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Transexualité chez les ados : les bloqueurs de puberté sont de plus en plus prescrits et pourtant personne ne maîtrise vraiment leurs effets de long terme
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Dysphorie de genre

Ces médicaments controversés, qui ont pour but de retarder ou stopper la puberté chez les adolescents, divisent la communauté médicale en ce qui concerne la réalité de leurs effets secondaires sur le long terme.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : la dysphorie de genre est le sentiment d'être en désaccord avec son sexe. C’est l'une des plaintes médicales qui augmentent le plus rapidement chez les enfants et les adolescents. Pour y remédier, on pourra prescrire des bloqueurs de puberté pour que l’adolescent puisse faire son choix plus tardivement. Pourquoi ces bloqueurs hormonaux sont-ils autant prescrits ? Est-ce justifié ?

Dr Stéphane Gayet : La puberté est une rapide et intense modification du corps et du cerveau qui a un caractère irréversible. Elle est programmée génétiquement en type et en date, mais sa date et son intensité dépendent également de facteurs dits environnementaux (sociaux, relationnels, culturels, nutritionnels…). La puberté correspond à la période de l’adolescence. Elle fait passer en quelques années un sujet pré-adolescent à un sujet post-adolescent, adulte jeune en quelque sorte. La puberté s’effectue, selon que le caryotype sexuel (type des chromosomes sexuels) soit XX ou XY, respectivement sur un mode féminin ou bien sur un mode masculin. Tant que la puberté n’a pas été initiée, le corps reste de type infantile, mais une partie du morphotype (aspect physique du corps) est déjà déterminée : ovaires, trompes, utérus, court urèthre, vagin, vulve, petites lèvres, grandes lèvres et souvent forme du bassin (le grand os du bas ventre) chez la fillette ; testicules, épididymes, canaux déférents, prostate, glandes séminales, long urèthre et pénis chez le garçonnet. Tous ces éléments somatiques présents dès la naissance ne pourront être modifiés que par des interventions chirurgicales. La puberté ne fait que provoquer le développement considérable et rapide des organes génitaux internes et externes, et de l’ensemble des caractéristiques sexuelles du corps appelées « caractères sexuels secondaires ». Les seuls nouveaux organes qui apparaissent sont les seins chez la fille et les poils pubiens dans les deux sexes.

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La puberté est déclenchée par une petite région de la base du cerveau appelée hypothalamus qui est en lien avec la vie de relation. C’est lui qui donne le signal du départ. Il produit alors une hormone qui stimule l’hypophyse (située également à la base du cerveau), qui elle-même stimule tous les organes concernés par le développement pubertaire. Le début de la puberté varie chez la fillette de 9 à 15 ans et chez le garçonnet de 10 à 16 ans. On peut bloquer le début de la puberté ou encore bloquer une puberté qui a déjà débuté.

La raison de l’engouement pour les bloqueurs de puberté est multiple. Premièrement, on connaît parfaitement les hormones hypothalamiques, hypophysaires et sexuelles et l’on sait interagir avec elles. Deuxièmement, la notion selon laquelle une personne ne se reconnaîtrait pas dans son genre sexuel, physique et biologique est aujourd’hui assez bien acceptée. Troisièmement, la chirurgie dans ce domaine a accompli d’importants progrès, mais moyennant des dépenses souvent conséquentes. Quatrièmement, on a l’expérience de personnes désespérées parce que « mal genrées » et au contraire celle de personnes épanouies après une intervention médicochirurgicale réussie pour changer leur genre ou sexe prédéterminé.

Ce n’est qu’ultérieurement, des mois et des années après, que l’on peut se prononcer sur le caractère justifié ou non d’une intervention visant à changer de genre ou de sexe.

Sur le plan de la cause, on incrimine aujourd’hui, entre autres, les perturbateurs endocriniens consommés pendant la grossesse mais peut-être également pendant l’enfance.

Comment pouvons-nous nous assurer que ces traitements hormonaux ne sont pas nocifs pour le développement futur de l’adolescent ? Avons-nous déjà des pistes quant aux effets à long terme de ces traitements ?

Ces traitements hormonaux ont toujours une certaine nocivité, parce que les hormones sont des substances biologiques puissantes agissant à faible concentration. Cette nocivité est presque systématique. Mais la question qu’il faut se poser est celle-ci : « Le rapport bénéfices sur risques » vaut-il le coup ? Avec toutes les hormones (substances biologiques puissantes, agissant à faible concentration, produites par des glandes dites endocrines et circulant dans la totalité du corps par le sang) administrées artificiellement et à fortes doses, il existe un risque théorique de cancer à moyen ou long terme. On le sait bien depuis que des habitudes de dopage hormonal ont été prises dans le sport de compétition.

