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S’il y avait 3 choses à changer en France pour que 2018 soit enfin l’année de l’avènement d’un nouveau monde, lesquelles seraient-elles ?
©Armin_Vogel

Faites trois voeux

Nous avons demandé à quelques contributeurs de faire 3 vœux pour 2018. Les voici !

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Jean-Philippe Vincent

Jean-Philippe Vincent

Jean-Philippe Vincent, ancien élève de l’ENA, est professeur d’économie à Sciences-Po Paris. Il est l’auteur de Qu’est-ce que le conservatisme (Les Belles Lettres, 2016).

 

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Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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L'unique voeu de Bertrand Vergely 

Les trois voeux de Jean-Philippe Vincent

Bertrand Vergely : pour 2018, demandons une simple minute de silence

Bertrand Vergely : Parmi les choses à changer je n’e vois qu’une qui serait un vrai changement si on le faisait et notamment si on le rendait obligatoire dans les écoles dès le plus jeune âge le matin et le soir : fermer les yeux et respirer dix fois à partir du ventre. Cela ne semble rien. Cela change tout. 

     Nous vivons dans un monde  extrêmement stressant du fait d’une masse considérable de sollicitations diverses, de demandes multiples, de pressions insistantes, d’informations totalement inutiles ou carrément anxiogènes. Si bien que nous ne savons plus penser. Nous ne savons plus écouter les mots ni nos mots. Nous ne savons que répéter des idées toutes faites à toute vitesse. Mettons nous à respirer en plaçant notre pensée dans le ventre. On fait baisser le rythme cardiaque. En une fraction de seconde on passe à un autre niveau : celui de la présence. On sent notre présence. On sent la présence d’autrui. On sent la présence du monde. Avec soi, avec autrui, avec le monde on forme une grande communauté de présence.  Ouverture qui va loin. 

     Qui dit présence dit le fait inouï que, soudain, il y a quelque chose qui se présente. On touche là au fait primordial de la création du monde et de son apparition. On touche là au fait primordial de la vie et de son apparition. On touche là au fait primordial de notre propre apparition dans le monde. 

     Tous ceux qui font l’expérience de fermer les yeux et de respirer à partir du ventre le confirment. Dès que l’on respire ainsi, on ressent une énergie monter dans notre être. On se ressource. Rien d’étonnant à cela.  On est en contact avec les forces primordiales de la vie. 

     Ce n’est pas de la méditation, mais cela peut y conduire, méditer voulant dire que l’on fait rentrer en soi la pensée et, derrière elle, l’attention à la vie. Ce n’est pas non plus de la « pleine conscience », cette idée relevant du leurre et de l’utopie. Qui peut dire qu’il est en pleine conscience ? En revanche, cela permet de stopper le ponde et de remettre les pendules à l’heure. 

     On parle de sauver la planète et de lutter contre la pollution. Personne ne parle de lutter contre la pollution mentale. Or, n’est-ce pas elle qui est à l‘origine de toutes les pollutions ? 

     Pour changer le monde et éviter la catastrophe, on pense toujours en termes de dictature politique. Prendre le pouvoir. Faire des lois. Imposer des taxes. Punir. Voilà ce que l’on propose pour lutter contre ce qui est à la base de tous nos déboires à savoir l’avidité et, derrière elle, ce que les Anciens appelaient l’ubris, la démesure.  Certains parlent de décroissance, de frein. Ils sont encore dans le politique, la dictature, les lois, la répression. 

     Si l’on veut sauver le monde il faut un véritable arrêt à savoir un arrêt mental. Il faut un silence. Un jeûne médiatique. Un jeûne communicationnel. Un jeûne informatique. Un jeûne des réseaux sociaux. 

     Lors de la manifestation après l’attentat contre Charlie hebdo en 2015 la foule énorme qui était là a manifesté dans le silence. Pour la première fois, des hommes et des femmes venus de tous les horizons se sont retrouvés dans une communion fraternelle. Pour la première fois, grâce au silence, il y a eu une vraie laïcité. 

     Notre monde vit dans  un tourbillon de stress et de violence générateur d’épuisement mental. Il s’en sortira par une cure de silence. Ça ne coûte rien. Ça ne prend pas beaucoup de temps. Ça peut diminuer les maladies et les addictions qui ruinent la Sécurité Sociale. Ça commence par un geste simple. Fermer les yeux et respirer à partir du ventre. 

