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Réforme des syndicats : un système à bout de souffle mais un débat interdit...
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Les bons comptes font les bons amis

Un rapport d'enquête parlementaire dénonçant l'opacité du financement des syndicats salariaux comme patronaux a été enterré cette semaine, par les membres de la commission d'enquête eux-mêmes. Mais son contenu à "fuité" et déjà des voix s'élèvent pour réclamer la refonte du modèle syndical français dans son ensemble. C'est le cas d'Hervé Lambel, le président du CERF qui représente les TPE et PME.

Hervé Lambel

Hervé Lambel

Hervé Lambel est candidat à la présidence du Medef et co-fondateur du CERF (Créateurs d'emplois et de richesse en France).

D’une lignée d’entrepreneurs, il est diplômé de l’EPSCI (Essec). Il entre en 2000 à la CGPME, puis fonde en 2003 le CERF, dont il devient Président et porte-parole en 2004. Il fait notamment partie des premiers lanceurs d'alerte sur la crise économique et les problèmes de trésorerie des entreprises. Il est également le créateur d’HLDC, société de service et d’investissement.

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Aux oubliettes ! La commission d'enquête parlementaire sur le financement des organisations patronales et syndicales, créée en juillet dernier, a finalement décidé de ne pas adopter son rapport final. Après six mois d'enquête et quarante-cinq auditions, trois députés PS ont voté contre le texte, qu'ils auraient voulu "plus équilibré". Les élus UMP eux se sont abstenus, expliquant que la période – électorale – était mal choisie pour le diffuser.

Pourtant, ce rapport fait déjà du bruit. Selon les informations qui ont "fuité" dans la presse, et notamment dans le Figaro Magazine, il démontre une réelle opacité dans le financement des syndicats.

"Aujourd'hui les syndicats ne sont pas financés par leurs adhérents", explique en préambule Nicolas Perruchot, le député du Nouveau Centre à l'origine de la commission d'enquête. Les cotisations ne représentent qu'une part infime des budgets syndicaux : à peine plus de 3 à 4% pour les organisations salariales, entre 15 à 60 % pour les structures patronales. C'est la collectivité qui les finance, grassement. Selon les chiffres avancés par le rapport, l'Etat ferait chaque année "cadeau" de près de 4 milliards d'euros aux syndicats, via la mise à disposition de salariés dans le public et les décharges horaires dans le privé. Concrètement, note le rapport, l'Etat, par ces mesures, offre une main d’œuvre gratuite aux syndicats. A cela s'ajoutent les subventions aux comités d'entreprise et la gestion des organismes sociaux et de la formation professionnelle.

En contrepartie de ces financements, pas de réel contrôle. Car les syndicats sont des organisations très complexes, subdivisées en d'innombrables branches, il est presque impossible de donner une vision claire et exhaustive de l'utilisation des fonds. Si une relative transparence se met en place au sein des organisations salariales, sommées depuis une réforme de 2008 de publier leurs comptes, c'est moins le cas dans les organisations patronales, note le rapport.

Pour Hervé Lambel, Hervé Lambel, président du CERF, Créateurs d'emploi et de richesse de France, qui représente les PME et les TPE, il ne s'agit là d'une illustration parmi d'autres de la faillite bien plus globale du modèle syndical français.

Atlantico : Les conclusions de ce rapport vous surprennent-elles ?

Hervé Lambel : Concernant le mode de financement des syndicats, non. Cela fait des années que nous disons qu'il est impossible d'avoir des comptes consolidés pour les syndicats patronaux comme salariaux, car il s'agit en fait d'une multitude d'organisations. Je pense même que les chiffres avancés, 4 milliards d'euros, sont en dessous de la réalité. Les Français vont prendre conscience de l'ampleur que doit prendre la réforme du syndicalisme dans ce pays. La nécessité de transparence s'impose, quand on mesure le pouvoir d'influence des syndicats, alors même qu'ils n'ont finalement que peu d'adhérents.

Comment expliquer que ce rapport n'ait pas été adopté ?

Sachant ce que l'on risquait à soulever le tapis et à aller voir ce qui s'y passe, certains ont peut être simplement décidé de ne pas y aller. Il faut savoir que les syndicats de salariés comme les organisations patronales savent faire pression sur le monde politique.

