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Samuel Huntington au cœur des débats dans la prochaine élection présidentielle ?
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Objectif 2022

Dans son ouvrage publié en 1996 « The clash of civilisations and the remaking of world order », Samuel Huntington présentait une thèse selon laquelle le monde, divisé en plusieurs civilisations, se trouverait, demain, confronté de plus en plus souvent à des problèmes de civilisation.

Claude Sicard

Claude Sicard

Claude Sicard est consultant international et auteur de deux livres sur l'islam, "L'islam au risque de la démocratie" et "Le face à face islam chrétienté-Quel destin pour l'Europe ?".

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L’entrée d’Éric Zemmour dans la campagne présidentielle est encore incertaine, mais,  si elle se confirmait,  elle aurait le mérite de contraindre les candidats à se centrer sur le problème  clé à traiter par notre prochain Président : celui du destin  de notre société dans les années à venir. Eric Zemmour ne cesse dans ses chroniques, dans ses émissions sur CNews, et dans ses ouvrages, d’alerter ses concitoyens sur les dangers que le développement de l’islam dans nos sociétés, en  Europe, et tout spécialement en  France, fait courir à notre civilisation. Ce journaliste et essayiste de talent, qui est extrêmement cultivé, mène avec  acharnement  un combat pour la sauvegarde de notre identité dans un monde qui est marqué par une soif de revanche des populations des pays émergents qui se sont trouvées pendant plusieurs siècles dominées par les pays occidentaux. Et les évolutions démographiques en cours donnent aux thèses de ce passeur d’idées une actualité toute particulière.

Dans une émission sur CNews, où il se trouvait opposé à Hubert Vedrine, Éric Zemmour disait : « La France voit qu’elle va mourir :elle subit une vague migratoire phénoménale, une transformation de la population inédite dans l’ histoire de ce pays ; et un remplacement incroyable d’une population par une autre ». Le fait que tous ces nouveaux migrants qui arrivent en Europe soient d’une civilisation différente de la nôtre pose aux pays européens le problème de l’avenir de notre civilisation. Et c’est là, donc, que l’on en vient à cette alerte donnée en 1996 aux pays occidentaux par ce talentueux universitaire américain qui enseignait  à Harvard,  Samuel  Huntington, avec son ouvrage « The clash of civilisations and the remaking of world order ».Cet ouvrage présentait une thèse selon laquelle le monde, divisé en plusieurs civilisations,  se trouverait, demain,  confronté de plus en plus souvent à des problèmes de civilisation, thèse s’opposant à celle de Francis  Fukuyama qui dans  son livre « La fin de l’Histoire et le dernier homme » annonçait, au contraire, la paix dans le monde avec l’universalisation de la démocratie libérale occidentale. Fukuyama  défendait la thèse selon laquelle le monde allait  vers la fin de la guerre des idées, et Huntington, au contraire, prévoyait  que « les oppositions identitaires seraient demain au cœur de la plupart des conflits ».Les attentats du 11 septembre 2001,à New-York, montrèrent très vite aux Américains la justesse des vues de Samuel Huntington, et, depuis, les évènements que se sont produits dans le monde n’ont fait que renforcer la thèse de l’auteur du « Choc des civilisations », titre choisi par Odile Jacob pour publier en français  le fameux ouvrage  du professeur américain de Harvard.

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La société française souffre, on le voit  bien aujourd’hui,  de clivages importants qui viennent de ce que les nouveaux arrivants qui s’installent dans le pays sont d’une identité différente de celle de la population d’accueil .Depuis la fin de la période coloniale, avec l’arrivée de très  nombreux migrants en provenance  de nos anciennes colonies, la société française est  devenu hétérogène au plan ethnoculturel. Jérôme Fourquet nous dit dans « L’archipel français » paru en2019,  un ouvrage qui a eu un immense succès : « En quelques décennies tour a changé…….Depuis 50 ans les principaux ciments qui assuraient la cohésion de la société française se sont désintégrés ». Il explique que le soubassement philosophique constitué par le christianisme s’est effondré et que le pays est, désormais, « un  archipel constitué de groupes ayant leur propre mode de vie, leurs propres mœurs, et leur propre vision du monde ». Et ce phénomène de fragmentation de la société s’est doublé d’un accroissement de la violence. Il y a eu en France,  au cours de ces cinq dernières  années,  235 morts, plus de nombreux blessés ,avec notamment   le fameux attentat contre  Charlie Hebdo, un journal satirique qui avait eu l’audace de  publier une caricature du Prophète  Mahomet,  puis les  attentats islamistes du stade de France et du Bataclan ; et  tout récemment,  en octobre 2020,  l’exécution en plein rue d’un professeur de collège qui avait voulu enseigner la laïcité à ses élèves  en leur montant les dessins de  Charlie  Hebdo. Et il y eut, aussi, les  attentats  de Nice et  de  Rambouillet. Les djihadistes s’en prennent  aux incroyants que  nous sommes pour faire advenir le règne d’ Allah sur la terre, l’islam divisant le monde en deux parties :le «  dar al islam » d’un côté, c’est-à-dire les terres  vivant déjà  sous le signe d’ Allah, et, de l’autre, le  « dar al harb », la « maison de la guerre » constituée de tous les territoires encore  peuplés de non croyants et qui restent à conquérir.

