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Signes de réveil chez Michael Schumacher : ce qu'on sait maintenant des patients plongés dans des comas de longue durée
©Reuters

Entre la vie et la mort

L'ex-pilote de Formule 1 serait en train de sortir progressivement de son long sommeil, d'après sa porte-parole. En France, 1 500 personnes se trouvent dans une situation similaire.

Jean-Yves Nau

Jean-Yves Nau

Jean-Yves Nau est médecin et journaliste, chroniqueur sur Slate.fr. Il anime par ailleurs  le blog « Journalisme et santé publique » sur jeanyvesnau.com

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Atlantico : L'ancien pilote de F1 Michael Schumacher aurait donné quelques signes de conscience d'après sa porte-parole. Que sait-on aujourd'hui des possibilités d'être à la fois conscient et sujet à un état de coma apparent ?

Jean-Yves Nau : Soyons précis. Dans un communiqué publié le 4 avril Sabine Kehm, porte-parole de la famille, écrit : « Michael fait des progrès sur son chemin. Il montre des moments de conscience et d'éveil. Nous sommes à ses côtés pendant ce long et difficile combat, avec l'équipe du CHU de Grenoble, et restons confiants ». Ces explications sont excessivement vagues et ne permettent en aucune façon de dire quel est aujourd’hui le niveau de conscience de Michael Schumacher, quels « progrès » il a pu réaliser depuis trois mois et quel pourra être l’évolution de son état dans les prochains mois.

On a longtemps classé les comas en quatre stades. Dans le « coma stade 1 » la personne répond à des stimuli douloureux et peut parfois communiquer de manière simple (grognements). Dans le « stade 2 » la capacité d'éveil disparaît. La réaction aux stimuli douloureux peut être présente, mais  elle est désordonnée et la communication avec le malade est impossible. Le « stade 3 » est celui du  coma profond : plus aucune réaction aux stimuli douloureux et des troubles neurophysiologiques graves (troubles « végétatifs ») peuvent commencer à apparaître. Vient enfin le « coma stade 4 » qui est bien souvent en réalité  une forme d’état de mort cérébrale où les fonctions vitales (respiration, circulation) sont maintenues par des moyens artificiels de réanimation intensive.

En fait on sait aujourd’hui que cette classification est bien trop rigide. L’état des malades peut également être évolutif, ce qui bien souvent interdit (sauf lorsque le stade 4 est atteint de manière durable) de faire des pronostics trop catégoriques. La situation est compliquée avec les états dits « pauci-relationnel ». Chez ces personnes  il existe un degré minimal de réponse volontaire à quelques stimulations. Ces réponses sont fluctuantes selon les moments de la journée ou de la semaine ou des mois.

Le cas de Rom Houben, jeune Néerlandais qui était resté en "veille" pendant 23 ans tout en conservant un certain état de conscience, a conduit à pas mal de remises en cause. Peut-on être dans un état similaire à l'état comateux  (état de conscience minimale) ou existe t-il simplement différents "degrés" dans l'état d'inconscience ?

Sur le cas de Rom Houben on peut se reporter à l’une de mes chroniques parue en novembre 2009 sur Slate.fr. Chaque année, à la suite d’un accident de la circulation, d’un accident domestique, d’un accident vasculaire cérébral, d’une tentative de suicide de nombreuses familles se trouvent confrontées à la douloureuse situation de voir l’un de leurs proches tomber dans le coma. L’évolution de ce coma est variable. Toutes les personnes passent alors par une phase « végétative » marquée par des cycles veille-sommeil avec ouverture des yeux, ventilation spontanée et absence de vie relationnelle. Il n’y a alors pas de réponse motrice adaptée, les ordres simples ne sont pas exécutés, aucune parole compréhensible n’est émise.

L’évolution éventuelle de cette phase « végétative » est toujours incertaine. Certaines personnes restent en état végétatif, sans relations pendant des mois, sans modification notable de leur état clinique. On parle d’« état végétatif chronique » (EVC) lorsque cette situation perdure au-delà de certains délais (12 à 18 mois pour les états végétatifs d’origine traumatique comme Michael Schumacher).  L’espoir devient  de plus en plus minime d’une évolution vers un retour à la conscience. Mais il est vrai qu’il existe aussi quelques observations d’éveil chez des personnes qui était encore en état végétatif  depuis des années. Il est vrai aussi que  ces cas sont exceptionnels.

On estime qu’en France  environ 1 500 personnes sont dans un EVC ou un état « pauci-relationnel ».

Comment expliquer les hésitations de la science sur ces sujets, comme c'est notamment le cas dans l'affaire Vincent Lambert actuellement ?

Ce ne sont pas des hésitations de la science, ce sont des hésitations de la justice. La question, tranchée par le conseil d’Etat est de savoir si le fait d’alimenter et d’hydrater ces personnes est une thérapeutique. Et si dans certains cas il s’agit d’acharnement thérapeutique. Si tel est le cas la loi Leonetti sur la fin de vie pourrait s’appliquer : si le corps médical l’estime nécessaire et si les conditions sont remplies on pourrait arrêter de nourrir et d’hydrater ces malades jusqu’à ce leur mort. C’est la question soulevée aujourd’hui dans le cas de Vincent Lambert qui, à la demande du Conseil d’Etat est une dernière fois examiné par trois experts qui devront dire le degré de son coma. 

En quoi les découvertes de ces dernières années peuvent-elles remettre en cause le principe de précaution ? le risque n'est-il pas de "laisser partir" à tort un patient qui ne serait concrètement pas dans le coma ?

Les découvertes que vous évoquez résultent pour l’essentiel de l’évolution des techniques de neuro-imagerie cérébrale. Elles sont notamment développées à l’Université de Liège par le Pr Steven Laureys et son équipe du Coma Science Group qui jouit d’une renommée internationale. On peut espérer que les progrès accomplis dans ce domaine (voir ici) permettront de faire la part entre les personnes pour lesquelles aucun espoir n’est raisonnablement plus permis et celles où tout espoir n’est pas raisonnablement perdu. Sur ce thème, le Dr Steven Laureys mène depuis plusieurs années un combat. La principale difficulté, selon lui, est qu'une fois le diagnostic d'«état végétatif » porté il est pratiquement impossible de le remettre en question. Une autre difficulté tient aussi au coût des investigations d'imagerie cérébrale qui doivent ici être menées.

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