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Températures records pour le 8e mois consécutif : cet effrayant niveau de pollution atmosphérique que nous fait oublier l’emballement médiatico-politique post COP21
©Reuters

On tousse

Alors que les températures mondiales ont atteint des niveaux record au cours des 8 derniers mois, la concentration en CO2 dans l'atmosphère a également franchi un seuil record au mois de mars. Le signe qu'en dépit de la COP 21, l'intégration de la question climatique dans les modèles économiques demeure largement insuffisante.

Henri Landes

Henri Landes

Henri Landes est Directeur général de la Fondation GoodPlanet. Il enseigne aussi la politique de l’environnement à SciencesPo Paris depuis 2013 et est le cofondateur de CliMates, un think et do tank sur le changement climatique. Il a également cofondé une start up, Croc, un traiteur bio, local et zéro déchet en Ile-de-France. Franco-américain, il s’intéresse à la comparaison entre la politique américaine et la politique française, notamment sur les questions écologiques. Il est le coauteur avec Thomas Porcher de l'ouvrage sur la COP21, Le déni climatique (novembre 2015) et auteur de Allô Houston, ouvrages respectivement sur la politique climatique internationale et sur la politique américaine. Diplômé de SciencesPo Paris en Affaires internationales et de l’Université de Californie, Davis, Henri Landes a grandi a New York et San Francisco avant de s’installer à Paris en 2009. Il est passionné par la biodiversité marine, et est par ailleurs ancien joueur de tennis de haut niveau.

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Atlantico : Alors que les températures mondiales ont atteint des niveaux record au cours des 8 derniers mois, la concentration en CO2 dans l'atmosphère a également atteint un niveau record au mois de mars, dépassant les 400 ppm. Dans quelle mesure  la COP 21 et les objectifs de long terme fixés, ont-ils eu un effet de masque sur la réalité de la situation actuelle ? Le contexte 2016 appelle t-il des réponses plus radicales et plus rapides ? Sommes-nous passés, discrètement, à un stade supérieur de dégradation ?

Henri Landes : Nous ne sommes pas passés tout d'un coup à un stade supérieur de dégradation. Celle-ci est progressive et en cours depuis des décennies. Quand on émet du CO2 dans l'atmosphère, il y reste pendant des centaines voire des milliers d'années. Ainsi, il y aura un minimum de réchauffement de la planète quoi qu'il arrive. 

Ce n'est pas en 2016, ni en 2015, que nous aurions du découvrir l'urgence climatique. Il aurait fallu commencer à réduire nos émissions de gaz à effet de serre dès que la science était claire, il y a presque trente ans. Nous avons encore une toute petite fenêtre de temps pour agir suffisamment, donc nous devons rester optimistes. Cependant, nous devons aussi être plus exigeants. A l'heure actuelle, nous n'allons pas assez vite dans la sortie de l'énergie fossile, la maîtrise de notre consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables. 
La transition énergétique et écologique est une formidable opportunité d'un point de vue social, de santé publique et économique. Mais il faut se rendre compte que nous ne verrons que très peu les effets positifs de la transition écologique et énergétique sur les températures et les conditions météorologiques de la planète. D'un point de vue de conditions climatiques et météorologiques, nous avons beaucoup plus à perdre qu'à gagner. L'enjeu de la transition énergétique et écologique est d'éviter plus de dégâts et plus des perturbations des cycles naturels. Il s'agit d'éviter que notre planète soit de moins en moins habitable. Certaines régions de l'Afrique ont connu des températures de plus de 50 degrés l'année dernière. Ici en France, la canicule de 2003 pourrait devenir un été normal d'ici la fin du XXI siècle.
Dans notre manque d'action pour le climat, nous montrons que sommes anesthésiés à ce qui est lent et progressif, et sensibles seulement à ce qui relève de l'immédiateté. Or, le changement climatique provoque des tendances de changement et de catastrophes naturelles. Il ne faut pas en attendre une pour agir.
Avec la transition écologique, nous pouvons aussi espérer préserver la biodiversité, les espèces animales et végétales, les écosystèmes. Cela est perceptible mais encore une fois, davantage sur le moyen et le long terme. 

Ségolène Royal a annoncé ce mardi 21 juin la mise en place dès le 1er juillet d’un système de vignettes automobiles correspondant à différents niveaux de pollution pour lutter contre la pollution de l'air. Néanmoins, ces vignettes ne seront pas obligatoires. Outre le fait que les responsables politiques ne tireront aucun crédit des politiques contre le changement climatique (dans la mesure où elles ne porteront pas leur fruit avant plusieurs années), quels sont les autres freins à une action plus volontariste ? 

Les mesures volontaires sont vertueuses si la communication est robuste, la technologie et les outils sont accessibles au plus grand nombre, et si elles précèdent des mesures plus contraignantes dans l'avenir. Il est opportun et acceptable de dire que dans trente ans, les énergies fossiles seront interdites et obsolètes. Il est acceptable de dire que les voitures diesels seront proscrites dans dix ans. Nous n'avons plus le luxe de compter uniquement sur la volonté des entreprises de modifier leurs modèles économiques sans un message clair et fort. Nous avons de nombreux autres interdits dans notre société. La préservation de l'air, de l'eau et du milieu naturel mérite des mesures d'interdiction aussi, notamment par ce qu'il s'agit des questions de santé publique. 
Contrairement à ce que nous pensons souvent, ne pas dire les choses et ne pas présenter les mesures de manière simple nuit à l'acceptabilité sociale de la transition écologique. Les rapports sur le climat et la pollution de l'air sont très alarmants. Idem sur la disparition des espèces. Présenter comme solutions des mesures très complexes, avec pleins d'exonérations et de mécanismes de flexibilité pour les acteurs économiques (tel que le marché carbone), envoie le message que le problème n'est, en fait, pas si urgent que ça. Ce décalage entre gravité du problème et fragilité des mesures proposées doit être résolu.

Quel est le risque que la lutte contre le changement climatique se limite aux grandes annonces faites lors des conférences internationales sur le climat ? Avec quelles conséquences ? 

La COP21 devrait marquer le basculement de l'économie mondiale. Il a envoyé un signal sans précédent. Mais c'est seulement la volonté politique de tous les acteurs par la suite - politiques, économiques et société civile - qui déterminera le succès de l'événement et de l'accord.
De côté des responsables politiques, cette volonté a été insuffisante mais surtout volatile. Historiquement, l'alternance politique a desservi la protection de l'environnement. Plus qu'aucun autre sujet, la préservation du climat et de l'environnement a besoin de constance. C'est d'ailleurs une condition pour l'engagement réel des entreprises. Un parti politique qui défait, ou qui annonce défaire, ce qui a été mis en place par le précédent est extrêmement néfaste pour la lutte contre le changement climatique, autant d'un point de vue d'efficacité que de crédibilité. Deux exemples sont Tony Abott en Australie qui a annulé la taxe carbone, et Donald Trump aux Etats-Unis qui annonce annuler la ratification de l'accord de la COP21 s'il est élu.
C'est pourquoi il est nécessaire de non seulement élire des représentants éclairés sur les questions climatiques (le terme éclairé est le moindre qu'on puisse dire aujourd'hui) mais aussi de placer la politique environnementale au dessus des clivages politiques. Inscrire ses principes dans la constitution, les défendre grâce a une chambre des intérêts de long terme, harmoniser les mesures au niveau mondial, telles sont des solutions au problème du court-termisme politique qui détruit notre environnement.

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