L'unique voeu de Bertrand Vergely 

Les trois voeux de Jean-Philippe Vincent

Alain Rodier : pour 2018, plus d'indépendance, plus d'ouverture et de pragmatisme

Je limiterai mon propos aux relations internationales dans le domaine de la sécurité puisque ce sont les sujets des recherches que je mène depuis maintenant de très longues années au sein du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (Cf2R).

Sans aucun esprit de flagornerie, je remarque que le président Emmanuel Macron a montré depuis son élection une réelle volonté de changer les choses dans le domaine de la politique étrangère de la France par rapport à ses différents prédécesseurs. Il semble moins dogmatique et aussi moins sensible aux argumentations de lobbies composés d’intellectuels, de journalistes et de bloggers.

De plus, jusqu’ici, il a eu la clairvoyance d’agir progressivement de manière à ne pas bouleverser les choses, ce qui est essentiel en matière de politique étrangère.

Dans ce domaine, il ne suit pas l’exemple du président Donald Trump et c’est une excellente chose. A la décharge de ce dernier, la manière d’agir de Washington est très connue depuis longtemps : « en cash et en dollars » pour paraphraser Michel Audiard dans son film (1964) les Barbouzes. En clair, le président Trump a les moyens de sa politique et peut faire réfléchir ses opposants en leur coupant - au moins en partie - les crédits que les États-Unis leurs consentent directement ou indirectement. On l’a bien vu lors du vote de l’ONU contre la décision de Washington de reconnaître Jérusalem comme capitale officielle d’Israël. L'ambassadrice américaine aux Nations unies, Nikki Haley, a déclaré : « Les États-Unis se souviendront de cette journée qui les a vus cloués au pilori devant l'Assemblée générale pour le seul fait d'exercer notre droit de pays souverain […] Nous nous en souviendrons quand on nous demandera encore une fois de verser la plus importante contribution (financière à l’ONU) ».

Le président Macron, lui, est très loin de bénéficier des mêmes moyens (de pression) et il doit donc agir prudemment et progressivement. De plus, il sait qu’il doit s’opposer au lobbies cités en tête de ce billet d’autant qu’ils restent très puissants grâce à l’audience qu’ils rencontrent dans les medias, les réseaux sociaux et au sein d’ONG prestigieuses.

Leur manière de procéder est un classique :

- d’un côté, en appeler systématiquement à l’« émotion » pour influencer l’opinion publique qui, très majoritairement ne s’intéressant que moyennement (c’est un euphémisme) à la politique internationale, il faut appâter avec des gros titres du style « massacres …, génocide …, crimes contre l’Humanité, etc. en faisant bien attention à désigner les « bons » et les « méchants » ;

- de l’autre, diaboliser tous ceux qui ne partagent pas leurs opinions en mettant en avant « les heures les plus sombres de notre Histoire ; les fascistes, etc. », tout en se gardant bien de faire la moindre autocritique des méfaits engendrés par le marxisme (ou le maoïsme), idéologie dans laquelle ils baignent depuis qu’ils sont tout petits (Voir le film -1993- : « tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes » de Jean-Jacques Zilbermann). C’est ainsi qu’un ancien ministre des Affaire étrangère, vieux socialiste s’il en fut, se retrouve traité de « fasciste » sur les réseaux sociaux pour des propos tout à fait clairvoyants et pondérés qu’il a tenu lors de différentes interviews sur la situation au Moyen-Orient. En même temps, Mme Hidalgo annonce dans un tweet : « Avec l'exposition Le CHE à Paris, la capitale rend hommage à une figure de la révolution devenue une icône militante et romantique. ». Époustouflant exemple d’inculture historique (c’est par pur romantisme que Le CHE a fait personnellement exécuter beaucoup de monde) ou de mauvaise foi. Mais cette méthode de rejet digne des « heures les plus rouge du stalinisme » lorsque les « déviants » étaient traités en hôpital psychiatrique car ils ne pouvaient qu’être « fous » pour ne pas adhérer à l’idéologie des « petits matins qui chantent », permet de faire l’économie d’une réelle confrontation d’idées. Si le président Macron persiste à vouloir jouer l’ouverture à l’extérieur, nul doute qu’il va trouver sur sa route ces lobbies qui lui reprocheront son aveuglement et bien d’autres turpitudes !

