Renault, Rafale, chômage… Les 3 dossiers sur lesquels la gauche s’est encore piégée<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Renault, Rafale, chômage… Les 3 dossiers sur lesquels la gauche s’est encore piégée
©

Carton plein

La semaine a encore été décourageante pour le monde des affaires avec trois dossiers sur lesquels le gouvernement n’a pas voulu donner d’explications claires et dont les effets vont très vite revenir en boomerang et aggraver la situation économique française.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Trois dossiers, trois questions auxquelles le gouvernement n’a pas voulu ou pas pu apporter des explications claires et qui vont donc revenir en boomerang aggraver le bilan déjà désastreux de François Hollande.

1e dossier : l’affaire Renault. Le gouvernement a été incapable d’apporter une réponse précise pour reprendre le pouvoir dans la société Renault. En imposant le droit à vote double pour les actions détenues par l’Etat, le gouvernement a acquis une minorité de blocage qui lui permet de contrôler la stratégie de l’alliance Renault-Nissan, et de bloquer toute décision importante. Emmanuel Macron a eu l’audace d’expliquer que l’Etat faisait son travail d’actionnaire pour protéger les intérêts de Renault. Au championnat du monde de l’hypocrisie politique, on fera difficilement mieux. Le dessous des cartes dans cette affaire est assez peu glorieux.

D’un côté, l’Etat a renforcé sa position dans une entreprise du secteur concurrentiel qui se porte très bien, au risque de perturber l’équilibre entre Renault et Nissan, et en décourageant les investisseurs étrangers de venir en France. Ceux-ci ont besoin de sécurité et de stabilité. Avec cette affaire le gouvernement leur envoie un signal contraire. On sait désormais que les actionnaires ne pèsent pas le même poids selon qu’ils sont publics ou privés. On voudrait écœurer les épargnants qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Pour qui, pourquoi un tel gâchis ? Pour que le pouvoir puisse donner en permanence des gages à sa majorité de gauche et a ses syndicats afin de s’assurer une  paix sociale ? Alors pourquoi s’arrêter à des droits de vote double ? Pourquoi pas triple ou quadruple ?  

D’un autre côté, il y a un aspect de cette opération encore plus pervers. Le ministère de l’Economie se comporte exactement comme un vulgaire hedge fund. Affamé d’argent il spécule. Il spécule deux fois.

Une première fois quand il achète à moitié prix des actions du Cac 40. Eh oui, puisque il impose un vote double aux titres qu’il achète. Ce qui représente une belle opération. Une seconde fois, s’il revend les titres quand ils auront pris une plus-value importante ce qui est probable compte tenu de l’évolution du marché mondial. Il peut d’ailleurs ne revendre que la moitié de ses titres pour revenir à la position initiale, puisque compte tenu des votes doubles il gardera sa part de pouvoir. Bref, la parcelle de pouvoir acquise par l’Etat lui aura couté deux fois moins cher que celle acquise par Nissan ou n’importe quel autre actionnaire. A la revente, cette même parcelle de pouvoir va rapporter à l’Etat deux fois plus que pour Nissan.

Pour Nissan qui participe grandement au succès du groupe, c’est difficilement acceptable. Pour Carlos Ghosn c’est de plus en plus compliqué. Cette affaire a une autre implication dont le gouvernement se garde bien de parler, c’est que la présence de l’Etat, au capital de Renault, interdit de fait tout projet de fusion ou de rapprochement entre Renault et Nissan. C’est évidemment du protectionnisme déguisé et l’organisation de l’asphyxie de Renault. On ne voit pas comment Renault pourrait survivre à terme sans un adossement serré à Nissan.

Le bilan de cette affaire sera forcément lourd. Tout cela pour permettre à François Hollande de pouvoir dire à sa famille politique qu’il a été capable de racheter les bijoux de la famille. Si encore il était capable de les faire briller.

Le deuxième dossier porte sur les marchés que la France signe tous les deux jours pour vendre des rafales. Apres l’Egypte, l’Inde, puis le Qatar… en trois mois, la France a signé pour 25 milliards de commandes. Personne ne s’en plaindra évidemment. Dans l’immédiat c’est beaucoup d’argent, d’activité et d’emplois chez Dassault et chez les sous-traitants.

