UMP : la guerre Copé Fillon n'était en fait que le troisième acte d'une guerre Fillon Sarkozy<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ancien président considère - à tort ou à raison - que Jean-François Copé sera plus facile à "gérer"
L'ancien président considère - à tort ou à raison - que Jean-François Copé sera plus facile à "gérer"
©Reuters

OK Corral

Dans le livre "Le coup monté" (Plon), paru jeudi 28 mars, les journalistes Carole Barjon et Bruno Jeudy reviennent sur l'élection à la présidence de l'UMP de novembre dernier. Un match arbitré par Nicolas Sarkozy, aux manettes pour faire tomber Fillon. L'enquête des deux journalistes l'affirme.

Carole  Barjon

Carole Barjon

Carole Barjon est rédactrice en chef adjointe à la rubrique politique, chargée de l’Elysée et de la droite au Nouvel Observateur.

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Atlantico : Dans le livre "Le coup monté" (Plon), paru jeudi 28 mars, vous revenez avec Bruno Jeudy (Journal du dimanche) sur l'élection interne à la présidence de l’UMP du 18 novembre dernier et la violente crise politique qui s'en est suivie. "Tout le monde a triché", vous a déclaré Alain Juppé. Est-ce votre sentiment ?

Carole Barjon : Entendons-nous bien. Juppé dit que "tout le monde a triché" mais il ne met pas sur le même plan les triches concernant, par exemple, les procurations et la disparition pure et simple des résultats de trois fédérations dans le décompte final. Il fait une différence très claire et je suis assez d'accord avec sa manière de voir. Il y a manifestement eu des irrégularités des deux côtés, mais il faut bien mettre à part l’escamotage des résultats dans trois fédérations. Ce n'est pas du même niveau.

Dans ce livre, vous développez la thèse selon laquelle Jean-François Copé, avec la complicité de Nicolas Sarkozy, a tout mis en œuvre pour empêcher François Fillon de devenir le leader de l'UMP. Il ne s'agissait, selon vous, ni d'une "simple bataille de coqs", ni "d'une représentation théâtrale" mais d'un "combat à mort". Pourquoi Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy se seraient-ils donné tant de mal pour barrer la route à François Fillon ?

Nicolas Sarkozy a confié à Edouard Balladur (que nous avons vu le 15 janvier) que François Fillon était le candidat le plus dangereux pour lui s'il voulait revenir dans la course pour l'élection présidentielle de 2017. L'ancien président considère - à tort ou à raison - que Jean-François Copé sera plus facile à "gérer", comme il l’a dit à Henri Guaino. François Fillon est celui que Nicolas Sarkozy "redoutait le plus" selon les termes employés par Edouard Balladur.

En juin dernier, Roger Karoutchi (un proche de Copé) avait donc délivré un petit message en provenance de Nicolas Sarkozy à François Fillon, avant que les candidats se déclarent. Il lui avait expliqué que ce n'était pas une bonne idée qu'il se présente et qu'il allait "s'abîmer" dans cette campagne.

Sarkozy, qui veut essayer de revenir si les circonstances le lui permettent, pense que ce serait plus difficile pour lui si Fillon tient les rênes de l'UMP. Il estime que son ancien Premier ministre s’emploierait alors à "désarkoyser" le parti et à le "fillonniser". De ce point de vue là, il estime que Copé est moins dangereux car ce dernier a fait campagne "dans la roue" de Nicolas Sarkozy et dans la fidélité au sarkozysme.

Vous assurez que cette bataille était "déjà le troisième acte d'une guerre Sarkozy-Fillon" et que l'ex-chef de l'Etat a tout fait pour affaiblir son ancien Premier ministre. Porte-t-il une responsabilité directe dans le fiasco des élections internes de l'UMP ?

Non, pas directe. Après les tentatives de Nicolas Sarkozy en amont, chacun des deux candidats porte sa part de responsabilité à des niveaux et à des moments différents. Il faut évidemment prendre en compte la campagne de chacun des deux candidats. Il est clair que Jean-François Copé a fait une bonne campagne, adaptée au terrain et à la cible qu'il visait : les militants de l'UMP.

En revanche, François Fillon s'est montré très sûr de lui. Manifestement trop. Lui qui pensait être élu président de l'UMP haut la main en sortant de Matignon a fait une campagne de second tour de présidentielle. Sa stratégie de campagne n'était pas adaptée au public qui allait voter et sa motivation semblait moindre que celle de Copé. Au fil du temps, il a d'ailleurs perdu du terrain dans les sondages alors que Copé montait. Même si ces sondages ne valaient pas grand chose (les sondages ont été réalisés auprès des sympathisants UMP,  alors que seuls les militants avaient le droit de voter à cette élection, NDLR), il devenait envisageable que Copé l'emporte.

