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Suppression des notes de vie scolaire : nouveau symptôme d'une société devenue allergique à l'autorité
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Casser le thermomètre

Les parents d'élèves dénoncent les dérives de la note de vie scolaire et demandent aujourd'hui sa suppression des collèges. Cette note comprend notamment l'assiduité , le respect du règlement intérieur et la "participation de l'élève à la vie de l'établissement.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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La note qui cache la forêt

Créée en 2006, cette note de vie scolaire avait pourtant été acceptée par tout le monde. Aujourd’hui, parents et professeurs souhaitent son retrait, pour cause de flou dans les critères d’attribution, pour cause de variation d’une académie à l’autre, d’un établissement à l’autre, mais la réalité va bien au-delà de cet effet de surface entre parents, profs et élèves, lesquels ont tous quitté leurs places respectives et laissé leurs alliances au fond du tiroir, selon un lent processus entamé voici une quarantaine d’années. Les quinquagénaires et plus ont un souvenir ému ou cuisant de cette époque, quand parents et enseignants portaient cette alliance éducative et toisaient ensemble ces élèves contrevenants qui eux-mêmes s’appliquaient à cacher les vicissitudes les moins glorieuses de leur vie scolaire de peur d’en reprendre « une couche » à la maison. Epoque révolue car le divorce est depuis consommé entre parents et enseignants, les premiers culpabilisés par le matraquage médiatique de poser les cadres à leurs enfants devenus précieux, les seconds, incités par les réformes incessantes, à « tenir compte de la personnalité de l’élève », à le placer « au centre de ses apprentissages ». L’autorité a été décrétée « traumatisante » et la société tout entière oscille entre cette réticence à « brimer » ses enfants dès le plus jeune âge et cette volonté de les voir devenir de grands garçons et filles sérieux une fois arrivés au collège… de manière à ce que leur conduite ne nécessite pas la mise en place de la moindre « note de vie scolaire ». Car c’est bien devant l’augmentation des actes d’incivilité et de la violence quotidienne qu’il a fallu se résoudre à essayer cette « solution » de la note. L’avantage de cette « sortie des cadres » de la part des collégiens les plus pénibles est qu’il est largement possible de l’anticiper, elle ne commence pas en 6ème. Pas plus d’ailleurs que le sérieux et l’autonomie ne se décrètent au même âge. Tout cela se construit au fil des ans, commence dans les familles avant la première rentrée en petite section, se continue à l’école maternelle et se boucle en grande partie avant l’âge de six ans, de nombreux spécialistes n’ont cessé de le dire haut et fort. Il y a une forme de schizophrénie chez les adultes qui encadrent tous ces enfants à s’émerveiller devant les tout-petits à qui l’on passe tout sous prétexte que justement ils sont petits et leur désir de les voir sérieux, disciplinés et bons élèves dix ans plus tard : ce n’est tout simplement pas possible.

Il faut arrêter de confondre l’autorité et l’autoritarisme, comprendre que l’autorité permet à l’enfant de se situer par rapport aux adultes, au bien, au mal, à l’interdit et à l’autorisé et finalement, cette autorité juste, cohérente et conjointe des parents, des professeurs et des moniteurs divers gravitant autour de l’enfant, préside à sa construction et sa socialisation. L’autoritarisme est injuste, brimant et destructeur.

Au bout : la dictature ?

Chaque parent doit comprendre le pourquoi de sa réticence à dire « non », à frustrer son enfant petit, à passer par-dessus sa culpabilité de n’être pas suffisamment présent auprès de ses enfants, de ne pas pouvoir leur offrir ce qu’il y a de  meilleur. Ce qu’un enfant a de meilleur, bien souvent, sont ses parents eux-mêmes, pas les tonnes de jouets ou la levée des interdits qui compensent nos culpabilités. Pour ce petit humain que nous chérissons, la frustration sera de toute façon au bout de la route et plus elle arrive tard, plus elle est difficile à digérer, plus elle occasionne des débordements et de la violence. Sans compter nos propres violences d’adultes que nos enfants, inévitablement, reproduisent.

Chez les profs, il faut se remettre de ces années de « copinage », de ces tutoiements, de ces dialogues d’égal à égal, de ces jeans, de ces pulls et de ces clopes, partagés avec les élèves à une certaine époque. Au ministère, il faut revenir de cette mode de centration du système autour de l’enfant, ne pas faire de nos têtes blondes des centres du monde pendant toute leur jeunesse pour finalement exiger d’eux qu’ils deviennent des pions anonymes de la société de consommation une fois adultes.

Quand les adultes, parents et profs, divorcent, c’est l’enfant qui prend le pouvoir, tant et si bien qu’il devient parfois impossible de faire cours. L’enfant marchande ses notes, se pose à l’égal de ses parents, de ses profs, quand ce n’est pas pire, met la pression sur ses parents pour qu’ils aillent défendre son cas auprès des professeurs… à tel point que nombre de parents, dont on se demande aujourd’hui s’ils ne sont pas devenus minoritaires, se sentent comme des OVNIs éducatifs quand ils persistent à vouloir tenir les cadres familiaux et disciplinaires.

Non, cette note de vie scolaire n’était pas la bonne solution, on aura eu au moins le mérite d’essayer quelque chose. Les solutions à la mode sont technologiques et coercitives : un policier derrière chaque individu, une caméra à tous les coins de rues et des alarmes partout… quel monde leur préparons nous à force d’éviter à tout prix la question de l’autorité et du vivre ensemble ? La dictature : un enfer est toujours pavé de bonnes intentions.

Casser le thermomètre

Quand l’enfant est petit, il est trop petit, trop chou et l’autorité risquerait de le « brimer dans son développement psychoaffectif », quand il est à la maternelle, il est encore petit, « il a bien le temps ». Au primaire, « ce n’est pas bien grave », les choses sérieuses n’ont pas encore commencé, « ça va s’arranger ». Au collège, l’excuse devient « la crise d’adolescence » et après… après il est trop tard. Notre réticence à aborder la question de l’autorité signe notre incapacité, à nous, adultes, à permettre à nos enfants de se construire et de vivre ensemble. Car ne l’oublions pas, cette violence et ces incivilités que nous prétendons toujours combattre ont principalement lieu entre les jeunes eux-mêmes. Nous les rendons incapables d’intégrer notre monde, incapables de le rendre meilleur et souvent même, incapables de vivre ensemble. Alors oui, supprimons cette note puisqu’il s’avère, après essai, qu’elle n’a pas eu les effets escomptés. Mais ce faisant on va casser à nouveau un thermomètre, ce qui ne fera pas tomber la température.

Il va falloir se souvenir de nos rôles de pères et de mères, remettre les couples d’adultes au centre des familles en lieu et place des enfants qui eux doivent, dès le départ, se préparer à nous quitter. On pourrait chez les profs, se souvenir du costume cravate, du vouvoiement, de la distance et du respect nécessaires à l’enseignement, remettre en place une formation professionnelle digne de ce nom. Et puis, reprendre cette alliance éducative entre adultes dont nous ne savons même plus dans quel repli du temps elle s’est perdue… mais cela va prendre bien plus de temps que les cinq années d’un seul quinquennat.

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