Sommet de l’OTAN sous tension à Varsovie les 8 et 9 juillet : comment l’alliance atlantique et la Russie s'y préparent en s'intimidant mutuellement<!-- --> | Atlantico.fr
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On assiste au renforcement de la présence militaire de l’Alliance avec une force de réaction rapide renforcée en Pologne, de nouveaux drones Predator en Lituanie, et l’arrivée d’avion de 5ème génération de type F-22 en Pologne.
On assiste au renforcement de la présence militaire de l’Alliance avec une force de réaction rapide renforcée en Pologne, de nouveaux drones Predator en Lituanie, et l’arrivée d’avion de 5ème génération de type F-22 en Pologne.
©Reuters

Coexistence pacifique ?

Du 8 au 9 juillet, se tiendra le sommet de l'OTAN à Varsovie. Si de nombreux dossiers seront évoqués (cybersécurité, Monténégro, renforcement du budget militaire de l'Allemagne),l'enjeu majeur de la rencontre sera le renforcement de la sécurité dans les états baltes. En effet, fréquemment soumise aux incursions aériennes et provocations de Moscou, cette région représente la nouvelle ligne de confrontation entre l'Occident et la Russie.

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

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Atlantico : Du 8 au 9 juillet, se tiendra le sommet de l'OTAN à Varsovie. Selon le ministre des Affaires étrangères polonais, "la Russie poursuit le renforcement de sa présence militaire du nord au sud, y compris dans la région de la mer Baltique. Elle essaie de tester la cohésion et la solidarité de l’Alliance en multipliant les provocations militaires et en créant des tensions". Dans quelle mesure les Etats baltes représentent-ils la nouvelle ligne de confrontation entre l'Occident et la Russie ? Quel est le risque que la situation "explose" ?

Michael Lambert : La relation entre les pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) et la Russie est devenue préoccupante depuis les cyber-attaques du Kremlin en 2007. Cette région singulière comporte de nombreux risques dans la mesure ou elle rassemble plusieurs facteurs qui peuvent générer d’intenses tensions entre l’Europe et la Russie : la présence de minorités russophone en Estonie et Lettonie, le projet Nord Stream II qui passe par la mer Baltique, l’enclave de Kaliningrad qui connait une re-militarisation intensive, et naturellement le petite taille des États. Qui plus est, les petits États baltes sont les plus averses à la politique de Moscou et ce depuis la fin de la Guerre froide, et leur tendance pro-Europe et pro-OTAN amène la Russie à adopter une diplomatie de plus en plus agressive vis-à-vis de ces derniers.

Avec le retour de Moscou sur la scène militaire internationale, l’annexion de la Crimée et la mise en place du processus de Guerre hybride dans le Donbas en 2014, les pays Baltes, l’Union européenne et l’OTAN craignent une nouvelle Guerre hybride mais cette fois-ci en Estonie et Lettonie. En conséquence, l’Alliance souhaite renforcer sa présence militaire avec une force de réaction rapide sur le terrain, envoyer des drones Predator en Lituanie et  accroître la sécurité de l’espace aérien en Pologne.

La situation pourrait facilement dégénérer en raison d’un élément diplomatique mineur qui impliquerait la population russophone sur place, ou bien en raison d’un débordement suite à une provocation russe qui tournerait mal comme ce fut le cas en Turquie. Cependant, le risque le plus conséquent reste celui que représente la mise en place du processus de Guerre hybride dans la mesure ou certaines zones sont plus vulnérables que d’autres, comme à Tallinn et Narva en Estonie ou se trouvent actuellement de nombreux russophone (24% de la population du pays). L’Alliance ne disposant toujours pas de processus de contre-Guerre hybride, cette situation pourrait engendrer une incapacité de réponse en raison de l’impossibilité d’appliquer l’Article 5 du Traité de Washington, ce qui déstabiliserait la cohésion interne de l’Alliance, de l’Union européenne et de la zone euro dans la mesure ou tous les États baltes sont membres de ces trois espaces. 

Depuis l'annexion de la Crimée il y a deux ans, à quelles manœuvres la Russie s'est-elle livrée dans la région de la Baltique ? Quelle est la réponse apportée par l'OTAN aux provocations russes ? Le renforcement de l'OTAN dans cette région permettra-t-il de dissuader une éventuelle attaque russe ?

La Russie a accentué sa présence en mer Baltique avec notamment une modernisation du système radar anti-missile et d’espionnage dans son enclave de Kaliningrad en 2011, a cet élément s’ajoute la mise en place de systèmes anti-aériens de type S-400 et un projet de passage au S-500. la Russie dispose également de nouveaux avions de 5ème génération de type T-50, ce qui rend diminue considérablement la performance des radars de l’OTAN et amène à une supériorité des forces russes face aux avions comme l’Eurofighter (UE), le Rafale (France) et le Grippen (Suède), tous de 4ème génération.