On assiste là plus qu’ailleurs à un problème de conflits d’intérêts, qui s’illustre jusque dans la composition de la commission : quand Lionel Tardy, ancien Président de la CGPME 74 et toujours membre du Conseil d’administration, également Président de l’Amicale parlementaire des PME, organe d’influence de la CGPME au Parlement, siège dans la commission d’enquête parlementaire sur le financement des syndicat et donc sur le financement de la CGPME, on est exactement dans le type de conflits d’intérêts que dénonçait Lionel Tardy il a un an... faites-ce que je dis, pas ce que je fais. Tout le monde connait ce député dans le monde syndical, et personne n’a rien dit. La réalité, c’est qu’à tous les niveaux et par tous les moyens, le lobby des syndicats s’est mobilisé pour faire obstruction à ce rapport. C’est d’autant plus grave que François Hollande veut renforcer la démocratie sociale s’il ,est élu, par une réforme constitutionnelle qui donnerait plus de pouvoir à des syndicats. Outre que l’on voit aujourd’hui leur capacité d’influence, comment donner plus de pouvoir à des structures dont on cache aux Français les modes de fonctionnement et de financement ? C’est question est essentielle et doit en fait être au cœur de la campagne présidentielle, pour rendre la parole aux Français, une parole que les organisations syndicales et patronales ont confisquée.

Vous parlez d'une faillite bien plus globale du modèle syndical français...

En avril 2008, notre organisation, le CERF, a commencé à dire qu'il y avait une crise économique profonde, majeure, mais aucun autre syndicat ne semblait en prendre l'ampleur. Il a fallu attendre septembre 2008 et la faillite de Lehman Brothers, une banque américaine, pour qu'on se mette à parler de crise en France ! Les syndicats aurait pu limiter la récession si ils avait parlé plus tôt des défaillances d'entreprises, du repli du crédit. Il est là le scandale : au lieu de parler de crise, on n'a rien fait d'autre que de revenir sur le domaine de l'idéologie ;comme quand François Chérèque attribuait la montée du chômage à la réforme des heures supplémentaires plutôt qu'à la crise... On marche sur la tête ! On parle de défendre l’intérêt général, mais les syndicats s'occupent surtout de leurs propres intérêts.

C'est d'ailleurs ce que j'ai dit à la commission d'enquête : les syndicats ont rompu le lien entre leurs mandants et les politiques. C'est ce qui explique que les Français n'ont plus confiance en leurs élus, qu'ils aient le sentiment qu'on ne les entend plus. Les syndicats ne font plus passer les messages. Et ça, les Français l'ont compris il y a longtemps : ils se sont désintéressés du monde syndical.

Que proposez-vous pour réformer le modèle syndical actuel ?

Ce qu'il faut changer dans le fonctionnement du syndicalisme aujourd’hui, c'est la démocratie. Depuis 2009, les grandes directions syndicales salariales comme patronales ont été reconduites sans même un candidat en face... Ça fonctionne bien la démocratie sociale dans ce pays ! Nous proposons d'augmenter la représentation syndicale, de créer plus de concurrence et de transférer la représentativité à des élus et non à des appareils. Il faut que l'argent qui est prélevé sur les entreprises et les salaires soit géré ou contrôlé par des élus au suffrage universel et non pas par les organisations de droit privé non représentatifs que sont les syndicats et sur lesquels les contributeurs obligatoires n'ont aucun moyen de contrôle. Des organes élus paritairement, par exemple, pourraient contrôler l'utilisation de ces fonds publics. Nous avons déjà fait des propositions dans ce sens, que la « puissance » syndicale actuelle a pour l’instant réussi à enterrer, comme le rapport d’enquête. Reste aux Français, aujourd’hui, à se saisir de ce scandale s’ils veulent que les choses changent, plutôt que de s’en prendre systématiquement aux politiques qui sont un peu dépassé par cette nébuleuse qu’a commencé à décrire le Figaro Magazine en dévoilant une partie du rapport. Il faut que les langues se délient...

On assiste là plus qu’ailleurs à un problème de conflits d’intérêts, qui s’illustre jusque dans la composition de la commission : quand Lionel Tardy, ancien Président de la CGPME 74 et toujours membre du Conseil d’administration, également Président de l’Amicale parlementaire des PME, organe d’influence de la CGPME au Parlement, siège dans la commission d’enquête parlementaire sur le financement des syndicat et donc sur le financement de la CGPME, on est exactement dans le type de conflits d’intérêts que dénonçait Lionel Tardy il a un an... faites-ce que je dis, pas ce que je fais. Tout le monde connait ce député dans le monde syndical, et personne n’a rien dit. La réalité, c’est qu’à tous les niveaux et par tous les moyens, le lobby des syndicats s’est mobilisé pour faire obstruction à ce rapport. C’est d’autant plus grave que François Hollande veut renforcer la démocratie sociale s’il ,est élu, par une réforme constitutionnelle qui donnerait plus de pouvoir à des syndicats. Outre que l’on voit aujourd’hui leur capacité d’influence, comment donner plus de pouvoir à des structures dont on cache aux Français les modes de fonctionnement et de financement ? C’est question est essentielle et doit en fait être au cœur de la campagne présidentielle, pour rendre la parole aux Français, une parole que les organisations syndicales et patronales ont confisquée.

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