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Remboursement de la contraception : le mépris derrière l’apparente « générosité »
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

C'est cadeau

Le gouvernement aurait-t-il eu une idée derrière la tête avec cette décision ?

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Olivier Véran a annoncé la gratuité de la contraception féminine  jusqu'à 25 ans à partir de 2022. N’est ce pas économiquement une erreur de croire à la “gratuité” de ce produit ? 
Edouard Husson : Depuis les années 1960, nous vivons une évolution paradoxale. La pilule contraceptive devait être un instrument d'émancipation pour la femme mariée, ayant pleinement accès à la vie professionnelle, maîtresse de son destin, enfin libre de choisir quand elle voulait avoir des enfants. C'est dans cet esprit que la loi Neuwirth, autorisant la prescription et la vente en pharmacie de contraceptifs, en particulier oraux, a été votée fin 1967.  Dans l'esprit de ses promoteurs, il s'agissait d'une réalité très encadrée et d'un accès à plus de responsabilité pour les couples. Mais parallèlement, la révolution sexuelle a suivi sa dynamique propre. Petit à petit, l'accès à la contraception est devenu le moyen d'avoir des relations sexuelles de plus en plus jeune. En 2013, le législateur a cru bon d'accompagner ce mouvement en rendant la contraception gratuite pour les filles de 15 à 18 ans. A l'été 2020, la majorité macronienne, dans le droit fil du hollandisme, a instauré la gratuité pour les moins de 15 ans. Et lorsque le gouvernement décide, en sens inverse, de pousser la gratuité du recours au contraceptif jusqu'à 25 ans, il entérine le fait que la logique de la révolution sexuelle l'a complètement emporté sur celle de la responsabilité. Le "Jouissez sans entraves" a balayé tout le reste. Et ce n'est pas un paradoxe que de constater qu'une telle décision détruit un peu plus les piliers d'une société de liberté. Il faut aller plus loin que la seule logique économique. Certes, c'est toujours une illusion que de croire qu'un produit industriel et un service sont gratuits. L'Etat se met à payer pour les femmes; au tarif fixé par l'industrie pharmaceutique. Mais il faut ajouter que ce n'est pas anodin d'affirmer que la contraception est gratuite: inévitablement, cela aboutit à une conséquence anthropologique terrible: l'acte sexuel n'a plus de valeur. Non seulement il n'est plus vu comme quelque chose de sacré, comme dans les sociétés traditionnelles; non seulement le lien entre sexualité et procréation, que le christianisme juge aujourd'hui encore essentiel, est passé par-dessus bord. Mais la sexualité elle-même devient un acte sans valeur, banal, rendant l'individu encore plus vulnérable à toutes les manipulations.    
Le ministre de la santé justifie cette décision par le fait que de moins en moins de personnes y ont recours, par manque de moyens. N’est-ce pas un manque de respect de l’autonomie des individus ? 
Les technocrates ont toujours des raisons à donner. Vu la fiabilité de celles avancées par Monsieur Véran tout au long de la crise du COVID, il est sain de se méfier des propos du Ministre. Tout d'abord, plus un régime est despotique plus il encourage la licence des mœurs. Tocqueville le savait. Et Soljenitsyne a dit quelque chose d'extrêmement profond quand il déclare que la pornographie est plus efficace que les miradors pour un gouvernement qui veut asservir une société. Encore une fois, on a emmené la société à l'opposé des intentions de Lucien Neuwirth et des rédacteurs de la loi de 1967. Loin de susciter plus d'autonomie et de responsabilité, on a déresponsabilisé les individus. La contraception devait faire diminuer le nombre d'avortements. Ce n'est pas le cas: le nombre d'avortements est stable et très élevé, à plus de 200 000 par an. Il n'y a pas besoin d'être un catholique fidèle à l'enseignement des papes pour savoir qu'un avortement n'est jamais anodin, qu'il laisse des traces profondes chez les femmes qui y ont recours - dans l'indifférence, le plus souvent, des hommes et de la société comme ensemble constitué. La loi Veil encadrait strictement l'avortement et elle relevait du même esprit de "mise en responsabilité" que la loi Neuwirth. Or, là aussi, on a poussé dans la direction opposée: le législateur a facilité toujours plus l'avortement, au lieu de prendre au sérieux la logique de responsabilité des années 1967-75. Au lieu d'identifier les contradictions, l'Etat en a rajouté une couche, en considérant que les parents ne savaient pas faire l'éducation sexuelle de leurs enfants. L'école s'est mise à l'éducation sexuelle. Comme si l'on pouvait passer en termes abstraits et généraux de ce qui relève des choix les plus intimes de l'individu. Comme si l'on pouvait décontextualiser la sexualité de la réalité humaine dans laquelle un enfant grandi: né d'un acte d'amour de deux parents qui lui servent de modèle, auprès de qui il structure sa personnalité, il ne sera pas amené plus tard seulement à se reproduire mais aussi à transmettre, avec une autre personne, la façon d'organiser tout ce qui constitue la vie, y compris la sexualité. Bien entendu, on m'expliquera que l'école a pour mission d'émanciper les enfants de toutes les représentations archaïques de la sexualité. De fait, elle est devenue le lieu d'une véritable propagande au service d'une révolution sexuelle toujours plus radicale. Apologie d'un acte sexuel toujours plus précoce (donc vécu hors de toute responsabilité), présentation de l'idéologie du genre comme la norme etc...Le technocrate en chef du nouvel ordre socio-sanitaire qu'est Olivier Véran a raison, dans sa logique à lui: il faut pousser toujours plus loin la logique du "Il est interdit d'interdire"; et l'argent est le dernier interdit dans la perception du socialiste qu'il est. Cependant, je reviens à Tocqueville et, d'une manière à la pensée républicaine, qui pense que la meilleure garantie de la cité, c'est la responsabilité des individus - la vertu, dit Montesquieu. Et je constate qu'au lieu d'une société de personnes libres réellement protégées par un Etat qui fait la guerre, assure la police et garantit l'exercice de la justice - mais pas beaucoup plus - nous avons un Etat qui s'occupe de tout sauf du secteur régalien, qui prétend régenter la vie des gens jusqu'au plus intime. Au bout du compte, il n'y a plus que des individus atomisés face au despotisme licencieux de l'Etat moderne.     
Quelle est la finalité de ce genre de décisions, faut-il voir des motifs moins positifs que l’apparente générosité ?
Les mauvaises langues disent que l'annonce d'Olivier Véran n'est pas arrivée par hasard la veille du jour de la mise en examen de Madame Buzyn. En fait, je me demande si ce n'est pas prêter beaucoup d'intelligence à Monsieur Véran. Une autre piste à explorer, qui me paraît plus proche de la réalité: l'Etat garantit à l'industrie pharmaceutique des revenus stables puisque c'est lui qui fournira, de fait, les contraceptifs. On entre dans la même logique que celle qui préside à la gestion du COVID, où l'Union Européenne a acheté des masses de remdesivir alors que le médicament ne servait à rien contre le SARS-COV2; et où, aujourd'hui, les gouvernements tentent d'imposer, de manière absurde, le vaccin comme le seul moyen de lutter sérieusement contre le virus. Eh bien Monsieur Véran agit toujours de la même façon. De même qu'il travaille à étendre la vaccination obligatoire, notre super-directeur des administrations de la santé, est dans une logique où les jeunes femmes doivent être poussées à utiliser la contraception pour augmenter les profits de l'industrie pharmaceutique. Nous sommes en plein dans cette soumission des Etats aux très grandes entreprises si magnifiquement analysée par l'auteur américain Joël Kotkin.   

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