Sarkozy - Macron : PSG - OM, le classico du pouvoir<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président français Emmanuel Macron discute avec l'ancien chef de l'Etat Nicolas Sarkozy avant le match de football de la finale de la Coupe de France, le 8 mai 2018 au Stade de France.
Le président français Emmanuel Macron discute avec l'ancien chef de l'Etat Nicolas Sarkozy avant le match de football de la finale de la Coupe de France, le 8 mai 2018 au Stade de France.
©Damien MEYER / AFP

Bonnes feuilles

Clément Pernia et Jean-Baptiste Guégan publient « La République du foot » aux éditions Amphora. 2022 est une année clef. Une année de politique avec l'élection présidentielle française, et une année de football avec la coupe du monde au Qatar. Les hommes politiques sont nombreux à être passionnés par le ballon rond, sans toutefois le revendiquer haut et fort. La politique aime aussi se servir du football quand il le faut. Extrait 2/2.

Jean-Baptiste Guégan

Jean-Baptiste Guégan

Jean-Baptiste Guégan est consultant et enseignant en géopolitique du sport. Conférencier et auteur, il intervient fréquemment dans les médias généralistes (Le Monde, L'express, le Point, le Figaro, etc.), spécialisés ou sportifs (L'Équipe, France Football, Foot Mercato, RMC, etc.). ll est l'auteur et le directeur de plusieurs ouvrages sur le sport et ses enjeux comme Géopolitique du sport, une autre explication du monde ou Football Investigation, les dessous du football en Russie.

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Clément  Pernia

Clément Pernia

Clément Pernia est journaliste sur CNEWS et auteur de deux livres sur l'histoire du Paris Saint Germain.

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«Le vrai président du PSG, c’est moi.»

C’est un secret de polichinelle. Nicolas Sarkozy aime le PSG d’un amour rare et intense. Le club de la capitale est, avec sa famille politique, ce à quoi l’ancien président de la République est le plus fidèle dans sa vie. Le Paris Saint-Germain, comme la droite, il ne les a jamais trahis. En tout cas, pour l’instant. Né à Paris le 28 janvier 1955, Nicolas Sarkozy a connu toutes les périodes du club de sa ville, lui, cet addict au sport. Capable de citer les premiers joueurs de l’histoire rouge et bleu, Sarko est un hypermnésique passionné, trait qu’il partage avec Emmanuel Macron. «Il est PSG, c’est un enfant de Paris. C’est son club de cœur, sa jeunesse. Il a connu les débuts du club», atteste Éric Diard, député LR des Bouches-du-Rhône. Présent dans les travées du Parc depuis des dizaines années, Sarkozy a transmis sa passion à ses trois fils, Pierre, Jean et Louis. Le plus souvent sans eux maintenant qu’ils sont plus âgés, l’ex-chef de l’État est aujourd’hui un fidèle de la corbeille du Parc, avec, à ses côtés, le président parisien Nasser Al-Khelaïfi de qui il est très proche. De l’autre côté, soit Jean-Claude Blanc, directeur général du club, soit Leonardo, redevenu directeur sportif à l’été 2019, soit le président du club adverse.

«J’ai un point de désaccord avec Nasser (sourire). J’en profite pour lui dire : arrête de me mettre à côté des présidents des équipes visiteurs parce que je dois rester de marbre chaque fois qu’on marque un but. À l’intérieur, ça bout. Contre Dijon (victoire de 8-0, le 17 janvier 2018), c’était pénible, parce que j’ai dit huit fois au président dijonnais, qui est vraiment très sympathique : “Non, mais ce n’est pas grave, vous savez, quand ils jouent comme ça, vous ne pouvez rien faire.” Mais, au huitième, j’étais un peu sans argument», confiait Sarkozy sur le plateau de L’Équipe du soir 67. Le 13 avril 2021, alors que les stades sont fermés depuis près d’un an en raison de la pandémie de Covid-19, il s’octroie le luxe d’assister à la rencontre PSG-Bayern Munich au milieu des officiels, masque sur la bouche, plus vraiment sur le nez au fil des minutes et de la tension du match qui voit Paris arracher de justesse une qualification en demi-finale de Ligue des champions.