De manière plus inquiétante, on note un souhait du Kremlin de provoquer les troupes de l’OTAN et les pousser à la faute, comme en atteste les manœuvres risquées de Su-24 russes au-dessus d’un navire de l’OTAN (US) il y a quelques semaines. A cela s’ajoute des éléments consternants comme l’interception par la Royal Air Force et l’Armée de l’Air française de deux bombardiers nucléaires russes au-dessus de la Manche, ces derniers  ont pu pénétrer par l’espace Balte sans être immédiatement identifiés. Tous ces éléments incitent à la prudence et à ne surtout pas répondre aux provocations de Moscou, qui pourrait en profiter pour justifier une intervention militaire rapide.

La réponse de l’OTAN reste pour le moment pragmatique et vise à la mise en place d’un discours normalisateur et pacifiste comme l’a montrée la déclaration du Secrétaire Général de l’OTAN à l’Université de Varsovie en mai 2016. En parallèle, on assiste au renforcement de la présence militaire de l’Alliance avec une force de réaction rapide renforcée en Pologne, de nouveaux drones Predator en Lituanie, et l’arrivée d’avion de 5ème génération de type F-22 en Pologne. Ce renforcement devrait permettre de dissuader la Russie de se livrer à une intervention rapide dans la région, mais elle atteste également de nombreuses faiblesses. À titre d’exemple, l’OTAN ne dispose toujours pas d’une stratégie hybride et d’innovation dans le domaine de la contre-Guerre hybride. Le programme F-35 accuse un retard conséquent, ce qui explique le retour des F-22 Lockheed Martin.

A ce jour, l’Alliance peut dissuader la Russie d’intervenir en mer Baltique, mais on note de nombreuses lacunes qui nécessites de nouvelles initiatives. La situation pourrait rapidement se détériorer et la Russie prendre des initiatives risquées afin de constater la réaction des membres de l’OTAN. Le projet de nucléarisation de Kaliningrad connait également un regain d’intérêt. Il est donc temps de repenser l’approche de l’OTAN et notamment vis-à-vis des menaces hybrides et de l’instrumentalisation des minorités ethniques, notamment en s’inspirant de la situation dans le Sud Caucase avec le cas Abkhaze et Ossète. 

Quels seront les autres principaux enjeux de ce sommet ? 

La liste des thèmes abordés est conséquente, avec l’intégration du Monténégro et ses conséquences pour la sécurité régionale dans les Balkans. Dans une mesure similaire, la coopération avec la Finlande sera abordée et notamment la nécessité d’accroître le rapprochement OTAN-NORDEFCO sur des bases solides et plus opérationnelles. Un impératif lié au renforcement de la présence du Kremlin au Pôle Nord, la Russie venant de revendiquer auprès de l’ONU plus de 2 millions de Km2 en Arctic.

En parallèle de ces questions diplomatiques, la question du renforcement de la présence des troupes de l’OTAN en Pologne et dans les pays Baltes sera prioritaire, ainsi que le projet de bouclier anti-missile en Roumanie. La principale problématique de l’Alliance est la concertation entre les alliés, avec d’une part les pays d’Europe de l’Est qui comprennent le danger que représente la Russie, et de l’autre des pays comme la France qui jugent comme secondaire et alarmiste l’attitude des pays Baltes. Dans la pratique, le danger est réel, et des pays comme la France pourrait menacer la Paix en n’opposant pas une réponse ferme à Moscou. Il est actuellement difficile d’amener des pays comme la France et la Pologne à se concerter au sein de l’Alliance dans la mesure ou ces derniers ont des visions divergentes de la Russie et de ses intentions.

Le thème de la Guerre hybride sera abordé, mais les lacunes dans ce domaine sont conséquentes et nécessite de la part de l’OTAN d’engager des experts dans ce secteur, ce qui n’est pas encore le cas ou avec une vision trop conventionnelle et militaire des chercheurs à Bruxelles pour apporter une réponse adéquate. Cette situation devient inquiétante notamment pour des pays comme l’Estonie.

Si la Guerre hybride sera un domaine sans réponse effective, la cyber-sécurité sera mentionnée avec des projets innovants et notamment l’inclusion des cyber-attaques comme menace “réelle”, permettant désormais d’appliquer l’Article 5, ce qui constitue une rupture majeure et essentielle à l’époque contemporaine.

Enfin, le Sommet mentionnera le renforcement du budget militaire de l’Allemagne qui devrait devenir la première puissance militaire de l’Union européenne (exception faite de la force de frappe nucléaire) d’ici l’horizon 2030. Ce changement géo-stratégique majeur s’accompagne d’un accroissement du budget des États membres et apporte une note d’optimisme dans un contexte morose depuis l’annexion de la Crimée.

La question du Brexit sera également centrale, alors même que dans la pratique une sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne n’entrainera aucune influence sur la participation de Londres au sein de l’OTAN. La seule conséquences néfaste possible sera sur le programme Eurofighter dans la mesure ou celui-ci rassemblera désormais des partenaires membres (Espagne, Italie, Allemagne) et non-membres (GB) de l’UE.

Comme de coutume, le Sommet ne parlera qu’en toile de fond de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Ces deux régions sont pourtant prioritaires car l’Alliance dispose d’une politique assez peu pertinente tandis que le Kremlin renforce sa présence militaire en Ossétie du Sud, et son influence diplomatique avec le lancement de l’Union eurasiatique en 2015. 

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