Standard & Poor’s, très bonne nouvelle pour Bruno Le Maire, mais très mauvaise pour Elisabeth Borne<!-- --> | Atlantico.fr
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L'agence de notation Standard & Poor's a maintienu la France dans le club des bons élèves.
L'agence de notation Standard & Poor's a maintienu la France dans le club des bons élèves.
©DON EMMERT / AFP

Atlantico Business

Quand S&P maintient la France dans le club des bons élèves, comme Moody’s l’avait fait, ça signifie que la France a les moyens de supporter sa dette. Quand Fitch dégrade la note de la France, c’est parce que les conditions politiques ne sont pas réunies.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Dès que Standard & Poor’s a rendu public sa décision de maintenir le « AA » de la France, Bruno Le Maire s’est félicité de cette notation en rappelant qu’il fallait y voir un «  signal positif sur la stratégie du gouvernement en matière de finances publiques. » 

Bruno Le Maire a raison, c’est une bonne nouvelle. Pour Elisabeth Borne en revanche, la résonnance de ce diagnostic est beaucoup moins favorable. Et pour cause. 

Après le verdict de Fitch qui n’était pas bon, il y a deux semaines, le diagnostic de S&P était attendu avec un peu d’inquiétude par les membres du gouvernement même si on sait que les avis d’agences sur les Etats ont assez peu d’importance  pour les marchés, elles ont quand même une incidence politique. D’ailleurs l’opposition à Emmanuel Macron se réjouissait presque d’un avis négatif pour renforcer les critiques et relancer son opposition au gouvernement. Le débat n’a pas été a la hauteur de ce que les opposants à  Macron espéraient. Avec S&P ils ont été franchement déçus. 

Standard & Poor’s a accordé une sorte de quitus à la politique économique et ne dit rien de la situation politique qui pourtant reste agitée et vulnérable. 

Or si la situation économique et budgétaire est de la responsabilité du ministre de l’économie Bruno Le Maire, la situation politique est principalement du ressort de la première ministre Elisabeth Borne qui avait pour mission de trouver une majorité ce qu’elle n’a pas réussi à faire. 

Ce qui est intéressant dans l’analyse des agences de notation, c’est qu’elles ne fondent finalement pas leurs décisions sur les mêmes critères 

-Standard & Poor’s, tout comme Moody’s  mesurent la qualité de la politique economique de la France et notamment la stratégie de « consolidation budgétaire ». En clair, l’agence américaine S&P notamment fait allusion à la réforme des retraites, la fin programmée du quoi qu’il coûte et de toutes les aides énergétiques au moment où les prix des hydrocarbures ont commencé à baisser. Sans parler des  engagements de redressement envoyés à Bruxelles. 

-Mais Fitch qui avait dégradé la note de la France  elle, avait justifié sa décision par la fragilité sociale et politique du pays. En clair, le gouvernement n’ayant pas de majorité  n’a pas réussi à ramener le calme dans le pays, ce qui a provoqué près de six mois de manifestations et de désordre. Sous-entendu, le président de la République et surtout la première ministre ne sont pas en mesure de faire passer les réformes nécessaires d’où les perspectives négatives publiées par l’agence. 

Au-delà des effets de politique politicienne, la question est de savoir exactement comment fonctionnent les grandes agences de notation mondiales. 

1°) Il en existe trois dans le monde qui trustent 97 % du marché mondial de la notation. Leur rôle est de mesurer la capacité d’une institution ( entreprise privée ou publique ) à soutenir sa dette et de faire face à ses engagements. Elles travaillent pour les entreprises ou les organisations politiques qui ont besoin d’emprunter sur les marchés de l’argent afin qu’ils puissent garantir leur sérieux et leur solvabilité. Elles travaillent aussi pour les institutions financières qui prêtent de l’argent pour mesurer la qualité de leurs clients et estimer les risques que ces clients présentes. Il est évident que ces analyses sont des marqueurs de confiance réciproque et interviennent dans la fabrication des  taux d’intérêt et des taux de risques. 

2°) La France fait partie des grands pays industrialisés du monde. Sa note n’est pas mauvaise. Sa cotation en général évolue entre le triple AAA quand ça va très bien (peu d’endettement et très bonnes perspectives de croissance) et le double AA (quand la dette a augmenté et que les objectifs n’ont pas été atteints, (à partir des années 1970 ) Cela dit le double AA figure parmi les notes les hautes et signifie que la capacite de remboursement des dettes est encore très forte. Donc sans risques. En Europe, l’Allemagne et les Pays-Bas sont parmi les pays au monde les mieux notés. 

Actuellement, on ne peut pas dire que l’état des finances publiques de la France soit excellent et que les perspectives soient rassurantes. Début avril, l’agence Moody’s n’avait pas considéré que la situation était inquiétante. S&P, aujourd hui est  sur la même ligne. En fait l’agence américaine de notation s’inquiète d’abord des conditions de soutenabilité de la dette publique et regarde très précisément le poids de la charge de la dette par rapport au PIB, plus que le montant global de la dette.

Si la dette publique française atteint les 115 % du PIB, ça parait exorbitant, puisqu’elle montant global de la dette est supérieur à 3000 milliards… Si le montant global de la charge financière représente 50 milliards par an, c’est important puisque ça approche le montant des recettes de l’IRPP, mais pour les agences de notation, comme pour les banquiers ça ne représente guère que 2 à 3 % du PIB. C’est donc gérable. Ajoutons que face aux dettes, la France possede plus de 4000 milliards d’epargne liquide et disponible.  D’où la prudence soulagée et même rassurante du ministre de la économie face au diagnostic de S&P. 

3°) Sur le plan politique en revanche, c’est différant. Du côté de Matignon, on apparaissait donc beaucoup plus inquiet en ce début de semaine. Contrairement aux deux grandes agences ( Moody’s et S&P) l’agence Fitch a dégradé et a justifié sa mauvaise note  essentiellement par l’instabilité de la situation politique puisqu’ il n’y a toujours pas de majorité à l’Assemblée nationale contrairement à ce que voulait obtenir la première ministre, ensuite on sent bien que la colère sociale ne s’est pas calmée et qu’elle est dirigée contre le pouvoir exécutif ce que souligne Fitch. Enfin les critiques de l’agence Fitch portent davantage sur la situation politique que sur la situation économique et financière. Or ça n’est pas forcément le rôle premier d’une agence de notation que d’apprécier la politique politicienne d’un pays. Ce n’est pas son premier souci. 

Les divergences d’approche entre S&P et Fitch vont d’ailleurs alimenter les débats. Le rôle premier d’une agence de notation est de faire un check-up des garanties financières  souligne la grande majorité du monde du business. Sauf que certains observateurs font remarquer que l’instabilité politique peut être facteur  de difficultés financières. Et c’est bien l’idée que Fitch a cherché à diffuser en justifiant ainsi son diagnostic. 

A l’actif de Fitch, on ne peut pas dire que la communication sur la politique économique ait été très cohérente et très stabilisée depuis qu’Elisabeth Borne est à Matignon. 

Si le fond de la politique économique correspond aux objectifs et c’est un peu ce que disent S&P et Moody’s, Bruno Le Maire  ministre de l’économie et numéro 2 du gouvernement n’a pas trop de soucis à se faire. Si le problème français est principalement d’ordre politique, comme le suggérait l’agence Fitch, Elisabeth Borne a raison d’être stressée et inquiète.

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