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Son départ de l’Élysée en 2012 rime avec emploi du temps plus léger, et donc possibilité d’assister à chacune des rencontres parisiennes, porte d’Auteuil. Certains avancent un autre argument pour expliquer cette omniprésence  : sa proximité avec le Qatar, propriétaire du PSG depuis 2011. Il aurait d’ailleurs – ça aussi, c’est un secret à moitié caché – facilité la relation entre son ami Sébastien Bazin, patron du club parisien entre 2006 et 2011, via le fonds de pension américain Colony Capital, désireux de céder le Paris Saint-Germain, et le prince héritier du Qatar Tamim Al Thani. Le Qatar, décidément, qui, selon d’autres rumeurs, aurait obtenu l’organisation de la Coupe du monde 2022 grâce à l’aide indirecte du président Sarkozy et de l’influence de celui-ci sur le vote de Michel Platini, alors président de l’UEFA.

Il n’est pas rare, quand il s’agit d’évoquer l’influence de l’État émirati en France, d’y voir associé le nom de l’ancien président de la République. Cette influence plus ou moins réelle n’enlève en rien l’amour lointain que porte Sarkozy pour le PSG, ce que nous confirme le présentateur de CNEWS, Pascal Praud. «Sarkozy est vraiment un fan absolu de football. Je me souviens d’avoir eu des conversations avec lui quand il appelait Vahid Halilhodzic pour lui faire l’équipe. Il est très pote avec Leonardo aussi. En plus, Sarkozy adore le PSG, donc il a un lien très direct et je pense qu’il doit être plus ou moins à l’origine de la venue du Qatar au PSG. Il a un lien avec tous les entraîneurs du PSG. C’est sa personnalité, sa nature, il a envie d’influer, de poser des questions aux coachs. Je me souviens de Vahid... c’est tout juste s’il ne lui disait pas comment faire l’équipe… C’est du Sarko!» Une fois arrivé au sommet du pouvoir, Sarkozy connaît le pire Paris de l’histoire. Déjà médiocre en 2006-2007, le club de la capitale frôle la relégation en 2008. La crise financière des subprimes menace puis frappe le monde, mais le président Sarkozy ne lâche pas son club de cœur pour autant. Alain Cayzac, boss parisien durant les pires heures du club, est reçu régulièrement au palais présidentiel. L’hôte lui demande comment va le groupe, comment il pourrait l’aider. Cayzac apprécie l’attention. Paris se sauve in extremis à Sochaux, le 17 mai 2008.

Quelques années plus tard, qui paraissent être une éternité, après une rencontre du PSG au Parc, on aperçoit régulièrement Nicolas Sarkozy dans le vestiaire parisien aux côtés de Nasser Al-Khelaïfi, pour féliciter les joueurs. «Le vrai président du PSG, c’est moi», ironisait-il en 2014, selon le magazine L’Express 72. L’ancien chef de l’État, fidèle des rouge et bleu, les joueurs le savent et le lui rendent bien, le 28 janvier 2019, jour de ses 64 ans, en lui offrant un maillot floqué «Nicolas», numéroté 64 et dédicacé par l’ensemble de l’effectif. «On a la même passion, et maintenant on a aussi le même maillot!», remerciera l’intéressé sur les réseaux sociaux. Alors, Sarko, président du PSG un jour? Un fantasme de beaucoup de journalistes et de supporters. Même ses fils en rêveraient secrètement. Pascal Praud n’y croit pas. «Quand vous avez été président de la République, c’est difficile de devenir président d’un club de foot, tout simplement.» Il y a bien l’exemple de Mauricio Macri, en Argentine, devenu président de l’Argentine en 2015 après avoir longtemps été à la tête du club mythique de Boca Juniors 73. Nous y reviendrons ultérieurement. Mais, en termes de «culture foot», l’Argentine n’est pas la France. Et Macri est devenu chef d’État dans un second temps. L’amitié qui lie Sarkozy à l’émir du Qatar, les multiples casquettes portées par Nasser Al-Khelaïfi, et qui donnent parfois l’image d’un homme fatigué et dépassé, ont longtemps entretenu le doute… et le mythe. «Je n’ai jamais voulu devenir président du PSG», tempère l’ancien boss de la droite française, sur le plateau de L’Équipe du soir en janvier 2018. Mais comme le clamait son prédécesseur à l’Élysée, Jacques Chirac, «les promesses n’engagent que ceux qui y croient».

Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ne se connaissaient pas, ou très peu. Ils auraient pu être adversaires en 2017, si le premier avait remporté la primaire des Républicains. Les électeurs lui ont préféré son ancien premier ministre, François Fillon. A priori assez éloignés, que ce soit en termes de générations, de caractères, de parcours et à certains égards de convictions, les sixième et huitième présidents de la Ve République française partagent en réalité un point principal. Ni l’un ni l’autre ne porte dans son cœur François Hollande. Autres similitudes : leur goût de la lecture, de l’écriture, et surtout leur dimension clivante et l’hostilité suscitée à leur égard. Les deux hommes ont appris à se connaître depuis le début du quinquennat Macron. Ils se sont apprivoisés, s’apprécient, multiplient les gestes d’affection. De nombreux sarkozystes sont même entrés dans les gouvernements d’Édouard Philippe et de Jean Castex, lui-même secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Sarkozy. Mais une différence majeure les oppose. L’un a le PSG qui coule dans ses veines. L’autre a l’OM dans la peau.

Emmanuel Macron, né à Amiens en Picardie, a vite rejoint la capitale pour s’accomplir. Sur le papier, rien de marseillais donc. Et pourtant le jeune Emmanuel choisit vite l’Olympique de Marseille. Pour le meilleur et pour le pire. La passion ne s’explique pas. «Ce qu’il est prêt à jurer, c’est que la cité phocéenne a toujours coulé dans ses veines. Adolescent, il se souvient d’avoir vibré devant la “cavalcade formidable” des hommes de Bernard Tapie. Il n’avait que 15 ans, mais le sacre européen du 26 mai 1993 reste l’une des plus belles soirées de sa vie», détaille le journaliste du Figaro Arthur Berdah. Preuve en est de son attachement à la cité phocéenne, son déplacement, trois mois après son élection, à Marseille, où il n’a pu s’empêcher de se rendre à la Commanderie, centre d’entraînement de l’OM, pour y taper le ballon et rencontrer le groupe. De quoi surprendre et ravir les Olympiens. Quelques semaines auparavant, dans un documentaire diffusé par TF1, Emmanuel Macron, les coulisses d’une victoire, on y voyait le nouveau président se lamenter auprès de son épouse d’une énième défaite de son club contre Monaco, scène cocasse en pleine campagne présidentielle. Marseille, une ville de laquelle il se dit amoureux, à laquelle il réserve une attention toute particulière, en témoigne sa visite d’ampleur d’une durée de trois jours en septembre 2021.

