Super bactéries résistantes aux antibiotiques : la pandémie silencieuse qu’on ne sait pas combattre<!-- --> | Atlantico.fr
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Une employée dans un site de fabrication de médicaments.
Une employée dans un site de fabrication de médicaments.
©PHILIPPE MERLE / AFP

Recherche médicale

Certaines bactéries qui résistent aux antibiotiques font peser de plus en plus de risques pour les patients et les systèmes de santé.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Un article du Financial Times évoque la résistance de super bactéries vis-à-vis des antibiotiques. Quelle est l’ampleur de ce phénomène ? Et pourquoi est-il possible de parler de pandémie silencieuse ?

Antoine Flahault : La résistance anti-microbienne est silencieuse parce qu’elle n’est pas spectaculaire. Elle fauche souvent des personnes hospitalisées en soins intensifs ou atteintes de maladies graves et alors les décès s’égrainent silencieusement. Lorsqu’une personne meurt d’une septicémie parce que le germe était résistant on dit qu’elle est décédée d’une infection grave mais on précise rarement qu’elle est en fait décédée parce que les antibiotiques disponibles n’étaient plus suffisamment efficaces. Si quelqu’un meurt de la tuberculose, il est comptabilisé comme tel dans les statistiques de décès, sans toujours mentionner que le bacille tuberculeux était alors multi-résistant aux antibiotiques. On peut donc parler de pandémie silencieuse parce que tout le monde est concerné. C’est un problème majeur de santé globale qui touche les pays pauvres comme les pays riches. On estime que les résistances antimicrobiennes tuent chaque année 1,3 million de personnes, et qu’elles pourraient causer entre 10 et 20 millions de décès par an à l’horizon 2050. Pour situer ce chiffre, la mortalité par cancer dans le monde, qui est la première cause de décès, représente 10 millions de décès annuels aujourd’hui.

Quels risques et menaces font peser ces super bactéries résistantes aux antibiotiques pour le système de santé, les malades et la recherche ?

Le risque des bactéries résistantes est d’être emporté par une maladie infectieuse causée par elles parce qu’on ne sait pas la traiter, le germe en cause échappant désormais à tous les antibiotiques existants. Ce problème existe avec tous les agents pathogènes, les bactéries comme le staphylocoque ou le bacille de la tuberculose, les parasites comme le plasmodium responsable du paludisme, les champignons et les virus, comme celui responsable du SIDA. On a vu avec la pandémie de Covid-19 que l’on n’en avait pas terminé avec les maladies infectieuses. Elles peuvent être capables de saturer le système de santé, voire de paralyser les économies de toute la planète.

La résistance aux antimicrobiens tue déjà des millions de personnes, selon le Financial Times. Et ce phénomène devrait s’aggraver. Pourquoi les grandes sociétés pharmaceutiques et les laboratoires ne sont guère incités à s’attaquer au problème ? Y a-t-il des obstacles sur le plan scientifique ou médical ?

Le paradoxe pour les industriels du médicament est que lorsqu’ils découvrent un nouvel antibiotique efficace contre une bactérie résistante, les experts recommandent leur utilisation avec parcimonie, tellement ces produits deviennent précieux. Si on les utilise trop largement, ils vont rapidement devenir à leur tour inefficaces par le développement de nouvelles résistances. Les fabricants ne peuvent donc pas développer de marché lucratif avec de nouveaux antibiotiques. Il n’y a pas de modèle économique incitatif avec les antibiotiques pour le secteur industriel. Les fabricants se tournent alors vers d’autres domaines plus rentables de la pharmacopée, comme les anti-hypertenseurs ou les anticancéreux. L’UE ou les USA cherchent des mécanismes incitatifs pour stimuler la recherche et le développement sur les antibiotiques, par exemple en octroyant aux fabricants des prolongations de brevets qu’ils peuvent utiliser pour les antibiotiques découverts, ou même pour d’autres médicaments de leur portefeuille voire même, dans le cas de petites startups entrant sur le marché, la possibilité de revendre ces prolongations de brevet à d’autres industriels. Il y a aussi des États qui proposent aux industriels, en cas de découverte d’une molécule efficace, des enveloppes bien dotées et indépendantes du volume des ventes ultérieures. Malgré cela, peu d’industriels sont enclins à se lancer dans la course, tant elle est onéreuse (plusieurs milliards d’euros) et dont les résultats sont incertains.

À l'été 2021, des chercheurs du MIT et de l'Université McMaster au Canada ont alimenté un algorithme avec 7 000 composés chimiques dans l'espoir d'en identifier un qui pourrait tuer Acinetobacter baumannii. Décrites par Jonathan Stokes, l'un des scientifiques impliqués, comme un pathogène « notoirement difficile », les souches d'Acinetobacter sont devenues résistantes aux antibiotiques au cours des dernières décennies. Pourquoi est-il si difficile d'arrêter cette « pandémie silencieuse » ? Quelles seraient les solutions pour mieux la combattre ? L’intelligence artificielle et la recherche peuvent-elles apporter des solutions face aux super bactéries résistantes aux antibiotiques ?

L’Intelligence Artificielle est en effet en train de devenir un acteur intéressant dans la phase initiale de la recherche de nouvelles molécules prometteuses. Mais elle ne peut pas accélérer le processus de développement du médicament. L’IA ne se substitue pas aux essais pré-cliniques (sur l’animal), ni aux essais cliniques qui nécessitent toujours plusieurs années pour chacune des molécules prometteuses identifiées. Si des algorithmes d’IA permettent de sélectionner, à partir de plusieurs milliers de molécules candidates, celles qu’il faut retenir pour procéder aux essais cliniques, cela peut représenter une aide considérable en raccourcissant les délais de mise sur le marché.

Financial Times

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