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Le refus du débat sur le nucléaire à la COP 26 est préjudiciable, malgré le consensus scientifique en la matière.
Le refus du débat sur le nucléaire à la COP 26 est préjudiciable, malgré le consensus scientifique en la matière.
©Adrian DENNIS / AFP / POOL

Tribune

Zion Lights est une activiste écologiste britannique, communicante scientifique et ancienne porte-parole du mouvement Extinction-Rébellion. Elle prend, depuis quelques années, position pour le nucléaire afin de décarboner le plus rapidement possible notre production d’énergie. Elle relate dans cette tribune le refus du débat sur le nucléaire à la COP 26, malgré le consensus scientifique en la matière.

Zion Lights

Zion Lights

Zion Lights est une activiste écologiste britannique, communicante scientifique et ancienne porte-parole du mouvement Extinction Rebellion.

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Je me suis mariée lors de la COP26 ! Bon, vous l’aurez compris, il s'agissait en fait d'une fausse cérémonie mise en scène par le groupe militant auquel j’appartiens, Emergency Reactor. Dans ce vrai-faux mariage dont vous retrouverez les images ici, nous avons célébré l’union entre énergies renouvelables (mon fiancé) et nucléaire (moi, tout de blanc vêtue). Le but était de pousser les dirigeants mondiaux présents à la COP 26 à mettre en œuvre une accélération du recours aux énergies renouvelables… sans oublier le nucléaire.

Le nucléaire, grand oublié de la COP 26

Dans la Zone Verte de la COP 26 (celle dédiée à la société civile), il n’a été question que d'énergies renouvelables. Le nucléaire n'a pas eu droit de prendre part à ces échanges : comme d'habitude, toutes les demandes ont été rejetées par les organisateurs. Or, jusqu’à preuve du contraire, les technologies renouvelables sont, pour l’heure, incapables de fournir une énergie stable et facilement modulable pour répondre à la demande. Nos systèmes de production d'électricité ont donc encore besoin d'une source sur laquelle se reposer, et si ce rôle n'est pas rempli par le nucléaire, il le sera par des combustibles fossiles. Ceux-là même qui nous ont mis dans la situation dans laquelle nous nous trouvons présentement. Vous ne me croyez pas ? Regardez ce qu’il se passe en Allemagne : le pays a littéralement fermé des centrales nucléaires pour ouvrir des centrales à charbon et importe à présent du gaz naturel russe, qui n’a de naturel que le nom.

Dans la Zone Bleue (où se concentraient les décideurs politiques), l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a néanmoins accompli un travail remarquable pour encourager les discussions autour de l'énergie nucléaire. Son directeur général, Rafael Grossi, a su composer avec les militants anti-nucléaire présents dans le public, qui se sont gaussés lorsqu'il a rappelé les faits concernant l’impact de Fukushima sur les populations : à savoir que la fusion du réacteur n'a tué personne.

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Le Young Generation Network (YGN) a également tenté de sensibiliser le public à l'énergie nucléaire, en distribuant des bananes gratuites. Saviez-vous que leur radioactivité vous expose à plus de radiations que de vivre à côté d’une centrale (mais que cela n’a jamais tué personne), alors que vous pouvez en trouver dans n’importe quel supermarché ? Les membres du YGN ont également organisé un flashmob dans le centre-ville de Glasgow et ont offert des petits ours en gélatine aux passants. Saviez-vous que l’équivalent en uranium de ces bonbons - oui, ceux dont nous nous gavions petits - stocke assez d'énergie pour réduire d’une tonne nos émissions de CO2 ?

Bien que la plupart des gens aient accueilli la campagne nucléaire avec intérêt et curiosité, son absence lors de la COP 26 n’était que trop évidente. Certains dirigeants ont insisté pour qu'il fasse partie de la solution au changement climatique, tandis que d'autres s'y sont carrément opposés. Cinq pays de l'UE ont même formé une « alliance anti-nucléaire » lors de la COP 26, plaidant en faveur d'un mix énergétique fondé à 100 % sur les énergies renouvelables…  en contradiction totale avec le consensus scientifique actuel.

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Il y avait malgré tout des gens sensés à la COP 26, comme le Dr Fatih Birol, directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui a très justement rappelé que « le monde traverse une période difficile en termes de volatilité énergétique. L'une des conséquences positives involontaires de cette volatilité du marché est que certaines personnes ont réappris à apprécier la valeur de l'énergie nucléaire. C'est quelque chose dont nous devons tous prendre note ».

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Ce début de prise de conscience est vraiment primordial, mais le temps presse : selon le rapport de l'AIE, « Net Zero by 2050 : A Roadmap for the Global Energy Sector », pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques, la production nucléaire doit doubler à l'échelle mondiale par rapport à son niveau actuel d’ici 2050.

À ce titre, tous les regards se tournent vers la France, dont les émissions sont au plus bas depuis des décennies grâce à son industrie nucléaire et qui a annoncé, le 9 novembre dernier, la construction de six nouveaux réacteurs EPR de nouvelle génération (EPR2). Cela fait suite à la publication d’une étude prospective, intitulée « Futurs énergétiques 2050 », publiée par le gestionnaire du réseau national de transport d'électricité français (RTE), afin de tenter de définir le meilleur scénario pour l'avenir du mix énergétique du pays. L'étude examine l'évolution de la consommation et présente six variations garantissant la sécurité d'approvisionnement, tout en permettant à la France d'atteindre une électricité bas carbone en 2050. Le constat est sans appel puisque le rapport estime que la réalisation de cet objectif est impossible sans l’association des technologies renouvelables au nucléaire, dans des proportions variables d’un scénario à l’autre. Il qualifie même les réacteurs nucléaires d' « économiquement pertinents »  et d' « urgents à mobiliser ».

Cependant, comme l'a dénoncé Bernard Accoyer, ancien président de l'Assemblée nationale et président de l’ONG Patrimoine Nucléaire et Climat dans une lettre ouverte, le modèle de référence utilisé pour le rapport prévoit une consommation d'électricité de 645 TWh en 2050, soit une augmentation de seulement 35 % par rapport à 2019. Or, absolument tous les pays entourant la France tablent sur une hausse comprise entre 70 et 80 %. De fait, le rapport minore donc l’importance du recours au nucléaire. Ainsi, étant donné que le futur mix énergétique français exigera une production plus importante d'énergie stable et pilotable – et que le pays a presque atteint la limite de sa capacité hydraulique – le rôle du nucléaire devra inévitablement être beaucoup plus conséquent que dans les prévisions de RTE.

Si beaucoup applaudissent l’annonce du président Macron du 9 novembre dernier, elle aurait pu (dû ?) être plus ambitieuse car les problèmes de réseau deviennent courants en Europe. Les risques de coupures d’approvisionnement se multiplient et les factures sont de plus en plus élevées en raison de l'augmentation du prix du gaz. C’est du reste pourquoi l'indépendance énergétique de la France suscite l'envie de nombreux pays. Ils sont désormais conscients que l'importation d’électricité produite grâce au gaz et au charbon depuis l'étranger ne représente pas la meilleure option.

Les dirigeants mondiaux doivent réaliser le caractère essentiel de l’accès à l’énergie avant de faire peser la charge de la lutte contre le changement climatique sur leurs citoyens par l’intermédiaire des seules énergies renouvelables. Certes, nous pouvons essayer de moins gaspiller d’énergie, mais l'éclairage, les machines à laver, le chauffage, etc. ne sont pas des utilisations frivoles de l'énergie. Les gens ont besoin d'énergie pour vivre. Nos modes de vie en dépendent.

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