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Un an après avoir déclaré la guerre aux banques, où en est François Hollande ?
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Vu des Etats-Unis

Lors d'un discours au Bourget pendant la dernière campagne présidentielle, François Hollande avait déclaré la guerre au monde de la finance, érigé comme son véritable adversaire. Depuis, vu des Etats-Unis, il n'est pas évident que le président de la République ait l'intention d'allier l'acte à la parole.

Wolf  Richter

Wolf Richter

Wolf Richter a dirigé pendant une décennie un grand concessionnaire Ford et ses filiales, expérience qui lui a inspiré son roman Testosterone Pit, une fiction humoristique sur le monde des commerciaux et de leurs managers. Après 20 ans d'expérience dans la finance à des postes de direction, il a tout quitté pour faire le tour du monde. Il tient le blog Testosterone Pit.

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Le 22 janvier 2012, François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, désignait les banques comme l'ennemi à abattre : "Sans nom, sans visage, sans parti, elle ne présentera jamais sa candidature", "elle ne sera donc jamais élue mais elle gouverne tout de même", "l’ennemi c’est le monde de la finance", avait-il déclaré. "Elle s’est libérée de toute règle" et "pris contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies". Il promettait alors de la combattre et de mettre en place des réformes importantes.

Mais alors que le secteur privé français s’enfonce un peu plus dans un bourbier économique et fiscal, ces mots, destinés à se faire aimer par l’aile gauche du Parti socialiste, sont restés aux oubliettes. Pourtant, on pourrait penser que depuis qu’il est devenu président de la République, François Hollande a pu apprendre du PDG de JP Morgan Chase Jamie Dimon.

L'année dernière, Dimon a lui aussi fait preuve d’une certaine éloquence, à l’occasion du Forum économique mondial de Davos en Suisse, où les banquiers, les dirigeants économiques, les politiques (et ceux qui ont eu la chance de pouvoir rentrer) aiment se fréquenter pour rendre le monde meilleur.

Dimon avait alors fustigé les faibles, lents et confus efforts des régulateurs dans leur tentative de contrôler l’industrie bancaire pour qu’elle ne plonge pas le monde dans une autre crise."Ils ont essayé d’en faire trop, trop vite", a-t-il déclaré. Il a défendu les intouchables "mégabanques" et leurs états financiers qui ne veulent rien dire. "Les sociétés peuvent être opaques", a-t-il dit. "Elles sont complexes". Un mot qui, dans une crise financière, excuse tout, même les renflouements massifs qui devraient hanter les générations à venir. "Vous ne savez pas non plus comment marche les avions", a-t-il essayé de nous calmer, en précisant que nous continuons tout de même à les prendre pour traverser le Pacifique...

C’est ainsi que le PDG de la plus large banque "TBTF" (trop gros pour faire faillite) des Etats-Unis, bénéficiaire d’en renflouement de plusieurs milliards de dollars par la banque centrale américaine (FED) a fait l’éloge de cette dernière car "elle a sauvé le système". En effet, ils ont sauvé le système qui avait plongé le monde dans la crise financière, mais ils ont aussi renfloué et enrichi ceux qui étaient, et sont toujours, une partie intégrante de ce système – et qui maintenant, selon Richard Fisher, président de la banque de la réserve fédérale de Dallas, "croient qu’ils sont à l’abris de la de la faillite et de la destruction créatrice"(Pour en savoir plus sur le combat de Fisher contre les TBTF, lire… How Big Is "BIG ?")

C’est le monde auquel François Hollande a déclaré la guerre, au bon vieux temps. Mais maintenant, la France se retrouve dans une nouvelle crise, et cette fois c’est le secteur privé, déjà diminué, qui étouffe et qui perd des emplois – et qui se délocalise à l’étranger, avec les riches et les "pas si riches" pour qui le climat fiscal et certains discours du moment sont devenus trop hostiles.

Pas un jour ne se passe sans une nouvelle confirmation ou indication. L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a récemment dévoilé son étude mensuelle sur le climat des affaires en France. Ce dernier, après une très légère amélioration, s’est détérioré une nouvelle fois dans les catégories de l’industrie, du commerce de gros, du bâtiment et du commerce de détail. Seuls les services connaissent une amélioration. L’index à 86,75 aujourd’hui était à 87,02 en décembre et demeure en dessous de là où il était en octobre 2009, au milieu de la crise financière.

Etant donné ce scénario, qu’est-il advenu de l’ennemi de François Hollande et des réformes pour le contrôler ? Ce n’est pas faute d’avoir essayé –bien qu’il n’y ait simplement pas assez d’appétit autour du monde pour confronter les banques. Par exemple, même le très anticipé Bâle 3 sur les règles autour des liquidités qui était censé rendre plus stables les banques globales et devait pouvoir éviter un autre écroulement financier, eh bien… Il y a quelques semaines, après des années de négociations et de lobbying intensif par les banques, les règles ont été finalisées. Dans un format très largement allégé. L’implémentation a été retardée à 2019. Une énorme victoire pour les banques.

Néanmoins, le vœu de François Hollande de séparer "les opérations de crédit, de dépôt et celles dites de spéculation des banques" s’est transformé en un projet de loi qui a été présenté à l’Assemblée Nationale en décembre dernier. Le gouvernement s’est enorgueilli d’avoir été le premier dans l’Union européenne à s’être attaqué aux réformes bancaires. Quatre années après la crise financière. Comme Jamie Dimon le disait : "ils essayent de faire trop, trop vite".Le projet, bien-sûr, n’est pas venu sans d’énormes concessions aux banques qui ne changeront rien au final.

Et son souhait d’imposer une taxe sur les transactions financières ? Cela a également fait l’objet d’une proposition, et l’Union Européenne vient juste de l’approuver. Les 11 pays, en incluant la France et l’Allemagne, qui envisagent une telle taxe sont donc maintenant libres de l’imposer. Contre un mur d’oppositions des banques. Rien ne se passera en Allemagne avant l’élection plus tard dans le courant de l’année. Mais la France, qui se damnerait pour quelques revenus additionnels, pourrait bien donner un nouvel élan à cette taxe.

Aujourd’hui, emmêlé dans une vraie guerre au Mali, François Hollande ne déclare plus la guerre au monde de la finance. En fait, il possède à son tableau de chasse le premier renflouement de banque financé par les contribuables, le renflouement de 7 milliards d’euros de PSA Finance, la filiale bancaire du groupe PSA Peugeot Citroën. "Il a sauvé le système" aurait dit Dimon, parce que lorsqu’il n’y a pas d’autres recours, les citoyens et les contribuables, et leurs enfants, sont ceux qui payent, et ce n’est pas ceux qui ont investi dans la banque. Et cela peu importe qui est le président de la République.

Les fondations économiques de la France se fissurent. Le chômage augmente sans cesse. Le secteur privé est amorphe. Les ventes de voitures sont tombées de 13,9% en 2012, alors que l’année 2011 n’était déjà pas fameuse. Les ventes par les constructeurs français ont encore plus diminué. Maintenant, les ventes de maison sont paralysées. Et les gens commencent à se pointer du doigt. Lire… The Next Shoe To Drop In France.

Cet article a été publié précedemment sur le blog de l'auteur

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