Thierry Breton, incarnation des travers du “capitalisme” français<!-- --> | Atlantico.fr
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Thierry Breton, le mardi 5 mars 2024, à Bruxelles.
Thierry Breton, le mardi 5 mars 2024, à Bruxelles.
©JOHN THYS / AFP

Situtation critique

Thierry Breton, ex-patron du groupe français Atos, dont la descente aux enfers continue, s'est considérablement enrichit avant de quitter la direction du fleuron de l'informatique

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Fin 2023, le Canard Enchaîné a révélé que Thierry Breton avait cédé l'intégralité de ses actions pour la somme considérable de 45 millions d'euros avant impôt. À la suite de son départ à la retraite, il percevra une pension annuelle de 711 000 €, ayant dû préalablement débourser 20 millions d'euros pour garantir cette rente. Dans quelle logique s’inscrit Thierry Breton dans l'économie française et dans le capitalisme à la française ?

Don Diego de la Vega : Il symbolise beaucoup de choses. Je n'utiliserais pas le terme de capitalisme car celui-ci est associé aux droits de propriété. Quand on évoque Elon Musk ou Mark Zuckerberg, on parle du capitalisme américain ou mondial, lié à la Silicon Valley, etc. Thierry Breton, quant à lui, bien que les sommes mentionnées puissent choquer, ne représente pas le capitalisme. Il incarne plutôt une forme de super salariat de luxe destiné aux oligarques et aux anciens ministres bien connectés. C'est une manière avantageuse de tirer profit de son réseau, d'intégrer des conseils d'administration et d'occuper des postes de direction dans des entreprises qui étaient autrefois largement régulées par l'État, alors qu'il était ministre de l'Économie. Il s'octroie des salaires somptueux et une retraite dorée. Toutefois, il n'a jamais eu un poids significatif dans l'actionnariat d'Atos. Il n'était ni le fondateur ni parmi les dix principaux actionnaires. Il a simplement su exploiter une opportunité, en tirant profit de la situation avant que le navire ne sombre. Sous sa présidence, entre 2009 et 2019, Atos a tenté de s'agrandir démesurément par le biais de fusions-acquisitions, s'endettant considérablement et déséquilibrant sa structure financière. Cependant, Breton s'est éclipsé avant que les conséquences n'apparaissent. Malin et chanceux, il a trouvé un poste de commissaire européen lui permettant de donner des leçons de capitalisme, malgré un bilan peu reluisant. Son départ lui permettra en effet de percevoir des millions, mais ce n'est ni du capitalisme, ni même du capitalisme de connivence ; c'est presque à la limite de la mafia, franchissant les frontières de l'oligarchie. Si un proche de Poutine agissait de la sorte, les réactions seraient bien différentes.

Au cours de ces dernières années, n'a-t-il pas été mis en place des mesures pour prévenir de tels abus, comme la création de comités d'éthique et de déontologie ?

Ces comités, composés en grande majorité de personnes partageant le même parcours, sont censés limiter ce genre de situations. Cependant, ce type de cadres a tendance à proliférer, notamment depuis que des institutions telles que la Caisse des dépôts et consignations et la Banque publique d'investissement exercent une influence croissante sur une partie du capitalisme français. J'avais d'ailleurs anticipé le scandale Atos et n'ai jamais détenu d'actions de cette entreprise en raison de ces problèmes récurrents. On pourrait même envisager d'en faire une loi. Il y a déjà 50 ans, on disait qu'il ne fallait jamais investir dans une entreprise ayant des liens étroits avec l'État français. Cette règle semble toujours d'actualité. Aucune entreprise fortement liée à l'État ne semble prospérer sur le long terme en France, à l'exception notable du secteur du luxe et de quelques autres cas isolés en dehors de ce domaine. Généralement, le secteur technologique est épargné car il est moins dépendant de l'État. Mais malheureusement, Atos représente une exception. En général, les secteurs comme l'armement, l'agriculture ou la culture, fortement régulés par l'État, sont à éviter pour les investisseurs.

Peut-on reprocher quelque chose à ces acteurs sur le plan judiciaire ?

Il serait peut-être nécessaire d'ouvrir une enquête parlementaire, bien que celle-ci risque de ne pas aboutir à des sanctions réelles. Ces personnalités, souvent issues des corps des mines ou des inspecteurs des finances, sont protégées par leur position et leur réseau. Leur impunité est quasi-assurée car elles détiennent des informations sensibles sur de nombreuses autres personnes. Même en cas de commission d'enquête ou d'intervention de la justice, les conséquences sont généralement minimes. Il existe une totale impunité pour ces individus, malgré les échecs retentissants et parfois coûteux pour le contribuable. La justice semble plus sévère en Chine, où certains dirigeants peuvent être sévèrement sanctionnés pour leurs fautes. Pourtant, en France, la fraude doit être prouvée avec des éléments tangibles, ce qui est souvent difficile. Néanmoins, s’il est clair qu'il y a eu une forme de capitalisme de connivence, voire de l'incompétence, prouver une fraude est une autre affaire. Une enquête approfondie pourrait apporter des réponses, mais il est peu probable que cela se produise et même si c'est le cas, les sanctions seront probablement minimes.

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