Pour moi, la première mesure consisterait à redonner une parole réellement indépendante à la France qui doit voir d’abord ses propres intérêts et pas seulement les belles et bonnes idées véhiculées depuis le « devoir d’ingérence » prôné par Bernard Kouchner. Le gouvernement français a l’obligation de s’occuper d’abord du bien-être de ses administrés avant de penser à régler les problèmes des autres ; « charité bien ordonnée commence par soi-même » comme dit le vieux diction populaire. Cela peut sembler très égoïste mais c’est pour cela que les électeurs ont voté pour eux. Il est vrai que nombre d’intellectuels considèrent le peuple avec mépris. S’il vote mal, c’est qu’il a été influencé par des « populistes » (équivalent à fascistes dans leur esprit) et n’a pas écouté la « bonne parole » qu’ils véhiculent, eux !

Pour être très terre à terre, les Français ont d’abord besoin d’emplois. Le problème est donc de relever l’économie française et cela ne passe pas par un repli sur l’hexagone car, que cela plaise ou pas, la mondialisation est là et il n’est plus possible - depuis très longtemps - de vivre en vase clos. Il conviendrait donc de mener une politique économique à l’international qui soit agressive car la concurrence est féroce avec les autres pays (en matière d’économie, nous n’avons pas de pays « amis » mais seulement des concurrents) et en particulier, avec les États-Unis et les pays dits « émergents ». Ils ne nous feront pas de cadeaux, à nous de ne pas leur en faire.

Un exemple : avoir sanctionné la Russie - pour des raisons politiques généreuses - a considérablement nui aux exportations agricoles françaises. Il ne faut d’ailleurs ne pas se faire d’illusions, nous ne reprendrons jamais les marchés russes perdus, même en cas de levée des sanctions. Moscou a progressivement comblé les manques en développant sa production nationale.

La deuxième consiste à parler à tout le monde, même aux « infréquentables ». Avec les « amis » (dans la mesure où cette notion est tout de même sujette à caution en matière de politique internationale), le ministère des Affaires étrangères est là pour faire le job. Pour les avoir côtoyé un certain temps, je peux assurer que les diplomates sont très majoritairement extrêmement performants et très travailleurs. Ils ne connaissent pas les 35 heures !

Pour les infréquentables qui sont « privés de petits fours » (car ils ne sont plus invités aux réceptions des ambassade de France), c’est aux services spéciaux de prendre la main. C’est là une de leurs nombreuses missions, peut-être la plus méconnue mais parmi l’une des plus utiles pour l’autorité politique qui a besoin de « savoir » en dehors de la lecture du Monde et de Mediapart (obligatoire à Sciences Po et pour avoir un espoir d’être reçu à un concours de la fonction publique). A la différence des AE, les services n’engagent pas la responsabilité du gouvernement puisqu’ils agissent secrètement appliquant l’adage « pas vu, pas pris, vu, pendu » (c/f le film l’Opération Corned Beef de Jean-Marie Poiré, 1991). Mais il est évident que toutes ces relations - officielles ou non - doivent se faire sous l’autorité directe et le contrôle de l'Élysée.

Et surtout, arrêtons de donner des leçons de morale qui, si elles sont appréciées dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés, sont contreproductives à l’étranger où les Français sont souvent considérés comme des c… prétentieux.

La troisième consiste à concentrer les moyens que nous avons - et là aussi il convient d’être réalistes, ils sont très limités - à des objectifs jugés comme essentiels. A dessein, je n’emploie pas le mot « prioritaires » car en France, tout est toujours prioritaire. Par exemple, la guerre « gagnée » (on peut en discuter) contre Daech donne le prétexte de se retirer du front syro-irakien ce qui permettra de renforcer le dispositif sécuritaire au Sahel où se situent nos intérêts vitaux. Mais là aussi, il convient de partager la tâche, d’abord avec les locaux (dans le cadre du G5S composé de la Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad) et en intéressant nos partenaires européens qui doivent participer à leur défense avancée. Il semble que l’Allemagne et l’Italie ont commencé à agir dans ce sens.

