cette spirale infernale et ruineuse. 

Un vrai contrexemple en somme.

Et pourtant, c’est vers cette folie que l’UE, fortement influencée par l’Allemagne, veut nous amener.

Gérard Buffière                                                           Bernard Kasriel

Ex-Directeur Général d’Imérys                                Ex-Directeur Général de Lafarge

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