Combat
"Il va falloir défendre la Tunisie des libertés individuelles et fondamentales"
Les islamistes ont emporté les élections en Tunisie. Ce succès inspire quelques craintes à Faouzia Charfi, ancienne secrétaire d’État tunisienne à l’Enseignement supérieur.
Nous venons de vivre dans notre pays un moment historique, des élections libres, démocratiques et transparentes. Le parti gagnant de ces élections est Ennahdha, parti des islamistes tunisiens, souvent qualifié de parti islamiste modéré. Il avait été interdit par le régime de Ben Ali et beaucoup de ses militants ont été les victimes d’une répression sans limites. Reconnus depuis la révolution du 14 janvier, les dirigeants d’Ennahdha se sont régulièrement exprimés pour développer leurs points de vue sur leur conception de l’État, du droit, de la société. L’interview de leur dirigeant Rached Ghanouchi le 2 août 2011 par la 1ère chaîne de télévision égyptienne dans l’émission « sabah el khir ya masr » n’est pas passée inaperçue : il a déclaré que l’objectif ultime des musulmans est l’instauration du califat. Certes il souligne que cet objectif ne peut être réalisé dans le court terme mais dans le cadre d’un programme politique qui s’étend sur les 4 à 5 années.
Les Tunisiens en grand nombre ont voté pour le parti Ennahdha. Connaissent-ils réellement son programme politique, son projet de société, son projet de constitution ? Ce sera une des questions à approfondir, mais dès à présent quelques points doivent être relevés. Tout d’abord, depuis le 14 janvier les islamistes ont repris en main l’espace des mosquées et l’ont exploité à des fins politiques malgré les déclarations où ils s’en défendent. « Il n’y a pas de séparation entre vie religieuse et vie quotidienne »[1], c’est un des points importants dans le discours d’Ennahdha qui peut impliquer des atteintes aux libertés individuelles.
Il en a été beaucoup question des libertés depuis la révolution du 14 janvier, la révolution dont la jeunesse a été un des grands acteurs. Elle n’a pas eu besoin de leader, ni de partis, n’a utilisé aucun slogan de nature idéologique, aucun slogan sur l’islamisme. La jeunesse a crié la liberté, houria, la dignité, karama. Acceptera-t-elle aujourd’hui que la Tunisie fière du Code du statut personnel de 1956 qui a aboli la polygamie et la répudiation, que la Tunisie qui enfin s’exerce au bonheur de la démocratie soit régie par un droit inspiré de la loi islamique ? Allons nous oublier nos penseurs qui dès 1930, comme Tahar Haddad, théologien de formation ont défendu l’émancipation de la femme, un statut pour les femmes égales des hommes qui honore la société tunisienne ?
Une nouvelle page de notre histoire s’ouvre. Elle ne se présente pas comme je l’ai espérée, c'est-à-dire résolument ouverte sur l’avenir. J’ai eu à affronter les islamistes dès la fin des années 1970, au moment de la révolution iranienne qui avait inspiré aux femmes une autre manière de se voiler, pour montrer leur appartenance au mouvement islamiste. Aujourd’hui, certaines étudiantes ne se contentent pas de porter ce voile, elles portent le voile intégral et exigent de le garder dans les établissements universitaires. Les évènements récents à l’université ne portent pas à l’optimisme, menaces de mort et campagne calomnieuse dans certaines mosquées de la part de défenseurs autoproclamés de la religion contre des responsables d’établissements universitaires[2], interdiction d’accès à l’Université de théologie à des enseignantes de cet établissement ne portant pas le voile…
Défendre la Tunisie des libertés individuelles et fondamentales celle pour laquelle je milite depuis toujours va être mon combat, je suis convaincue que nous allons être nombreux à travailler dans ce sens.
(cet article a été rédigé le 25 octobre)
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