En dehors de moi l’idée que ces trois modestes idées sont miraculeuses. Elle doivent s’inscrire dans le temps et dépasser les clivages politiques puisque ce n’est pas au bout d’un mandat (même de deux) qu’elles pourront montrer leur efficacité. Elles sont juste réalistes et replacent la France au niveau où elle est, pour être gentil, à celui d’une puissance moyenne où il devrait faire bon vivre. Attendons de voir la suite et si le président Macron continue sur sa lancée ou s’il est contraint de bifurquer…

L'unique voeu de Bertrand Vergely 

Les trois voeux de Jean-Philippe Vincent

Philippe Crevel : moins de voeux pieux

Que souhaitez, en 2018, à la France ? La baisse des impôts, la diminution des dépenses publiques et du déficit, la réduction réelle du chômage. Depuis 20 ans, que dis-je 35 ans, ces antiennes sont autant de vœux pieux. Au fil des années, notre pays est devenu le champion d’Europe des prélèvements obligatoires, des dépenses publiques et notamment des dépenses sociales. En 2018, la France pourrait être la seule à figurer sur la liste des pays à déficits excessifs. La France se distingue de l’Allemagne, des Pays-Bas, de l’Autriche, de la République tchèque, de la Suède, du Danemark, du Royaume-Uni et des Etats-Unis en matière de chômage. La France qui longtemps était fière de ses infrastructures doit vivre au rythme des pannes de son réseau ferré vieillissant. 
Par facilité, par renoncement, par démission collective, notre pays a décidé de se mettre sur le côté de la route de l’économie mondiale. En 1981, François Mitterrand a fait croire que tout était possible sans sacrifice, sans douleur, sans travail. En augmentant les charges, en accroissant le nombre de fonctionnaires, en accordant la retraite à 60 ans au moment même où la concurrence mondiale augmentait, François Mitterrand a déconnecté la France de la vraie vie. Une bulle d’illusions a été ainsi construite.  Aucun de ses successeurs n’a réussi à inverser la tendance. La succession des cohabitations, l’instabilité des majorités en place contribuèrent à la paralysie ou plutôt à la surenchère dans le toujours plus de dépenses et d’impôts. Jacques Chirac, arrivé sur le tard à la Présidence de la République après deux échecs, préféra gérer le temps voire faire sienne la formule de son prédécesseur, laisser le temps au temps. Lionel Jospin qui fut son Premier Ministre durant cinq ans gaspilla, de son côté, les fruits de la croissance des années 90 en vue de se faite élire Président de la République avec le résultat que l’on connaît. Le principe de précaution, les 35 heures autant de mesures qui aujourd’hui entravent le développement de la France. Nicolas Sarkozy a tenté, en 2007, de changer la donne mais la plus violente crise de ces cent dernières années a eu raison de ses ardeurs réformatrices. François Hollande pétrifié dans ses contradictions, persécuté par les frondeurs de sa majorité a constaté impuissant à la descente aux enfers de son pays. La France qui pouvait s’enorgueillir de compter parmi les pays les mieux gérés en 1981 à la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing était devenue, en 2016, le pays malade de l’Europe. Avec un taux de chômage plus de deux fois élevés que l’Allemagne, avec une dette de plus de 97 % du PIB, avec un déficit public de plus de 3 % du PIB, la France flirte depuis quelques années avec précipice du déclin. 
Emmanuel Macron a, au mois de mai dernier, hérité d’une situation difficile mais bénéficie d’un contexte économique pour le moment favorable. La reprise de l’économie mondiale offre quelques marges de manœuvre. En ayant circonscrit et divisé les oppositions politiques et syndicales, le nouveau Président dispose des coudées franches pour réformer. Pour le moment, il a non sans succès réussi à engager quelques réformettes dont certaines ne sont pas inintéressantes. Mais, a-t-il réellement enclanché un changement de paradigme ? A-t-il créé l’environnement permettant à la France de renouer avec le succès, avec une croissance forte et pérenne ? Ce n’est pas certain ! Pourtant, le temps court vite au temps du quinquennat. Quelles réformes devrait-il, en 2018, mener d’urgence pour créer un big bang d’une ampleur équivalente à celui que la France a connu au début de la présidence du Général de Gaulle. En quelques années, notre pays avait alors changé de constitution, s’était libéralisé. La France s’était mise à construire des logements, avait rétabli ses comptes publics, avait décidé d’engager un vaste programme nucléaire civile et militaire. Le Concorde, le TGV, le développement des télécommunications, les villes nouvelles, les autoroutes ont été lancés en quelques années. 