Au-delà de la manipulation et des fraudes, cette élection témoigne-t-elle d'une défaite de François Fillon ? Si le résultat s'est joué à 1 304 voix, cela montre que Jean-François Copé et François Fillon étaient au coude à coude, alors que l'ancien Premier ministre était donné gagnant.

La formulation de votre question est étonnante. Il est impossible de dire, comme vous le faites : "au-delà de la manipulation et des fraudes" ! C’est précisément tout le problème ! Donc, il n’est pas question de dire "au-delà de"… Patrice Gélard, président de la Cocoe (commission de contrôle des opérations électorales), en charge du dépouillement du scrutin, l'a affirmé dans le communiqué qu’il a envoyé à l’AFP le jeudi 22 novembre : si on avait pris en compte le résultat des trois fédérations d’Outre-mer (1 304 voix), cela aurait "vraisemblablement abouti à une inversion des résultats". Que dire de plus que ce qu’a déjà exprimé le doyen Gélard dès ce moment là ? Que François Fillon ait fait une mauvaise campagne, c’est incontestable ; qu’il ait "mal" gagné, sans aucun doute. Mais il semble bien qu'il ait tout de même gagné de 24 voix.

François Fillon est sorti affaibli de cette campagne, ses partisans ont douté de lui (il n'est du reste pas certain que ce doute soit levé aujourd'hui). Tout cela est évident. De l’autre côté, Jean-François Copé est demeuré président de l’UMP, mais son image s’est terriblement dégradée. Tous les sondages en témoignent.

Il est clair que l’équipe Copé s'est montrée beaucoup plus professionnelle, notamment dans la chasse aux procurations. Mais, d’après Dominique Dord, trésorier du parti qui a démissionné au lendemain de l’élection, Jean-François Copé a bénéficié de sa fonction de secrétaire général et utilisé les moyens du parti. Dord l’a écrit dans un document envoyé aux rédactions et publié par Le Monde.fr. Tout cela a manifestement joué en faveur de Jean-François Copé. C’est là, l’une des grandes questions posée par cette élection : peut-on être candidat tout en continuant de diriger le parti ? L’organisation de cette élection n’a pas été digne de celle d'un grand parti.

L’attaque la plus virulente envers Jean-François Copé revient à Patrice Gélard, président de la Cocoe (commission de contrôle des opérations électorales), en charge du dépouillement du scrutin. Le sénateur de Seine-Maritime qui a déclaré Copé vainqueur de l’élection avec 50,3% des votes estime aujourd’hui qu’il a été victime d’un "coup monté". "L’oubli" des trois fédérations d’Outre-mer (1 304 voix) dans le décompte des résultats serait selon lui "une manipulation" organisée par Jérôme Lavrilleux et Eric Césari, deux lieutenants dévoués à Jean-François Copé. Dans un communiqué à l'AFP, Patrice Gélard a nié "formellement avoir tenu tous les propos mettant en cause M. Copé" et deux de ses proches affirment que ses "paroles ont été déformées par les journalistes". Que répondez-vous à cela ?

Nous maintenons évidemment l’intégralité des propos qu’il tient dans notre livre, ce que l’AFP a également repris dans une deuxième dépêche. Patrice Gélard a manifestement de gros trous de mémoire. Il nous a longuement reçus Bruno Jeudy et moi-même au Sénat le mardi 8 janvier. L'atmosphère était d'ailleurs agréable et détendue. Il ne s'est pas forcé pour nous dire cela. Nous avons retranscrits très fidèlement ses propos. Il a commencé par dire spontanément qu'il s'agissait d'un "coup monté", il l’a même répète deux fois - "On ne m’enlèvera pas de l’idée que c’est un coup monté" - il parle de "manipulation" etc.

Quand nous lui avons demandé qui était à l'origine de cette manipulation, il a répondu : "Jérôme Lavrilleux" et "Eric Césari", respectivement directeur de cabinet de Jean-François Copé et directeur général de l'UMP. Puis, après un silence, le sénateur a précisé sa pensée en soulignant que les deux hommes sont "tous deux dévoués à leur chef Copé auquel ils obéissent ". C’est aussi simple que cela.

Le 29 novembre dernier, j'avais eu une conversation téléphonique avec Patrice Gélard que je ne connaissais pas mais qui m’avait appelée pour faire rectifier quelques dates dans l’article que j’avais écrit dans mon journal (Le Nouvel Observateur) la semaine précédente. Lors de cet échange, il avait exprimé des remords qui ont été publiés début décembre dans l’Obs avec son accord. En résumé, il disait qu’il avait réclamé à plusieurs reprises les résultats des trois fédérations d'Outre-mer et qu’il ne les avait jamais obtenus. Il disait aussi qu’il s'en voulait terriblement de ne pas avoir insisté davantage. Entre le 29 novembre et le 8 janvier, il est clair que sa réflexion a encore mûri. Sans doute a-t-il compris que tout le monde lui mettait tout sur le dos et je pense qu'il n’avait pas envie de porter tout seul le chapeau.

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