En dehors des effets cancérogènes des hormones administrées à doses supra physiologiques, leur contraire, c’est-à-dire les privations hormonales, ont-elles aussi des effets secondaires ; il ne s’agit en général pas de cancérogénèse (formation de cancers), mais de troubles métaboliques pouvant se montrer néfastes au développement des os, des muscles, de la peau, du cerveau, des yeux, du tissu adipeux (graisseux), etc.

On ne risque pas de se tromper en affirmant que le fait de bousculer le fonctionnement de glandes endocrines a et aura des effets secondaires néfastes à long terme. Dans le corps humain, tous les organes, tous les tissus et toutes les cellules ont des interrelations et toute modification artificielle – surtout intense – aboutira inéluctablement à des perturbations, mais qu’il n’est pas toujours possible de prévoir. Elles peuvent porter sur tous les organes : cerveau, yeux, cœur, foie, reins, poumons, muscles, os, organes génitaux, tissu adipeux, peau, etc. Il est consternant de lire que certains transhumanistes s’imaginent que l’on pourra bientôt mettre le corps humain en équations et en bases de données et que l’on sera capable de tout prévoir et d’agir comme on le veut sur tous les éléments du corps et de l’esprit. C’est une folle prétention que de penser cela. On a longtemps cru qu’un gène chromosomique était une simple unité fonctionnelle du génome ; en réalité, un gène a de multiples fonctions et actions et les interactions entre différents gènes ont un niveau de complexité qui nous dépasse encore, il faut le reconnaître.

Pour répondre à la question posée : hélas, ce n’est que plus tard, peut-être bien plus tard, que nous découvrirons tout ou partie des effets provoqués par les modifications artificielles de la puberté.

La seule clinique pédiatrique spécialisée dans les questions de genre en Angleterre et au Pays de Galles, connue sous l'acronyme GIDS, a vu le nombre de ses patients multiplié par 30 en dix ans. Comment peut-on l’expliquer ? Phénomène social ? Précaution des parents ?

L’adolescence a toujours été une période troublante, difficile et même scabreuse. C’est encore plus vrai aujourd’hui, car tous les repères changent. Les programmes et les méthodes scolaires sont en permanent chamboulement ; les enfants, les préadolescents et les adolescents sont sollicités de toutes parts et reçoivent beaucoup d’informations et de signaux qui se contredisent. Les parents ne savent plus ce qu’il faut faire pour « bien » éduquer leurs enfants et cela aboutit parfois ou même souvent à une forme de démission éducative. La communication incessante et désordonnée charriée par les médias dématérialisés met déjà nombre d’adultes mal à l’aise ; a fortiori les adolescents et préadolescents qui sont aujourd’hui tous ou presque connectés.

Comme nous l’avons déjà dit, les perturbateurs endocriniens sont nombreux dans l’alimentation solide et probablement aussi dans l’eau de distribution. Il arrive que des préadolescents ou adolescents, déstabilisés et même traumatisés par des images et des vidéos pornographiques vues sur internet, ressentent une sorte de dégoût pour le sexe aussi exubérant et violent, d’où la tentation de se tourner vers une homosexualité douce et tendre.

Mais il n’en reste pas moins vrai que le désir sexuel, la pulsion libidinale pousse certaines personnes spontanément vers des personnes du même sexe ou genre. L’homosexualité a toujours existé depuis la nuit des temps. C’est un phénomène qui est fort difficile à expliquer et qui met encore mal à l’aise.

La question qui nous occupe est cependant bien plus complexe : la conviction profonde selon laquelle on appartiendrait psychiquement à un genre différent de celui de notre corps est une réalité dont on n’a pas fini de cerner les contours et les déterminants. En dehors d’une parfaitement possible détermination biologique (d’origine sans doute variée), on ne peut qu’évoquer le rôle des parents, de l’éducation, des frustrations, des traumatismes, d’éventuelles agressions sexuelles, des rencontres, des animaux côtoyés, des lectures, des films, de l’alimentation, des activités, du sport, etc. Il y a mille et une explications possibles à ce qu’il convient d’appeler un phénomène humain atypique qui nous dépasse un peu ou beaucoup.

Dès l’instant où l’on sort ce qu’il faut bien appeler « la normalité », il y a fatalement une forme de culpabilisation des patents et de l’entourage, que les psychologues et psychiatres vont s’efforcer de gommer. Et que dire lorsque des adultes mariés à une personne de l’autre sexe et déjà parents, décident à la trentaine ou la quarantaine de changer de sexe ou de genre ? On ne peut que leur souhaiter de trouver l’épanouissement et d’accéder à la vie à laquelle ils aspirent. Et que deviennent leurs éventuels enfants ? Je présume que les transhumanistes sont un peu muets face à ce phénomène.

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