Le défi de 2018 ressemble étrangement à celui qui prévalait il y a 60 ans. Emmanuel Macron devrait, de cefait, s’attaquer avec plus d’énergie à la réforme institutionnelle. La France, c’est avant tout un Etat. Quand il est malade, rien ne va ! Que ce soit Napoléon en 1814 ou en 1815, Napoléon III après Sedan, que ce soit en juin 1940 ou en même en mai 1968 au moment du départ du Général à Baden Baden, l’impuissance de l’Etat, les divisions, les trahisons mènent assez rapidement à la chute, à l’anarchie. En 2018, les institutions françaises ne sont plus en phase avec les temps nouveaux. Trop jacobin, trop bureaucratique, trop corporatiste, notre système politico-administratif est suranné. Le Président pourrait opter pour le fédéralisme. Ce serait une révolution. Il ne s’agirait pas de décentraliser qui correspond à un transfert de charges sans pour autant donner aux collectivités locales le pouvoir de décision. La décentralisation, c’est plus de dépenses pour les communes, les départements et les régions sans avoir les ressources nécessaires et surtout sans disposer du pouvoir normatif. 
La réduction du nombre de parlementaires annoncée par Emmanuel Macron constitue un petit pas utile mais insuffisant pour créer un électrochoc institutionnel. Comme cela est fait à Lyon ou pour la Corse, les départements devraient être supprimés. Une simplification des structures intercommunales s’impose avec à la clef une diminution du nombre d’élus. L’Etat devrait transférer toutes les compétences ne relevant pas du régalien. L’éducation nationale devrait être de la compétence des régions comme en Allemagne. 
Le Sénat pourrait devenir la véritable chambre des territoires élue à la proportionnelle quand l’Assemblée nationale resterait élue au suffrage majoritaire. Le Président pourrait également créer un espace réservé à la négociation entre partenaires sociaux dans lequel l’Etat sauf exception n’aurait pas son mot à dire. A côté des domaines législatif et réglementaire figurerait constitutionnellement protégé le domaine social. Aujourd’hui, l’Etat a la mainmise sur la protection sociale, le droit du travail, le droit social, avec comme conséquence une surenchère permanente de la part de partenaires sociaux infantilisés. La sécurisation du domaine de la négociation sociale les obligerait à composer. Le Conseil Economique, Social et Environnemental pourrait devenir l’assemblée du domaine social. Il pourrait être doté de pouvoirs spécifiques, d’arbitrage en cas d’impossibilité des partenaires sociaux à élaborer des accords sociaux. Il pourrait être également associé pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Les trois chambres, Assemblée nationale, Sénat et Conseil Economique devraient être dotés de moyens d’évaluation budgétaire au nom de la séparation des pouvoirs. Il faut également tirer toutes les conclusions de la présidentialisation liée au passage au quinquennat en 2002 et à la médiatisation. La suppression du poste de Premier Ministre et le déplacement des élections législatives mi-mandat permettraient de redonner au Parlement sa place. Aujourd’hui tout repose sur les épaules d’un seul homme. Une répartition plus équilibrée des pouvoirs entre exécutif, législatif et partenaires sociaux pourrait être un gage de renouveau. 
Le Gouvernement devrait, dans le cadre du processus de fédéralisation de la France, diminuer le nombre de services administratifs et des agences qui se sont multipliés depuis vingt ans.
Pour mener cette réforme à bien, Emmanuel Macron sera, sans nul doute, contraint de passer par le référendum en ayant recours comme le Général de Gaulle à l’article 11 de l’actuelle constitution. 
Revoir la gouvernance publique en optant pour un Etat plus modeste, plus libéral et plus respectueux de l’initiative privée devrait s’accompagner également d’une réforme visant à moderniser les modes de gestion des entreprises. La France aurait tout à gagner à s’inspirer de l’Allemagne en associant fortement les salariés à la vie de leur entreprise. A cette fin, un développement de l’épargne serait nécessaire mais il serait envisageable d’aller plus loin en créant les conditions d’une véritable cogestion. 