Cela dit, ce qu'on ne sait pas, c’est qui a signé les commandes, la France, le ministère de la défense, Bercy, ou le groupe Dassault. En clair ou va précisément l’argent ? Quelle est la part qui revient à l’Etat, aux sous-traitants, aux négociateurs, aux intermédiaires, aux commissions et à Dassault. Cette situation est particulièrement étrange au moment où l’Etat déploie des prodiges d’imagination pour expliquer au peuple que le budget de la défense est trop maigre, qu’il faut en urgence obtenir 2 milliards supplémentaires. Deux milliards mais l’Europe pourrait en payer une partie, non ?  Deux milliards ça doit se trouver sur le marché des armes ? Non ?

Par ailleurs quand on entre dans le détail du marché des armes, il ne faut jamais oublier deux choses :

D’une part, les matériels vendus ont été préfinancés au niveau de la recherche par l’Etat. C’est l'Etat qui a financé les études, la mise au point et qui a fait les avances de trésorerie. Quid de la comptabilité et de l’amortissement de ces investissements quand les ventes démarrent. A qui va l’argent quand les ventes dépassent le point mort, ce qui est le cas ?

D’autre part, ne jamais oublier que ce sont des armes et que les armes sont sur un marché international concurrentiel. Le marché de la guerre. Alors si ça n’est pas la France qui les vend, ce sera la grande Bretagne ou les Etats Unis. Oui. Sauf que pour un gouvernement de gauche qui ne cesse de faire la morale à tout le monde, se vanter comme le président de la République, le fait que ces activités permettent de maintenir des emplois et de créer de la croissance, c’est assez peu glorieux. Il doit quand même y avoir d’autres moyens de faire de la recherche et de la croissance qu'en souhaitant déclencher une guerre mondiale.

Le troisième dossier sur lequel le président et le gouvernement est complètement impuissant et cruellement coupable, c’est celui du chômage. La France a battu un record historique des demandeurs d’emplois et le seul commentaire auquel on a eu droit, de la part du Président et du Premier ministre, revenait à rappeler que la situation allait s’améliorer compte tenu de la reprise.

Tout le monde à droite comme à gauche sait que ce raisonnement ne tient pas.

La reprise de croissance ne créera pas d’emplois de façon mécanique. D’abord parce que cette reprise est très molle, plus faible en France que partout ailleurs. Ensuite parce que cette croissance peut être une croissance sans emplois. Cette croissance à forte valeur ajoutée est aussi porteuse de productivité donc économe en emplois. Enfin cette croissance peut créer plus d’emplois mais en Chine.

Tout le monde à droite comme à gauche sait ce qu'il faudrait faire pour sortir de ce piège. Les mesures de réformes sont archis connues. Plus de simplification dans le droit du travail, plus de souplesse dans les procédures d’embauches et de départs, moins de charges et plus de formation. Sans parler d'une privatisation de Pôle emploi pour ne pas faire de provocation. Tout le monde sait cela depuis 20 ans. Et tous les gouvernements renoncent à franchir ces obstacles de peur de réveiller les conservatismes de la fonction publique et des appareils syndicaux. A partir du moment, où il y a en France plus d’électeurs inscrits qui vivent des revenus de redistributions que de revenus de productions (57% des électeurs vivent d’un emploi public, parapublic, ou d'une prestation sociale ; 43% des électeurs sont salariés du privés et bénéficient d’un emploi marchand), il faudrait être sacrément courageux et arrogant en tant qu'homme politique pour renverser cette proportion. La surprotection revient à fragiliser ceux qui devraient en bénéficier.

Tout le monde sait cela, à commencer par le Président de la république, mais s’il y en a un qui n’est pas suicidaire, c’est bien François Hollande. Donc il ne prendra aucun risque. Sur Renault, il évitera d’expliquer quel est le vrai rôle de l’Etat. Sur les rafales, c’est secret d’Etat alors qu'’il lui faut trouver de l’argent pour augmenter le budget de la Défense. Sur le chômage, il peut encore annoncer une inversion de la courbe pour 2017. Il peut le faire comme dirait Pierre Dac. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !