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La rigueur en douceur : la grande prudence en com’ du gouvernement
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Faux semblants

Si le Premier ministre a exposé mardi la future feuille de route du Parlement, aucun calendrier n'a été présenté, et les réformes préconisées pour atteindre l'équilibre budgétaire paraissent bien minces face au gouffre de la dette. Il est vrai qu'il ne s'agit que du hors-d'oeuvre de la rigueur.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Autant le dire d’emblée ; la séquence du premier discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault ne fera pas date comme un modèle du genre, mais plutôt comme un exemple du manichéisme droite-gauche que l’on croyait d’un autre âge. Elle s’est déroulée dans une ambiance houleuse où la majorité fraîchement élue  cherche encore ses marques, et où l’opposition se résout de mauvaise grâce à sa nouvelle condition de minoritaire, en le manifestant bruyamment.

Dans un long discours (il a duré plus d’une heure trente), le Premier ministre a esquissé la future feuille de route du Parlement ; un programme, dont la philosophie est en stricte conformité avec les engagements de campagne de François Hollande ; une action, marquée par un certain nombre de  priorités, et qu’il entend conduire dans un esprit de justice et de concertation, qui passe par la négociation, mais surtout un redressement des finances publiques, et par conséquent de « nouvelles recettes fiscales » ; un programme qui comporte un « plan de reconquête industrielle », un « nouveau contrat éducatif », le développement d’une « économie verte », un « nouveau chantier de la décentralisation ». De ce vaste catalogue où tout se doit d’être « nouveau », seule la première étape est connue en détail : les projets sociétaux, tel l’instauration du mariage et l’adoption pour tous, ont été annoncés. Et la loi de Finances rectificative entérinée en Conseil des Ministres ce mercredi, pour être adoptée avant fin juillet par le Parlement, a été largement ébruité.

Juré, les classes populaires seront épargnées, puisque ce collectif ne concernera, d’après le Premier ministre, que « l’allègement incompréhensible de l’ISF et des droits sur les grosses successions, l’exonération des heures supplémentaires dans les entreprises de plus de 20 salariés », et « la hausse de la TVA qui sera abrogée ». Mais il ne s’agit que d’un hors d’œuvre : la réforme fiscale, la vraie, la pierre angulaire du quinquennat , avec une nouvelle tranche d’imposition à 45%, une imposition exceptionnelle à 75% pour les revenus annuels supérieurs à un million, ainsi qu’un « impôt sur le revenu plus progressif », est prévue pour l’automne. Les contribuables auront donc le temps de se préparer à cette rigueur que le premier ministre se refuse à nommer.

La conférence sociale est programmée pour la semaine prochaine, mais elle va s’étaler sur plusieurs semaines voire plusieurs mois, avant de déboucher sur des propositions sur les bas salaires, et les modalités de financement de la protection sociale. Jean-Marc Ayrault aussi annoncé que «  les PME seront l’objet d’un soutien déterminé »… et qu’elles « doivent bénéficier de dispositifs fiscaux avantageux », car « elles ne peuvent pas supporter les mêmes taux d’impositions que les multinationales». Des emplois publics seront créés, à Pôle emploi notamment, et dans les secteurs prioritaires définis  que sont l’Education, la Justice, la Police. Le nombre de fonctionnaires devant rester stable (alors que Nicolas Sarkozy voulait continuer de réduire les effectifs de la fonction publique),  d’autres secteurs seront forcément  moins bien traités, mais chut !

Dans l’ensemble, pour bien se démarquer de ses prédécesseurs à qui il reproche « un activisme brouillon », le premier ministre n’avance pas de calendrier précis pour les réformes financièrement lourdes.  Il oppose la durée, le quinquennat à la théorie des  cent premiers jours (au cours desquels toutes les réformes difficiles devraient être menées à bien) chère à la Droite. Jean-Marc Ayrault, qui compte sur la concertation, va devoir calmer les impatiences, car sa marge de manœuvre est faible : la France doit faire face à ses engagements européens de réduction de ses déficits publics dans un contexte de très faible croissance. Le gouvernement n’échappera donc pas à la question de la baisse des dépenses publiques qui passe forcément par une baisse du nombre de fonctionnaires. Ni la réduction du train de vie des Ministères sur laquelle le gouvernement communique abondamment, ni les hausses d’impôts annoncées, un « matraquage fiscal » dénoncé par l’opposition, ne seront pas suffisants pour parvenir à l’équilibre budgétaire. Jean-Marc Ayrault a éludé la question, mais la Droite en fait ses choux gras: « Votre programme est une véritable aventure budgétaire», lui a lancé Christian Jacob, le président du groupe UMP qui prédit que sa « politique aura deux  conséquences : le déclassement économique et social des Français et l'affaiblissement de la France ». Et François Fillon renchérissait un peu plus tard en parlant de « catastrophe économique et sociale. »

C’était la première salve. La seconde sera tirée aujourd’hui à l’occasion du débat sur les résultats du Conseil européen. L’opposition, qui ne dissimule pas son envie d’en découdre, jouera sur le registre du reniement pour s’en prendre à François Hollande via son Gouvernement : le Chef de l’Etat, qui réclamait une renégociation du Traité pendant toute sa campagne, a finalement accepté de ratifier le Traité européen de stabilité budgétaire (négocié par Nicolas Sarkozy), en échange d’un programme d’investissement européen de 120 milliards. Mais les centristes et l’UMP sont à l’unisson pour  railler le montant de l’investissement dont bénéficierait la France : un peu plus de quatre milliards, à comparer avec les trente cinq milliards engagés sous Nicolas Sarkozy. Dans ce climat tendu, Jean-Louis Borloo, nouveau président du groupe centriste, a tenté de donner une leçon de compétitivité à la tribune, tout en implorant le Premier Ministre de ne pas « détricoter » tout ce qui avait été réalisé « avant » ! Une prière qui  a peu de chances d’être entendue dans le contexte actuel.

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