L’Allemagne a privilégié dès 1949 la cogestion avec les lois sur la « Mitbestimmung ». Deux niveaux de cogestion existent en Allemagne : la cogestion d’établissement et la cogestion d’entreprise. La cogestion d’établissement se situe au niveau de chaque unité de production. Les salariés sont représentés au sein d’un conseil d’établissement qui dispose de pouvoirs de décision sur les questions dites sociales (embauches, licenciements, indemnités de licenciement, horaires, conditions de travail…). La cogestion d’entreprise intervient au niveau de l’entreprise. Elle permet une représentation des salariés au sein du conseil de surveillance, un des organes du modèle de gouvernance des entreprises allemandes dont la principale fonction est de valider les décisions du directoire, l’équivalent allemand du comité de direction. Les représentants des salariés disposent de droits sur les questions de gouvernance et les questions économiques (nomination des dirigeants, investissements, restructuration…). La loi de 1976, la Mitbestimmungsgesetz a décidé une représentation à égalité les représentants des salariés et des représentants des actionnaires au conseil de surveillance de l’entreprise. Néanmoins, le Président représentant les actionnaires dispose d’une voix supplémentaire en cas d’égalité. Un système de réelle participation des salariés à la vie de leur entreprise modifierait en profondeur le dialogue social. Pour intégrer une telle réforme, il faudra plusieurs années. Mais, l’introduction d’une cogestion à la française permettrait de dépasser les oppositions d’un autre temps entre patronat et représentants syndicaux. 
L’abrogation des 35 heures, maintes fois, promise mais jamais réalisée constituerait également une véritable rupture. La France est le seul pays à avoir fixé à 35 heures, de manière autoritaire, la durée hebdomadaire du travail. Même si depuis l’adoption des lois Aubry en 1998 et 2000, de multiples aménagements ont été adoptés force est de constater qu’elles demeurent et que leur pouvoir de nuisance se maintient. Elles ont créé des goulots d’étranglement dans le système hospitalier, elles pèsent sur les coûts des PME et contribuent au sous-emploi, les dirigeants d’entreprise préférant automatiser que de créer des postes. . Elles ont changé le rapport au travail de millions de Français. Elles donnent l’impression que le travail est une valeur accessoire. Le retour à 39 heures indiquerait clairement la volonté des pouvoirs publics de redresser la compétitivité du pays. Il est d’autant plus indispensable que le vieillissement de la population active augmentera les besoins en services à la personne et les besoins en personnels hospitaliers. De même, il faudrait revenir pour l’âge de départ à la retraite à 65 ans. François Mitterrand a décidé, en 1982, d’abaisser de 65 à 60 ans l’âge de la retraite car cela ne coûtait rien ou presque. Les générations partant à la retraite étaient très étroites. Il s’agissait des classes creuses de l’entre-deux guerres. François Mitterrand était pleinement conscient des problèmes financiers que provoquerait à terme sa mesure. Mais, il savait qu’il ne serait plus de monde pour contempler cette erreur même s’il croyait aux forces de l’esprit. Revenir à 65 ans pour l’âge de la retraite, serait un minimum. Tous nos partenaires ont choisi des âges de départ à la retraite se situant entre 65 et 69 ans. L’espérance de vie a gagné 15 ans depuis 1945. Chaque année, nous gagnons en moyenne depuis 1981 entre deux à trois mois. 65 ans n’est pas une mesure rétrograde, c’est simplement une mesure logique au regard de l’évolution de notre durée de vie. Evidemment qu’il faut accompagner cette mesure de dispositifs en faveur de ceux qui ont occupé des emplois pénibles ou qui ont commencé à travailler dès le plus jeune âge. 
Pour justifier notre isolationnisme en la matière, nous mettons en avant notre démographie dynamique mais elle ne saurait nous prémunir des effets combinés du papy-boom, réplique du baby-boom et de l’allongement de l’espérance de vie. 
Comme autres réformes envisageables en 2018, pourraient être citées celle sur la distribution ou l’aménagement du territoire. La France souffre d’une trop faible concurrence en matière de distribution. Il faudrait comme aux Etats-Unis avec les entreprises de télécommunication ou les entreprises pétrolières casser les oligopoles. Les régions devraient avoir la possibilité de créer des villes nouvelles afin de régler la crise lancinante du logement…. 
Au-delà de la réforme institutionnelle, de la réforme de la gouvernance des entreprises, et de la réforme du droit du travail, ou du droit du commerce, Emmanuel Macron devra éviter les petits calculs électoraux qui génèrent l’immobilisme. Il devra également faire preuve de pédagogie et de témérité pour changer « ce bon vieux pays ». 2018 est une année clef car elle ne comporte pas d’échéances électorales. Le Président a douze mois pour imprimer sa marque de fabrique. Après, il aura l’œil fixé sur les résultats électoraux, Européennes, élections municipales, régionales et départementales avant de revenir à la Présidentielle. 2018, c’est donc l’année capitale ! 