Pour  Samuel  Huntington,  « l’histoire des hommes, c’est l’histoire des civilisations, » : il nous dit qu’il est impossible  de concevoir autrement l’évolution de l’humanité. Il explique que  les distinctions majeures entre les peuples ne sont pas idéologiques, politiques, ou économiques : elles sont «  culturelles ». Il nous dit : « Les peuples et les nations  s’efforcent de répondre à la question fondamentale entre toutes pour les humains : qui sommes- nous ?  Ils y répondent  de la façon la plus traditionnelle qui soit : en termes de lignage, de religion, de langue, d’histoire, de valeurs, d’habitudes et d’institutions ».Et il affirme que pour les individus la notion d’identité est fondamentale.

Les musulmans qui s’implantent dans nos pays, en Europe, veulent conserver leur identité, et c’est la raison pour laquelle la politique française d’assimilation connait avec eux un total échec : au mieux, ils s’intègrent, et beaucoup ne font que s’inclure. L’assimilation implique, en effet, un changement d’identité, le nouvel arrivant renonçant à la sienne  pour adopter celle des habitants du pays d’accueil. L’’intégration, qui est la solution préconisée par le Conseil de l’Europe, n’implique pas un abandon de son identité :une personne bien intégrée conserve son identité mais adopte les modes de fonctionnement qui sont ceux des habitants du pays. Quant à ceux qui ne font que s’inclure, ils conservent leur identité ainsi que les modes de fonctionnement  qui sont ceux de leur pays d’origine, et ils troublent de ce fait l’ordre public. La religion, dans ces problèmes de civilisation, joue un rôle déterminant, vu qu’elle constitue le soubassement de chacune d’elles. On se souvient que, par exemple, le cardinal  Lavigerie, lorsqu’il arriva en Algérie en 1867, dans l’entretien qu’il eut avec Mac Mahon qui  en était alors le gouverneur général,  lui déclara : « Ou on les convertit, ou on s’en va ».Et l’histoire lui a donné raison : la République française est laïque, et les Algériens restèrent donc des musulmans.  On oublie  trop souvent de rappeler que la  possibilité d’accéder à la citoyenneté française leur fut  offerte très tôt, par le senatus consulte de 1865  : cela  impliquait, par définition, qu’ils renoncent à leur statut civil musulman pour adopter le code civil napoléonien, c’est-à-dire qu’ils changent d’identité. Très peu furent candidats : en somme, la France buta en Algérie sur l’islam, et cela s’acheva par cette douloureuse guerre d’Algérie qui conduisit le pays à son indépendance malgré 130 ans de présence française dans  ce territoire et la constitution dans ce pays de trois nouveaux départements s’ajoutant à nos départements métropolitains. Les dirigeants français, par la suite, après la mort du général de Gaulle, se sont tous montrés incapables, qu’ils fussent de droite ou de gauche, de tirer le moindre enseignement de l’expérience algérienne.

On a donc bien affaire, à présent, dans nos pays en Europe, à deux civilisations qui s’affrontent, et il faut alors s’en référer à  ce grand spécialiste des sciences humaines qu’a été Claude Levi- Strauss, décédé en 2009, qui fut un très grand anthropologue .Dans  son  ouvrage «  Race et histoire »Claude                      Levi- Strauss explique que lorsque deux civilisations en viennent à se trouver en concurrence sur un même territoire, il y a conflit. Il nous dit qu’il se passe alors l’une des deux éventualités suivantes :

-  soit désorganisation et effondrement du pattern de l’une des deux civilisations ;

- soit apparition d’une synthèse originale qui, alors, consiste en l’émergence d’un troisième pattern, lequel devient irréductible par rapport aux deux autres.  

Le risque de voir notre civilisation muter  est  donc  bien réel, et il s’agit d’un enjeu majeur pour les  hommes politiques qui seront dans les prochaines années en charge du destin de la nation. Il  faut garder en mémoire  l’avertissement qu’avait  lancé ce grand historien des civilisations qu’a été  Arnold Toynbee, que l’on considère comme l’une des plus grandes figures intellectuelles et humanistes du XXe siècle : « Les civilisations ne sont pas assassinées, elles se suicident ». 

Empêcher que notre civilisation se suicide est sans conteste le premier défi  qui sera à relever par la personnalité politique qui sera portée à la tête du pays, en avril 2022, lors de la prochaine élection présidentielle. Il faudra redonner au pays l’envie de se battre : Sénèque disait que lorsqu’il faut se battre il faut le faire « même  à genoux ».

Claude Sicard, auteur de : « Le face à face islam chrétienté : quel destin pour l’Europe ? »

Et « L’islam au risque de la démocratie », préface de Malek Chebel  (Ed. F.X de Guibert)

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