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Travail détaché: la vraie fausse victoire de la France
©Reuters

Vessie et lanternes

Un communiqué de presse triomphal du ministère du Travail nourrit le mythe d'une victoire française sur le travail détaché. En réalité, l'accord recueilli à la majorité évite tous les vrais sujets, ceux qui fâchent.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Les ministres du travail de l'Union ont tenu un conseil à Luxembourg, hier, pour évoquer la réforme du travail détaché. Officiellement, la France a obtenu ce qu'elle voulait: un "durcissement" des règles applicables, à l'occasion d'une discussion marathon. En réalité, la mariée est bien habillée, mais elle n'a pas grand chose à donner.

Un accord sur les rémunérations

Premier point de l'accord, en trompe l'oeil: la règle sera celle du  “salaire égal à travail égal sur un même lieu", ce qui ne veut bien entendu rien dire, puisqu'elle n'est déjà pas appliquée pour les travailleurs nationaux. En réalité, l'accord de Luxembourg prévoit d'inclure dans la rémunération minimale les éléments annexes de rémunération comme les primes conventionnelles ou les remboursements de transport. Mais, dans la limite du salaire minimal, les travailleurs détachés pourront évidemment être moins payés que les nationaux. 

Ce point peut être considéré, cela dit, comme une victoire française. 

18 mois maximum au lieu de 24

Autre point sur lequel la France peut fanfaronner: la durée maximale du détachement sera ramenée de 24 mois à 12 mois renouvelables une fois pour 6 mois à la demande de l'entreprise. Autrement dit, la France a obtenu une réduction de la durée maximale de 6 mois, quand elle en demandait 12. Facialement, cet accord reste toutefois une victoire.

Le dumping toujours possible

L'accord ne dit rien sur le facteur essentiel qui plombe la compétitivité des salariés français: le coin socio-fiscal. Le poids des cotisations patronales de sécurité sociale (60% du coût du travail) continuera à discriminer les salariés français par rapport à leurs homologues affiliés, pendant leur détachement, à leur système d'origine. 

Ici, la France a manifestement enterré les élucubrations macroniennes d'une affiliation temporaire au régime social obligatoire du pays de détachement. Le serpent de l'ubuesque sécurité sociale française continue donc à se mordre la queue. Et, sur le fond, la France subit ici une défaite continue qu'aucune mesurette de prétendu durcissement ne comblera. 

L'exception du transport routier

Autre défaite française majeure: le transport routier n'est pas concerné par cet accord et fera l'objet d'une négociation spécifique. C'est pourtant l'un des principaux pourvoyeurs de travailleurs détachés. 

Il existe une bonne raison pour laquelle la France a accepté de ne pas toucher à ce secteur: cet "oubli" était le prix à payer pour obtenir le soutien de la Roumanie, de la République tchèque, de la Slovaquie et de la Bulgarie, mais aussi de l'Espagne et du Portugal. 

Vu que la Pologne, la Hongrie, la Lituanie et la Lettonie ont voté contre l'accord, que le Royaume-Uni, l'Irlande et la Croatie se sont abstenus, la France ne pouvait se permettre de se fâcher avec les pays spécialisés dans le transport routier. 

Bref, la France a sauvé la face en obtenant un tout petit accord sur une partie seulement des travailleurs détachés. Pas de quoi triompher. 

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