Concernant le foot, on est vite tenté de comparer son attachement marseillais à celui de son aîné au PSG. Le «président des riches», comme le surnomment ses détracteurs, est-il autant passionné des bleu et blanc que Sarko des rouge et bleu? «C’est un supporter parce que l’OM l’a fait rêver quand il était gosse. Mais ce n’est pas comme Sarkozy qui est à fond. Ça reste un supporter sincère de l’OM, je pense», témoigne Sacha Houlié, député LREM de la Vienne, grand fan de l’Olympique de Marseille, qui rencontre le président une fois toutes les six semaines environ. Est-ce cette étiquette de président «jupitérien», de président des riches qu’il traîne comme un fardeau ou de faux marseillais qui rend peut-être cet attachement moins authentique? Derrière une passion sincère, n’y a-t-il pas une forme de calcul politique, une manière de casser l’image précédemment décrite, de se «populariser» davantage aux yeux d’une population plus mixte et moins huppée? Roland Lescure, député LREM des Françaises et des Français de l’étranger, réfute la thèse d’une récupération marseillaise de la part du plus jeune président français de l’histoire. «Les fans sont peut-être un peu déçus ou désabusés de la politique, donc il faut le faire de manière naturelle ou spontanée. Les gens le voient, sinon. Certains le font et ça se voit. Jean-Luc Mélenchon, ce n’est pas un footeux. Hollande est un footeux, Sarkozy est un footeux», assure celui qui est fan du PSG. «Emmanuel Macron, on sait que, malheureusement, il supporte l’OM depuis toujours (rires). C’est une histoire de génération, il a connu le foot en partie avec le coup de tête de Basile Boli, et c’est difficile de se remettre de ça. Quand vous êtes un vrai fan, les gens le voient! On sait qu’Emmanuel Macron est un vrai fan de l’OM. Et, que l’OM gagne ou perde, je pense qu’on lui donne plutôt crédit. Les gens ne sont pas dupes. Il faut faire attention à la récupération! J’insiste. Quand j’ouvre le Parisien ou L’Équipe le lendemain d’une victoire du PSG, je n’ai qu’une envie, c’est de la prendre en photo et la mettre sur Twitter pour partager ma joie. Mais on ne doit rien récupérer», ajoute Roland Lescure, privé du huitième de finale de l’Euro France-Suisse en raison du discours du président au sommet Choose France.

Emmanuel Macron, supporter, pas autant que Nicolas Sarkozy? Constat qui se tient. Les deux hommes ne sont en revanche pas dogmatiques en la matière. Nicolas Sarkozy apprécie et respecte Marseille et son club phare. Pas de PSG sans OM et vice versa. «J’en parlais souvent avec Nicolas Sarkozy qui me disait que, après le PSG, il appréciait l’OM. Il ne comprenait pas que nous, marseillais, on se réjouisse des défaites du PSG en Coupe d’Europe. Ça le mettait en pétard, il disait : “Mais comment pouvez-vous faire ça? C’est la France!” Vous voyez la vision de Nicolas Sarkozy, ce sont les équipes françaises. Il ne comprend pas qu’on puisse préférer Manchester, Barcelone, le Bayern à un club français», raconte Éric Diard. Contrairement à Nicolas Sarkozy, et comme le veut la tradition qui voit le président de la République remettre le trophée à l’équipe victorieuse de la Coupe de France, Emmanuel Macron n’a jamais eu la chance de féliciter l’OM 78. A contrario, à quatre reprises, il a décoré le vainqueur parisien, en 2017, 2018, 2020 et 2021. Marseillais de cœur, et malgré quelques petites plaisanteries et railleries envers le rival parisien, le chef de l’État sait se montrer pragmatique et patriote quand il le faut, même avec le PSG. Ainsi, dans une interview accordée à BFM à quelques jours du coup d’envoi de l’Euro  2021, interrogé sur le dossier Kylian Mbappé au PSG, il n’hésite pas à encenser le club de la capitale et à afficher sa volonté de le voir poursuivre l’aventure à Paris et dans le championnat de France. «Le PSG est un très grand club qui a su le faire grandir [...]. C’est un jeune homme qui force l’admiration de millions de Français.» Quatre ans plus tôt, le président s’était vu offrir un maillot du PSG par le patron parisien Nasser Al-Khelaïfi, lors d’un déplacement dans les Yvelines. De là à accueillir un jour les joueurs du PSG à l’Élysée en cas de triomphe en Ligue des champions? «J’espère! Sinon, je les accueillerai ici à l’Assemblée, moi (rires). Je pense que oui. Il est assez ouvert, il a quand même annoncé que Mbappé allait rester au PSG», précise Roland Lescure.

A lire aussi : Jacques Chirac, le président des footballeurs

Extrait du livre de Clément Pernia et Jean-Baptiste Guégan, « La République du foot », publié aux éditions Amphora

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