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"Sadeh 21".
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Ohad Naharin et le Corps de Ballet de l’Opéra, entre champ-contrechamp et faux raccords.

Callysta Croizer pour Culture-Tops

Callysta Croizer pour Culture-Tops

Callysta Croizer est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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THÈME

Sur la scène béante du Palais Garnier, Sadeh21 démarre de but en blanc, par une déflagration brutale qui coupe court aux conversations de la salle. Dissimulés derrière d’épaisses parois grises, les interprètes s’avancent d’abord un par un en tenues de sport moulantes et bigarrées. Ils effectuent quelques mouvements sinueux, des étirements de bras et de jambes véloces et saccadés, puis traversent l’espace pour faire place au suivant. À travers ces premiers champs – dont le décompte s’affiche en fond de scène – le Corps de Ballet se frotte au langage gaga du chorégraphe Ohad Naharin. Fruit de plusieurs années de travail avec la Batsheva Dance Company, cette grammaire gestuelle cherche à exacerber les sensations et les capacités du corps en mouvement, tout en libérant l’imaginaire intérieur. 

La chorégraphie joue sur tous les tons, de l’humour pince-sans-rire à l’innocence fragile, en passant par une sensualité empreinte de douceur et de violence. Clémence Gross et Lucie Devignes semblent y trouver leurs aises. Cheffe de file de la compagnie dans le répertoire contemporain, Caroline Osmont déploie une danse lascive et impérieuse mais un peu effacée malgré son justaucorps rouge éclatant. Côté danseurs, Takeru Coste mène invariablement la danse, notamment dans le « sadeh/champ 19 », tableau de groupe masculin aux allures martiales exécuté sur un air de violon. Battant la mesure de leurs pas énergiques, les danseurs y composent des lignes de corps synchronisées dont surgit une émotion liminale - pendant qu’Adele Belem, allongée sur le dos en fond de scène, fait claquer ses genoux tel un douloureux métronome.

POINTS FORTS

Au bout du compte, la pièce ne parvient pas à dépasser le malaise qui s’est installé dès le départ entre les interprètes et leurs champs d’action. Certes, la chorégraphie d’Ohad Naharin ne cesse de jouer sur des contrastes déroutants, proposant aussi bien une ronde d’une simplicité apparemment enfantine que des enchaînements de sauts et d’arabesques complexes, mettant à l’épreuve l’endurance et l’agilité des artistes. Mais la compagnie semble prise au piège dans cette pièce à vingt-et-une facettes, au point de plus savoir sur quel pied danser. Lorsque le dernier tableau, tel un générique de fin de film, projette en fond de scène une ribambelle de noms – ceux d’artistes, de leurs proches ou de personnalités incongrues –, les danseuses et danseurs se hissent sur le mur et tombent à la renverse, sans bruit – mais sans effet non plus.

QUELQUES RÉSERVES

Partiellement transmise dans Decadance en 2018, la version complète de Sadeh21 par le Ballet de l’Opéra de Paris peine à convaincre. Malgré l’engagement et la qualité des interprètes, la communication avec le style gaga a du mal à passer, faute de parler le même langage.

UNE PHRASE

«J’ai parfois des intentions claires et je veux que les gens comprennent mes intentions. Mais souvent, ce que je veux dire n’a pas le sens d’une histoire ou d’une idée qui peut être décrite. Cela a quelque chose à voir avec le rituel, l’accumulation, le rythme, l’accélération, la relation entre le mouvement, la musique et la clarté de la forme qui apporte une sorte de contenu », Ohad Naharin, The Hudson Review, dans le livret de Sadeh21, Opéra de Paris, 2024.

L'AUTEUR

Né en 1952 à Mirza en Israël, Ohad Naharin est chorégraphe résident de la Batsheva Dance Company, compagnie qu’il a intégrée en 1974. Sur invitation de Martha Graham, il poursuit sa carrière à la School of American Ballet et à la Juilliard School. C’est aussi à New-York qu’il présente ses premières chorégraphies, dont plusieurs pour la Batsheva Dance Company et pour le Nederlands Dans Theater qui tournent dans le monde entier. Ohad Naharin est nommé directeur artistique de la Batsheva Dance Company en 1990 et fonde le Batsheva - The Young Ensemble, ballet junior de la compagnie la même année. Au fil de recherches sur le mouvement, il met au point le langage « Gaga », centré sur le développement des sensations et l’imaginaire du corps pour inventer de nouvelles gestuelles et dépasser les limites du monde connu. Pratiqué au quotidien par des danseurs de la Batsheva, il est aussi enseigné dans le monde entier. Au cours de son enfance, Ohad Naharin a reçu une formation musicale qui influence encore aujourd’hui son travail. L’œuvre de Ohad Naharin a fait l’objet de plusieurs films, dont le documentaire Out of focus (2007) et le documentaire des frères Heymann, Mr. Gaga (2015). En 2018, Decadance entre, dans une nouvelle version, au répertoire du ballet de l’Opéra national de Paris.

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