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Réforme du marché du travail : pourquoi les TPE et les PME pourraient encore être les grandes oubliées
©Reuters

Les petites oubliées

Alors que le président de la République reçoit ce mardi, à l'Elysée, les représentants des grands syndicats de France, Emmanuel Macron va devoir apprendre à gérer à la fois les revendications salariales et patronales sur la réforme du code du travail. Il y a un risque de voir les PME et les TPE passer à la trappe.

Hervé Lambel

Hervé Lambel

Hervé Lambel est candidat à la présidence du Medef et co-fondateur du CERF (Créateurs d'emplois et de richesse en France).

D’une lignée d’entrepreneurs, il est diplômé de l’EPSCI (Essec). Il entre en 2000 à la CGPME, puis fonde en 2003 le CERF, dont il devient Président et porte-parole en 2004. Il fait notamment partie des premiers lanceurs d'alerte sur la crise économique et les problèmes de trésorerie des entreprises. Il est également le créateur d’HLDC, société de service et d’investissement.

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Atlantico : Alors que le président de la République reçoit ce mardi, à l'Elysée, les représentants des grands syndicats de France, Emmanuel Macron va devoir apprendre à gérer à la fois les revendications salariales et patronales sur la réforme du code du travail. Mais quels sont les risques, aujourd'hui, de voir les PME et TPE, dont les enjeux et problématiques diffèrent souvent des plus grandes sociétés souvent ciblés par les réformes, passer à la trappe? 

Hervé Lambel : Le premier des risques relève d'un sujet qui n'est pas véritablement abordé dans le cadre de la réforme, celui de la représentativité des organisations qui sont amenés à parler dé ces entreprises. On a aujourd'hui un vrai problème de représentativité, confirmé par la mesure récente pour évaluer le poids réel de nos organisations, et on s'aperçoit que le nombre d'entreprises adhérentes à des syndicats patronaux est assez faible. 

Personne n'est donc véritablement représentatif pour parler des TPE et des PME. Pour autant tout le monde est maintenant d'accord pour enfin faire des TPE un sujet majeur. Sur les PME on est moins inquiet, mais sur les TPE on se rend compte d'une méconnaissance majeure de nos entreprises tant sur le plan social que sur le plan économique. 

Ça pose la question de l'efficience des corps intermédiaires. Le président va rencontrer les organisations et ensuite on va travailler par ordonnance, mais l'ordonnance à vocation à être votée par le Parlement. La question se pose de la connaissance des parlementaires de ces petites entreprises. Il y a au sein de l'Assemblée un déficit de représentations de ces petites entreprises. On en revient à leurs interlocuteurs, il y a deux types. 

Ceux que croisent les députés en se déplaçant dans leurs circonscriptions. Le risque est de ne pas avoir de vision d'ensemble mais un effet loupe sur certains problèmes.

Dans le même temps les autres interlocuteurs que vont avoir les députés ce sont les partenaires sociaux, ceux-là mêmes qui connaissent mal les petites entreprises. Il y a donc un problème de connaissance, d'accès à des données suffisamment éclairantes. 

On a un vrai problème de défaillance des corps intermédiaires pour représenter ces petites entreprises et ensuite trouver des moyens de formuler des solutions auprès du politique (exécutif ou législateur)  qui prennent en compte l'intérêt général.

Dans ce que souhaite mettre en place le Président de la République, un sujet majeur et qui va dans le sens des petites entreprises est l'inversion des normes. Cela avait été abordé et entamé par la loi El Khomri. Aujourd'hui comme on a ce déficit de représentativité des organisations patronales, il n'est pas normal de laisser la négociation à ces organisations patronales en lieu et place des entreprises elles-mêmes avec leurs salariés. Donc jusqu’à maintenant la loi qui était édictée par des organisations non représentatives s'appliquait à toutes les entreprises de façon uniforme. On a quand même un code civil qui parle de l'importance du contrat. Et c'est justement ce qui doit régir les relations de travail,le contrat. Il y a des gardes fous aujourd'hui pour encadrer les dérives, on se rend compte que les choses ont été rééquilibrés (les salariés disposent de moyens importants pour faire valoir leur droit et se défendre) alors  que l'entreprise elle-même à des moyens limités, surtout dans les petites entreprises. 

Donc l'inversion des normes est un point important pour avancer. Cela nécessitera que les employeurs comme les employés se tournent vers des organisations capables de leur apporter des conseils. 

Parmi les mesures demandées par le Medef figure le plafonnement des indemnités prud'homales. Quel peut-être le danger pour les PME et les TPE?

C'est l'application d'une règle uniforme qui deviendra force de loi et qui sera finalement non pas l'indemnité prud'homale mais l'indemnité de licenciement. Côté salarié se pose la question qui est la réparation du préjudice. Il est clair que face à un même problème, le préjudice n'est pas nécessairement le même. Est-ce que le code du travail et le barème d'indemnisation seront en capacité de le prendre en considération ? Visiblement non. Bien évidement on cherche à répondre à un problème qui est celui de la visibilité. La réflexion est juste mais est-ce que la solution est la bonne ? je ne le crois pas. car elle revient in fine à une augmentation du coût du travail pour les petites entreprises. or, toute augmentation du coût du travail produit des défaillances d'entreprises que l'on ne prend pas suffisamment en compte pour évaluer la situation de l'économie française.

Si l'on analyse ce qui se passe en conseil des prud'hommes, on se rend compte que bien souvent le montant de ce qui est octroyé au salarié en cas de condamnation de l'employeur ne correspond pas -ou très rarement- à ce qu'il demandait. Donc il y a une différence entre la demande et ce qui est obtenu. Si on institutionnalise un barème et que cela devient la base de la négociation de la rupture de contrat de travail, on commence à étendre à tous ce qui auparavant ne relevait que du risque judicaire et qui n'était pas nécessairement appliqué à tous. 

Quelles seraient les solutions pour une réforme du marché du travail capable de favoriser les PME et TPE, sans pour autant pénaliser les plus grandes entreprises ?

L'inversion des normes est incontestablement une bonne chose. Il faut poursuivre dans l'idée de la notion du contrat. C'est le contrat qui doit faire loi. 

Pour les TPE cela veut dire qu'elles ne sont plus soumises à des décisions qui sont celles des organisations non représentatives qui, chaque fois qu'elles vont négocier, sont obligées d'accepter de lâcher quelque chose en contrepartie d'autre chose. Revenir au contrat permet à l'entreprise de mieux moduler, de mieux gérer les points sur lesquels elle est en capacité ou non de s'adapter. Cette flexibilité-là donnera une flexibilité à l'entreprise pour mieux développer son activité. Le but n'est pas de flexibiliser le salarié, mais bien de donner à l'entreprise qui est le lieu où le capital et le travail vont se rencontrer pour produire une richesse partagé par tous, sous forme de service, de produit, de salaire ou de dividendes. On a tous un intérêt à ce que l'entreprise puisse délivrer au mieux ce service. 

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