L'unique voeu de Bertrand Vergely 

Les trois voeux de Jean-Philippe Vincent

Jean-Philippe Vincent : une année smithienne

1/ La Paix

Traditionnellement, la paix est considérée comme la première condition de la réalisation du bien commun qui se décline en  paix, justice et amitié. Mais la paix, ça n’est pas seulement la paix aux frontières. La paix, c’est d’abord la sérénité qui vient de ce que chaque citoyen est à peu près satisfait de sa situation et évite de sombrer dans le sentiment envieux. L’envie, cette passion triste et mortifère dont le ressort est le désir de nuire aux autres en les privant des avantages dont ils bénéficient, est le pire ennemi de la paix intérieure et de la sérénité d’une nation. La passion envieuse présentant la particularité de n’être jamais complètement satisfaite, l’envie entraîne une véritable « guerre intérieure » de tous contre tous. Et cette guerre contribue à miner le moral de la nation et à nuire au développement de son économie. Je forme donc le vœu d’un monde nouveau où l’envie, qui a été instrumentalisée par le marxisme et le socialisme pour conquérir le pouvoir, régresserait et permettrait aux Français de goûter un peu de paix intérieure et de sérénité.

2/ Des impôts légers

Ah, quelle belle chose ce serait : des impôts légers ! Et pas seulement pour des raisons économiques, mais principalement pour des raisons de liberté. Se rappelle-t-on que la Révolution française s’est déclenchée pour des raisons fiscales et au nom du principe : « pas de taxation sans représentation ? Et lorsque l’article 2 de de la déclaration des Droits de l’homme de 1789 parle du droit de « résistance à l’oppression », c’est à l’oppression fiscale qu’il fait notamment référence. Des impôts légers, dans l’esprit d’Adam Smith, cela signifie que le développement de l’économie et celui des libertés sont intimement liés. Comment ne pas être d’accord ? Mais comment faire ? Pourquoi ne pas inscrire dans la constitution un taux plafond pour les prélèvements obligatoires ? Voilà, assurément, qui annoncerait un monde nouveau.

3/ Une administration tolérable de la justice

Ah, une bonne et efficace justice, quel rêve ! Je fais parfois un cauchemar horrible : je suis innocent et je suis déféré à la justice française, sans raison. Et je suis innocenté au bout de 15 années de procédure ! Quel cauchemar ! Ah, la justice française, la justice de la République, impartiale, juste, humaine, respectueuse de la loi et de l’équité…. Mais, dans l’esprit d’Adam Smith, la justice ça n’est pas seulement la justice judiciaire, c’est également ce qu’on appelle depuis Aristote, la justice commutative et la justice distributive. En France, hélas, il n’y a qu’une justice : la justice sociale. Elle est la machine de guerre des passions envieuses. La justice sociale, c’est « la vaste fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ». Au nom de la réduction des inégalités, beaucoup de dirigeants politiques sont prêts à exproprier des classes entières de Français. Evidemment, de tels instincts envieux ne sont pas propres à assurer le développement économique du pays. Je fais un rêve pour 2018 : la recherche de la justice sociale et la lutte contre les inégalités seraient troquées contre la lutte contre la pauvreté et, plus encore, contre l’extrême pauvreté. Voilà qui serait une bonne justice, tolérable et bien administrée ! Ce serait la justice d’un monde nouveau ;

Donc, à vous amis  d’Atlantico, je vous souhaite, à titre personnel et à la manière d’Adam Smith, « la paix, des impôts légers et une administration tolérable de la justice ».

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